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Le "eat-in-store", une tendance en pleine ascension

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Le 'eat-in-store', une tendance en pleine ascension

Le consommateur a faim de nouvelles expériences. De la supérette de centre-ville à l'hypermarché de périphérie, les géants de la distribution alimentaire l'ont bien compris et passent en cuisine, en expérimentant la restauration en magasin. Une offre portée par l'essor des repas hors domicile.

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Préparations culinaires, mises en place... Dans un atelier vitré, sous l'oeil averti du chef, une brigade d'équipiers s'active en cuisine pour préparer les recettes du jour. Bienvenue dans les coulisses de la Cuisine du marché, un restaurant pas comme les autres puisqu'il est implanté dans la zone alimentaire et produits frais d'un hypermarché Auchan. Baptisée "ready-to-eat", cette formule offre la possibilité aux clients de la grande surface de s'installer et de déjeuner sur place. À la carte, des plats cuisinés par les chefs à partir des produits des rayons. Ou des repas réalisés par des spécialistes de la restauration installés en concessions dans le food court (stands de sushis, de spécialités italiennes, de cuisine exotique...).

"Dans cette configuration, le mix des deux univers, distribution et restauration, est total, explique Jean-Denis Deweine, directeur produits et flux d'Auchan Retail, puisque le client peut, par exemple, prendre son repas au comptoir et consommer une bouteille de jus de fruits qu'il a achetée dans le magasin. Il consomme comme il l'entend." Ce concept est loin d'être une tendance isolée. "Nous avons développé une centaine de concepts 'Autour du comptoir' dans nos hypermarchés", confie Pauline Fradin, chef de projet pour la restauration chez Carrefour.

"Tous les magasins doivent devenir des zones d'expérience", Cécile Poujade (Saguez&Partners)

Chez Leclerc, des concepts bistrots fleurissent comme des petits pains au centre des magasins. Casino propose même des initiatives (en test pour le moment) qui connectent le chaland, via une application, à l'espace marché: pour le prévenir quand son plat est chaud, quand le pain sort du four... Bref, une véritable poussée de la restauration se fait jour au sein des grandes surfaces alimentaires, avec des concepts de plus en plus travaillés. Finalement, le pari n'est pas si risqué: ces formats XXL attirent une masse critique de visiteurs et peuvent absorber une offre adossée à leurs métiers de bouche. Il existe un vrai potentiel: un repas sur cinq est consommé hors domicile, estimait, en mars 2018, le cabinet IRI. De quoi en faire saliver plus d'un!

Les volumes de leurs ventes ne progressant plus, les distributeurs alimentaires cherchent, par ce biais, à générer de la croissance autrement. "Au passage, c'est un moyen de faire revenir en magasin les clients adeptes de l'e-commerce et de les refidéliser", souligne Pauline Fradin (Carrefour).

Créer une expérience gustative

L'idée est également de redonner ses lettres de noblesse à un univers marchand dont les marqueurs sont surtout la présence de chariots et de produits de grande consommation. Peu vendeur à l'ère de l'économie de l'expérience! "Désormais, tous les magasins doivent devenir des zones d'expérience. Et la cuisine s'y intègre parfaitement", analyse Cécile Poujade, directrice associée retail et international chez Saguez&Partners. Même les formats de proximité appliquent cette recette. À l'instar de Carrefour City, qui innove avec La Halle de Clichy. "C'est un magasin lab, qui intègre un espace dédié aux repas du quotidien et une salle de restauration assise. Les clients peuvent y faire une pause gourmande avec sandwichs, salades, quiches... confectionnés sur place. L'établissement propose aussi un lieu dédié aux solutions repas prêtes à réchauffer, qui intègrent notamment les plats Quitoque", décrit Pauline Fradin.

Dans une trentaine de points de vente Picard, il est aussi possible de déjeuner sur place... avec un petit plus: la télé! Une offre de restauration qui représente, début 2019, 17% du chiffre d'affaires de l'enseigne. Quant à Franprix, le pape de la proximité, il se transforme en roi de la petite restauration de quartier. L'enseigne voit son trafic clients augmenter de 2% au premier trimestre et son chiffre d'affaires restauration progresser de 12%. Il est vrai qu'elle met les bouchées doubles sur la restauration, avec des espaces dédiés, avec tables et chaises, et une offre en évolution constante: bar à pizzas, bar à jus, bar à soupes, bar à sandwichs, bar à salades... Ce dernier réalise jusqu'à 10% des ventes d'un magasin!

Le nouveau point de vente Franprix comprend ainsi un café, un restaurant, une fontaine à eau et même un jardinet dans lequel les visiteurs cueillent leurs plantes aromatiques. Le concept monte en gamme en fonction de l'emplacement: le tout nouveau magasin de l'Opéra, à Paris, propose une offre premium pour attirer les urbains pressés et les touristes. Dès l'entrée, trône un immense bar avec un comptoir en marbre. Les espaces pour manger, plus attirants qu'un linéaire classique, sont ainsi poussés à l'avant, derrière les grandes baies vitrées, pour donner une image chaleureuse et envie d'y entrer.

Des zones ouvertes pour rassurer

Une transparence totale est de mise pour inspirer confiance, comme l'explique Jean-Denis Deweine. "Car manger dans un magasin n'est pas un réflexe. La grande distribution n'a pas une image de spécialiste. Le métier de restaurateur est différent. C'est pour cela que, dans les hypermarchés Auchan, la préparation est effectuée devant le client. De manière à le rassurer dans son passage d'une logique d'achat de produits à une solution de repas tout prêt."

En restauration assise, mais aussi en solutions "ready-to-cook". "Avec des initiatives telles que les légumes vendus en version prêt-à-pousser (hydroponie...), des bars à smoothies, 'La Fraîcherie' pour découvrir les fruits et légumes autrement... En France, dans certains établissements de l'enseigne, une diététicienne va jusqu'à imaginer des recettes équilibrées et gourmandes, et compose, pour le compte de clients, des paniers-repas à cuisiner soi-même", décrit Jean-Denis Deweine.

Place au "food service", comme l'appelle le cabinet Gira Conseil, spécialisé dans la restauration. Une tendance de fond, plébiscitée par les consommateurs et qui pourrait bien sauver la mise des GSA, notamment des grands ensembles. "Car la généralisation du 'eat-in-store', c'est aussi une façon de réallouer les mètres carrés dont l'activité économique (textile, électronique, électroménager,...) a été dévorée par Internet. Remplacer ces rayons non rentables par une offre de restauration, génératrice de fortes marges, apparaît assurément comme une bonne idée", remarque Olivier Salomon, managing director au sein du cabinet AlixPartners.

La Chine, le modèle qui fait recette

La démarche de food service se répand également à l'étranger. "L'an dernier, Auchan a développé cette nouvelle approche dans 750 points de vente dans le monde (Italie, Luxembourg, France, Chine, Vietnam, Russie, Hongrie, Taïwan, Espagne...). Et nous prévoyons de la déployer sur l'ensemble de notre parc dans les deux ans, annonce Jean-Denis Deweine. Avec la possibilité de commander un plat traiteur fait par nos chefs en magasin et de se le faire apporter à domicile. En Chine, un hypermarché Auchan peut livrer, chaque jour, jusqu'à 1000 repas commandés en ligne."

Là encore, la Chine montre l'exemple avec un modèle inspiré d'Alibaba, qui propose de se faire livrer en moins de 30 minutes des bons petits plats réalisés en hyper ou super. Ses magasins sont-ils pour autant déserts? Bien sûr que non, comme l'atteste Nicolas Hauvette, directeur de création de Malherbe Paris, une agence parisienne de design qui réalise la moitié de son activité en Asie. "Dans le dernier concept d'hypermarché Hema (groupe Alibaba), la moitié de la surface est dédiée à la restauration. Sa promesse: 'fresh and live'. On y pêche son poisson, on coupe ses herbes fraîches, on ramasse les crustacés et on choisit son chef qui cuisine selon les goûts de chacun. Cela inspire confiance: on mange sur place et, si on est pressé, on se fait livrer. Mais on est sûr de la qualité."

Autre exemple, celui de l'hypermarché Carrefour de Shanghai, baptisé "Le marché" et réalisé par Saguez&Partners. "Cocréé avec Tencent, il propose un univers restauration où les clients peuvent se faire griller au barbecue des crustacés achetés en magasin pour les déguster sur place. Une avenue de la restauration réunit aussi différents stands de cuisines du monde. Non seulement les consommateurs ont le choix, mais en plus, grâce au scan and go, ils n'ont pas besoin de passer à la caisse, ce qui améliore nettement l'expérience client", détaille Cécile Poujade, directrice associée retail&international de l'agence. Et que dire de City'super à Hong Kong? Positionné comme un supermarché premium, il dispose d'un immense espace de restauration nommé CookedDeli. Au menu, bar à vins, salon de thé, halle de marché... Malherbe Paris, qui a designé le nouveau concept, a véritablement mis les petits plats dans les grands pour faire de cet endroit le lieu idéal pour les consommateurs désireux de prendre du bon temps en faisant leurs courses.

Désormais, le magasin devient une destination pour se restaurer autant que pour se ravitailler. En développant le food service, les distributeurs espèrent ramener les clients dans leurs murs. Demain, le prochain combat des enseignes sera autant dans le Caddie que dans l'assiette!

En chiffres


- 1 repas sur 5 est consommé hors domicile, estimait, en mars 2018, le cabinet IRI.
- 90 milliards d'euros: c'est le poids de la restauration hors domicile en France, qui ne cesse de croître (+3,9% en un an).
- 20%: c'est le chiffre d'affaires que Casino Proximités souhaite réaliser via la restauration, contre 5% environ aujourd'hui.
- Poussée par des tendances sociologiques et économiques, l'offre de restauration des GMS est en train de vivre un véritable boum. Distri-ration, c'est le nom de ce phénomène commercial qui consiste à rapprocher les univers de la distribution et de la restauration. Selon une étude du cabinet Xerfi-Precepta, ce marché représenterait 6,7 milliards d'euros pour les grandes surfaces.
Source: Gira Conseil, 2018

 
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