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Fidélisation : quand l'union des petits commerçants fait leur force

Publié par Amélie Moynot le | Mis à jour le
Fidélisation : quand l'union des petits commerçants fait leur force
© Jean François Badias / Andia

Plutôt que de récompenser classiquement vos clients les plus assidus, pourquoi ne miseriez-vous pas sur un programme de fidélité mutualisé avec d'autres commerçants ? Passage en revue des avantages et des inconvénients de ce type de solutions basées sur le collectif et à fort ancrage local.

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Tout seul on va plus vite, ensemble, on va plus loin. C'est le principe des programmes de fidélité mutualisés entre commerçants. L'idée est de se regrouper entre confrères afin de donner accès, via un programme spécifique partagé entre points de vente, à des offres et des avantages élargis. Objectif: inciter les consommateurs à réaliser leurs achats sur place. Une façon de renforcer l'attractivité d'une zone de chalandise (centre-ville, ville, rassemblement de communes...) tout en affirmant la vitalité du commerce de proximité.

"Les premiers programmes de fidélité mutualisés voulaient redynamiser les centres-villes, observe Hélène Yildiz, maître de conférences à l'Université de Lorraine, spécialisée en marketing. Au début, ils étaient surtout déployés dans le Sud touristique. Aujourd'hui, de plus en plus de villes sont confrontées à des problématiques de diversification de leur centre et de concurrence "déloyale" des grandes surfaces."

Une clientèle élargie

Pour un commerçant, la démarche comporte plusieurs avantages. Outre le fait de contribuer au dynamisme économique d'un territoire, tout en donnant une image d'unité et de cohésion, le programme mutualisé aide à toucher une cible de clientèle élargie.

"Il permet à la fois de fidéliser ses propres clients et d'en acquérir de nouveaux, parmi ceux des enseignes partenaires. C'est un vrai plus", explique Arnaud Lemoine, directeur associé de Lemoine Conseil, cabinet de conseil en stratégie, marketing et développement d'entreprise pour TPE et PME. Une façon d'augmenter son chiffre d'affaires, à ne pas négliger. Un moyen, aussi, d'élargir plus rapidement sa base de clients, afin de mieux communiquer autour de son magasin.

Dans certains cas, le commerçant peut aussi s'appuyer sur des services additionnels de nature à renforcer encore son action de fidélisation. C'est le cas par exemple à Orthez (Pyrénées-Atlantiques). La carte Privilège, développée par Adelya, fournisseur de solutions de fidélisation, offre non seulement des points mais aussi du stationnement gratuit. "Les gens qui l'utilisent doivent bien y trouver un intérêt, nous en tout cas on essaie de leur en donner un", explique Nicolas Darrigrand, dirigeant de la bijouterie Darrigrand et coprésident de l'association Orthez Plus, qui gère la carte.

"Offrir le stationnement gratuit permet d'avoir un portefeuille de porteurs de cartes beaucoup plus important, abonde Fabienne Arxo, coprésidente de l'association, dirigeante d'une boutique d'optique Afflelou dans la ville. Certains l'ont prise uniquement pour cette raison mais au moins, cela a pu les toucher". Un public potentiellement amené lui aussi par la suite à réaliser des achats, par opportunité.

Revers de la médaille : si l'impact sur la croissance et le trafic en point de vente est réel, il est souvent difficile à mesurer, en l'absence d'outils adaptés. D'où l'importance, pour un commerçant, de vérifier si ce service (par exemple, des relevés mensuels de transactions) est proposé dans son programme, et le cas échéant, de ne pas hésiter à l'utiliser. Une façon pour lui de mieux connaître sa clientèle tout en adaptant sa stratégie de fidélisation.

Moins de personnalisation

Autre défaut intrinsèque : la dimension de personnalisation dans les programmes partagés est généralement très faible, alors même que, dans un système classique, le commerçant peut paramétrer un certain nombre d'éléments, comme la nature de la récompense. "Plus le programme implique des enseignes différentes, moins le paramétrage est faisable", indique Arnaud Lemoine. Certains programmes font, cependant, exception.

A cela s'ajoute que "Les programmes de fidélité mutualisés sont beaucoup axés sur des avantages transactionnels et ne mettent pas l'accent sur le plaisir d'aller au petit commerce", remarque Hélène Yildiz. "Le programme de fidélité peut être un outil de communication d'enseigne. L'indépendant va se distinguer de ses concurrents par son relationnel", poursuit l'experte. D'où l'importance de réintroduire, autour du dispositif, cette dimension, en misant notamment sur l'accueil en magasin.

Ainsi, insistez auprès de vos vendeurs sur l'importance du sourire et du conseil. Ils devront aussi, pour augmenter les chances de succès, veiller à mettre en avant la carte. "On le demande le plus souvent possible", témoigne Fabienne Arxo. Ce qui n'exclut pas, en parallèle, d'en faire la communication par d'autres moyens, comme l'affichage, le collage d'autocollants sur la vitrine du magasin ou encore des publications sur les réseaux sociaux, notamment Facebook.

Combien ça coûte ?

Sur l'aspect financier, "il est certain que les commerçants font des économies d'échelle. Par exemple, le coût du logiciel est divisé entre plusieurs partenaires", approuve Hélène Yildiz, maître de conférences à l'Université de Lorraine, spécialisée en marketing. Même chose pour la conception et gestion "physique" de la carte, elle est aussi prise en charge par les gestionnaires du programme. Une façon, pour les commerçants membres, de gagner à la fois du temps et de l'argent.

Par ailleurs, lorsque les frais de gestion du programme sont calculés sur le chiffre réalisé avec la carte, cela élimine le risque de manque à gagner. Enfin, les éventuels frais de location de matériel (tablette numérique) restent accessibles: une dizaine d'euros par mois, par exemple, pour la carte Privilège, un programme de fidélité mutualisé proposé à Orthez.

Inutile, alors, de conserver un programme classique. "Pour un commerçant tout seul, ce sont des coûts importants d'en proposer deux, relate Hélène Yildiz. Après, tout dépend du contenu et de la finalité du dispositif. Sinon, je ne vois pas l'intérêt."

Toujours pour pallier la difficulté du manque de personnalisation, pensez aussi à proposer d'autres types de récompense afin de susciter l'émotion. "A Noël, les clients qui dépensent leurs points ont une bouteille de champagne. C'est toujours attendu", illustre Fabienne Arxo. Couronnée de succès, l'opération pourrait être reproduite par la suite, avec du champagne ou encore du chocolat.

Pour aller plus loin, n'hésitez pas non plus à solliciter votre mairie ou association de commerçants afin d'organiser des événements ciblés. "Il faut faire vivre le programme, le rendre festif", martèle Hélène Yildiz. Incitez-les aussi à communiquer dans la presse locale.

Dernier point de nature à susciter de l'inquiétude chez les commerçants, le programme est susceptible d'intégrer la concurrence. Autrement dit, il est possible que les avantages cumulés chez vous via le programme soient dépensés dans une autre enseigne que la vôtre, présentant la même offre... Ceci n'est cependant pas un problème pour les experts. "Cela permet d'élargir la panoplie de l'offre proposée aux consommateurs et même de renforcer les partenaires", assure Hélène Yildiz.

"C'est sur la qualité de service et le produit que va se jouer la différence", enchérit Arnaud Lemoine. "Je n'ai pas de problème avec ça, illustre le bijoutier Nicolas Darrigrand. Mon intérêt, c'est que les gens viennent à Orthez, chez moi ou chez un autre". Au bout du compte, le gagnant, c'est le commerce de proximité !

[Témoignage]

"Plus de 2000 euros passés sur la carte en un mois"

Un coiffeur, un magasin de chaussures, une boulangerie... Au total, ce sont plus d'une vingtaine de commerçants et autres professionnels alsaciens qui proposent à leurs clients la carte de fidélité Privilège, portée par l'association Proval. "L'idée était de maintenir sur notre territoire des consommateurs susceptibles d'aller vers les grandes zones commerciales afin de garder le pouvoir d'achat sur notre secteur", explique Alain Tritschler, président de Proval.

Lancée en septembre 2013, la carte repose sur une idée simple. Chaque achat chez un partenaire rapporte au client deux points. Dès 500 euros dépensés, il reçoit un chèque virtuel de dix euros. "Dans le principe, on ne peut pas proposer de cadeaux, mais nous organisons des opérations spéciales deux à trois fois dans l'année pour faire gagner des bons d'achat supplémentaires, par exemple lors de la fête des pères, par tirage au sort", poursuit-on à l'association.

Si les commerçants gagnent en attractivité, ils augmentent aussi leur connaissance client, grâce à un outil qui leur permet de suivre l'activité des porteurs de carte notamment les historiques d'achat. Un atout précieux dans un contexte concurrentiel où les clients deviennent de plus en plus exigeants et sont plus sensibles aux offres ciblées et adaptées à leur profil.

Au bout du compte, le bilan est positif: environ 5 000 transactions ont été enregistrées en 2016 et 10 000 euros auraient été ainsi maintenus sur le secteur.

Gérante du magasin de fleurs Pluie de Pétales à Schirmeck, Anne-Laure Goetzmann (au centre sur la photo) fait partie des tout premiers adhérents. "Je joue vraiment le jeu: je la demande systématiquement, explique celle qui mise aussi sur l'affichage pour la faire connaître. J'ai des personnes qui viennent parce que j'ai la carte : cela m'a permis de gagner de nouveaux clients."

Au-delà d'un élargissement de sa base et d'un renforcement de sa fidélisation, la fleuriste a également constaté un impact positif sur son chiffre d'affaires. " J'ai enregistré 2 666 euros avec la carte en décembre, 2 088 en novembre, témoigne-t-elle. Sachant que mon panier moyen se situe autour de vingt euros, cela fait beaucoup de monde..."

Sur les deux mêmes mois, elle a, par ailleurs, "encaissé" une vingtaine de chèques virtuels au total. Autre avantage : elle enrichit à chaque fois son fichier client, qu'elle utilise pour l'envoi d'une newsletter.

Côté coût, Anne-Laure Goetzmann n'enregistre "pas de frais importants" (7 euros HT par mois + 3 % prélevé sur le montant des achats réalisés avec la carte). Et l'association lui rembourse les chèques virtuels, ce qui couvre tous ses frais. En définitive, elle ne voit qu'un seul bémol : "J'aimerais que beaucoup plus de commerçants l'utilisent pour que la carte soit crédible et fonctionne encore mieux", conclut la fleuriste.

Repères

Raison sociale : EURL Pluie de Pétales
Activité : fleuriste
Ville : Schirmeck (Bas-Rhin)
Année de création : 2006
Dirigeante : Anne-Laure Goetzmann, 34 ans
Effectif : 2 personnes
CA 2016 : 115 k€

 
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