Comment animer votre commerce en période creuse
Dans beaucoup de métiers, les commerces connaissent des pics d'activité, mais aussi des périodes plus calmes. Pour faire face, orchestrer des animations permet de faire revenir les clients en magasin. En période de creux, voici quelques pistes pour bosser et s'en sortir.
Je m'abonneMétéo défavorable, fins de mois difficiles, départs en vacances, autres priorités à gérer... Des contraintes ou événements qui, s'ajoutant à la concurrence désormais installée du commerce en ligne, amènent les consommateurs, à certaines périodes de la semaine, du mois ou de l'année, à déserter les points de vente. Et le chiffre d'affaires des commerçants en pâtit plus ou moins sévèrement... Si ces variations sont prises en compte -un chocolatier par exemple anticipera sa baisse d'activité probable après Noël et Pâques- reste, pourtant, pour lisser son chiffre d'affaires, à trouver des moyens de dynamiser la fréquentation dans les périodes traditionnellement creuses.
"Pour donner l'envie aux consommateurs de se rendre en point de vente, il est important que l'expérience d'achat soit présente. Il faut montrer qu'il se passe quelque chose, observe Pierre-Alain Weill, secrétaire général de Popai France, association des professionnels du marketing point de vente. Si le cadre apparaît toujours un peu similaire, cela ne pousse pas les gens à venir."
Mettre l'accent sur le plaisir d'achat constitue un bon moyen pour inciter les clients et prospects à se déplacer en magasin. C'est vrai toute l'année. Mais à plus forte raison en période d'activité réduite.
L'avant-dernier mardi du mois, les commerces font grise mine
"La troisième semaine de chaque mois constitue une période généralement plus creuse pour les commerçants", détaille Roberto Badilla, formateur spécialisé commerce, vente et gestion au sein de l'UTEC, CFA de la CCI Seine-et-Marne. Tout comme, complète-t-il, "après le jour de l'an, la troisième semaine de février ou le mois d'août, un mois de transition".
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À l'inverse, la fin d'année est traditionnellement moins compliquée que le début pour les professionnels du secteur, "sauf octobre, plutôt moyen", compte tenu de la proximité des fêtes qui poussent les clients en magasin pour s'approvisionner en produits alimentaires, cadeaux, décorations de Noël.
À l'échelle de la semaine, les mardis et jeudis comptent parmi les jours moins fréquentés. Un calendrier qui variera selon le type d'activité du commerce (saisonnière ou non, par exemple) et son emplacement (présence dans une destination touristique, une zone de bureaux, etc.)
[Témoignage] "Apparaître comme une boutique dynamique"
Permettre aux clients de tester les produits avant d'acheter. C'est la raison d'être des soirées organisées environ deux fois par mois par les Jeux de Loïc, une boutique spécialisée située à Bellegarde (Ain). "Lors de ces soirées, il y a quelques achats, jamais beaucoup, constate le gérant Loïc Takorian. Mais très régulièrement des personnes reviennent. L'autre impact est que cela me permet d'apparaître comme une boutique dynamique. Je l'entends de mes clients : ils me disent que ça bouge".
Mais pas question de s'endormir sur ses lauriers. "J'essaie d'appuyer un peu sur les périodes creuses", affirme-t-il. Pour cela, il met en place deux fois l'an, notamment en février/mars, les mois les plus creux pour lui, une bourse aux jeux d'occasion. Le principe : les clients proposent leurs anciens jeux à la vente. Le commerçant encaisse le fruit de ces ventes, mais leur donne en échange des bons d'achat à dépenser dans la boutique. Ce qui lui permet de booster son chiffre d'affaires par rapport à une période sans animation. À cela s'ajoute un autre avantage : "avoir des revenus avant des dépenses. C'est intéressant au niveau de la trésorerie".
Très actif, il réalise aussi des animations hors les murs qui lui permettent de se faire connaître ailleurs en local ou encore un événement thématique avec un club de jeux. Pour assurer son avenir, pas question de le jouer aux dés.
Repères
Raison sociale : SARL
Nom : Les Jeux de Loïc
Activité : Vente de jeux et jouets
Date de création : 2014
Ville : Bellegarde-sur-Valserine (Ain)
Dirigeant : Loïc Takorian, 39 ans
Effectif : 1 personne
CA 2017 : 130 k€
Pas question d'aborder ces périodes sans maîtriser quelques fondamentaux. "Il s'agit d'identifier ses points forts, conseille, pour réussir, Thierry Tollon, responsable au développement du commerce à la CCI de l'Ain. ''Pourquoi les gens viennent chez vous ?'' Il s'agit de travailler là-dessus pour animer son point de vente en se servant de cet élément." Et l'expert de remarquer: "Cela paraît a priori plus facile pour un commerce de bouche. Mais en réalité, tout le monde dispose d'un savoir-faire".
Un autre moyen de faire venir du monde dans le point de vente consiste à proposer une offre différenciée en boutique et sur son site marchand. "C'est la tendance de l'hybridation", souligne Pierre-Alain Weill (Popai France). Une façon, notamment, de créer de l'attente chez le client et de susciter chez lui l'envie de venir en magasin pour profiter d'un produit introuvable ailleurs. Une complémentarité qui peut être entretenue et valorisée au travers d'animations.
Affichage et promotions
En termes pratiques, les outils à disposition sont multiples. Miser sur le multicanal apparaît aujourd'hui incontournable. "Affichage, radio, support numérique, réseaux sociaux...", détaille Thierry Tollon (CCI Ain) qui a constaté une tendance grandissante des associations à partager des contenus sur ce que font leurs adhérents. "C'est facilité par le numérique, et avec l'irruption du commerce en ligne, il s'agit de se démarquer en vendant plus qu'un produit".
Autre axe à privilégier : la personnalisation. "Cela permet de créer une relation particulière avec le produit. On peut aussi le mettre en scène, par exemple en utilisant la réalité augmentée", développe Pierre-Alain Weill (Popai France). Sans aller jusque-là, les outils traditionnels, comme une simple photo, permettent aussi de mener des opérations efficaces. "Le selfie est le meilleur ami du commerçant, sourit l'expert. Parce que cela vous concerne vous, le magasin et que le partage du selfie amène tous les amis de la personne à savoir qu'il y a une animation".
De son côté, Roberto Badilla (Utec) invite à mettre en place des promotions pour les porteurs de cartes de fidélité, lors des journées les plus creuses de la semaine. Réduction, cumul de points, remise supplémentaire : l'avantage peut prendre plusieurs formes et son montant dépendra de la capacité de financement du commerçant. Des promotions qui peuvent être mises en valeur lors d'animations. Et l'expert de citer l'exemple d'une commune où les commerçants se rendaient, le jeudi, sur le marché, pour se promouvoir.
[En pratique] Des animations à promouvoir sur les réseaux sociaux
Animer son point de vente, c'est bien. En parler, c'est mieux. À plus forte raison pendant les périodes creuses, communiquer sur le sujet aide à renforcer la participation. Pour cela, les réseaux sociaux apparaissent comme l'une des solutions les moins onéreuses.
À condition d'y consacrer un peu de temps, cette démarche permet, en amont, de faire connaître son opération -donc d'attirer davantage de monde dans le commerce le jour J- et en aval, au travers des photos notamment, d'en mettre en avant les retombées. De quoi aussi booster la notoriété de son point de vente tout en donnant envie aux internautes de guetter la prochaine opération.
Des bénéfices dont est convaincu Michel Cohen, dirigeant d'Amandeous, boutique de chocolats à Montpellier. "Je fais quelque chose de pas commun, qui sort des sentiers battus : un bar à chocolat, les gens ne connaissent pas", déclare celui qui, pour y remédier, s'attache via sa page Facebook à mettre en avant son commerce, ses produits, ponctuellement ses animations : roses gratuites pour la Saint-Valentin, participation au spectacle nocturne montpelliérain Coeur de Ville en lumières, Black Friday, etc.
Une façon d'attirer des clients dans sa boutique. Sa page est suivie par plus de 4 200 personnes.
Mutualiser ses animations
Au-delà, se regrouper entre commerçants constitue une clé pour démultiplier l'impact de ses actions. Les périodes creuses sont en effet souvent les mêmes à l'échelle d'une ville ou d'un village. Par exemple, l'hiver, dans une localité de bord de mer, sera vraisemblablement une mauvaise période pour l'ensemble des commerces. D'où l'intérêt de se rassembler, avec le cas échéant le soutien des municipalités, des unions de commerçants ou autres associations de professionnels, pour bénéficier de la force de frappe de ces collectifs.
"L'une des tendances est la mutualisation", observe Pierre-Alain Weill (Popai France). Si la démarche est intéressante à tout moment de l'année, elle apparaît comme "particulièrement adaptée pour les périodes creuses". Elle peut se traduire par l'organisation d'espaces de vente dans une rue piétonne fermée pendant deux à trois jours. "L'important est que cela se voit de l'extérieur", note le spécialiste du marketing.
[Initiative] A Aigues-Mortes, les commerçants misent sur le collectif
Il y a une vie après l'été. Une conviction pour Nathalie Ravyts, commerçante à Aigues-Mortes, près de Montpellier et de destinations balnéaires comme La Grande Motte.
C'est pour faire parler des entreprises du commerce comme la sienne, y compris hors saison touristique, et promouvoir leurs savoir-faire, qu'elle a imaginé le Club des Petites Rues d'Aigues-Mortes. Une association de commerçants ayant vocation à mener des actions communes pour se démarquer.
"La mairie fait des choses pour les commerces de la place ou de la rue principales. Nous sommes contraints de nous regrouper pour qu'on parle de nous", témoigne-t-elle.
Inspirée par un club similaire de la prestigieuse avenue Montaigne à Paris, où elle a travaillé, la commerçante donne ainsi l'impulsion pour la mise en place d'animations groupées. À l'image du Printemps des commerçants, organisé au mois d'avril 2018, avec un jeu consistant à retrouver des objets (des "jardinières détournées") dans les boutiques participantes afin de gagner des bons cadeaux.
Un jeu de piste en lien avec une exposition voisine est prévu pour juin. Oui, il y a une vie au sein du Club.
Repères
Raison sociale : Association
Nom : Le Club des Petites Rues d'Aigues-Mortes
Date de création : Automne 2017
Ville : Aigues-Mortes (Gard)
Présidente : Nathalie Ravyts
Effectif : 33 adhérents
Cotisation annuelle : 25 €
Une tendance qu'incarne l'association Commerçants et artisans Saint-Saënnais, basée à Saint-Saëns près de Rouen, qui prévoit une douzaine d'opérations au total sur l'année 2018 pour dynamiser l'économie locale. "Nous essayons de combler les périodes creuses en nous associant avec la Ville qui fait régulièrement des expositions avec des peintres, des photographes, des sculpteurs", témoigne Alain Fihue, son responsable des animations.
Ainsi, par deux fois en 2017, dont une en février-mars, "période assez creuse", et déjà en 2016 sur un modèle proche, un jeu a été proposé aux clients. Il consistait à aller retrouver chez les commerçants des morceaux de tableaux issus de ces expositions pour reconstituer les oeuvres globales et tenter de gagner des bons d'achat. Un concours de cartes postales et photos anciennes devrait être organisé cet été dans la même optique.
Par ailleurs, c'est surtout en termes de communication que l'union fait la force. Par exemple, chaque année -ou presque- depuis dix ans, la CCI de l'Ain met en place une opération baptisée "À deux pas", qui permet de définir un cadre pour décliner des animations dans les commerces (jeu, animation de rue, promotion d'un savoir-faire...), mais surtout de communiquer à l'échelle du département. Une façon de donner de la visibilité aux opérations et de favoriser la venue du public dans les magasins participants, plusieurs centaines lors de la dernière édition en 2016.
"Misez sur le collectif et sur un ancrage local", résume Thierry Tollon (CCI Ain). Autre bonne pratique : s'appuyer sur un événement sportif (match de football, compétition), culturel (festival...) ou autre déjà existant pour déployer son animation.
Un coût limité
Autant d'initiatives qui ont un coût. Supports de communication, éléments de décoration, voire remises promotionnelles... entraînent des dépenses modulables, a priori abordables pour un commerce qui peut les adapter à ses besoins. Selon les cas, une partie de ces dépenses est couverte par la cotisation annuelle à une association de commerçants par exemple. Un détail à vérifier au moment de l'adhésion. Pour ne plus butter sur le problème de la période creuse.
[3 chiffres en +]
57 %
des Français se rendent dans les magasins pour essayer et tester les produits (étude OpinionWay pour Octipas réalisée en novembre 2017)
3
tendances fortes aujourd'hui dans le retail : offrir un parcours sur mesure, augmenter l'attractivité de son point de vente, apporter du sens au commerce (Cahier de tendances 2018 du salon Marketing Point de vente)
60 %
des Français de 18-24 ans ont envie de magasins où ils peuvent faire autre chose qu'acheter (étude OpinionWay pour l'Observatoire Shopper Havas Paris et Paris Retail Week réalisée en juillet 2017)