Commercialiser ses invendus en ligne, est-ce rentable ?
Vous comptabilisez 20, 50 ou 100 euros de pertes par jour ? Pourquoi ne pas transformer vos invendus en revenus ? C'est le constat fait par de nombreux commerçants et artisans qui ont adhéré aux plateformes collaboratives anti-gaspillage alimentaire.
Je m'abonneUn tiers de la nourriture produite à destination humaine est perdu ou gaspillé chaque année, soit 79 kg par personne en France. Consommateurs et professionnels se sont saisis de ce sujet du quotidien, en imaginant de nouvelles applications smartphone permettant de réduire le gaspillage alimentaire, comme Optimiam ou To good to go. Le principe ? Un commerçant alimentaire met ses invendus en ligne, un consommateur se connecte à l'application, choisit un commerçant proche de chez lui, paie et vient chercher ses produits en fin de journée. Pour le commerçant, le bénéfice est triple : ces applications sont gratuites et sans engagement, elles réduisent efficacement le gaspillage alimentaire et attirent une nouvelle clientèle grâce à la géolocalisation.
"Nous offrons aux commerçants un canal de vente supplémentaire de dernière minute, quand ils en ont le plus besoin", explique Alexandre Bellage, cofondateur et directeur général d'Optimiam, la première application à s'être lancée en France, en 2014. Optimiam travaille désormais avec plus de 850 commerçants sur toute la France, indépendants, restauration rapide ou supérettes, particulièrement dans les grandes villes (400 à Paris).
Cette application a pour objectif d'aider les commerces de proximité (boulangeries, restauration rapide...) à vendre à temps leurs produits, sans devoir les jeter à la poubelle. À l'aide de la géolocalisation, l'application informe les consommateurs proches des commerçants partenaires de promotions exclusives. "Lorsque nous rencontrons pour la première fois un commerçant, nous évaluons avec lui le volume de ses invendus et évaluons les offres qu'il sera en mesure de proposer quotidiennement. Chaque jour, nous allons rendre visible cette promotion auprès de potentiels clients, qui peuvent réserver et payer dans la journée, puis retirer le produit à l'heure désirée", explique Alexandre Bellage.
Plus récente, car arrivée en France en juin 2016, l'application To good to go fournit une solution clé en mains aux commerçants qui se distingue légèrement de celle d'Optimiam. Avec 4 500 commerçants partenaires, sur tout le territoire, To good to go estime à 2,5 millions le nombre de repas sauvés de la poubelle en deux ans. "Nous sommes présents sur l'ensemble du territoire, des grandes villes aux villes moyennes, en passant par les commerçants des villages qui nous ont rejoints via le bouche-à-oreille", indique Rose Boursier -Wyle, responsable des relations publiques de To good to go, qui vend 13 000 paniers surprises par jour.
Une commission prélevée sur chaque vente
Le mode de rémunération diffère selon les plateformes. Optimiam prélève 1 euro par transaction. Par exemple, sur une offre à 5 euros, 4 euros vont dans le tiroir-caisse du commerçant, 1 euro dans celui d'Optimiam. "En fonction du volume, nous pouvons mettre en place des abonnements de 20 à 100 euros par an avec les commerçants qui le désirent", précise Alexandre Bellage. À chaque fin de mois, un virement de l'intégralité du chiffre d'affaires réalisé est effectué sur le compte du commerçant, sans commission.
To good to go se rémunère par panier vendu, sous la forme d'une commission fixe de 25 %. Chaque panier, d'une valeur de 10 à 15 euros, est vendu entre 2 et 4 euros sur l'application. Il est possible de paramétrer un minimum de deux paniers par jour, sans se connecter à l'application. "Cela donne une grande flexibilité au commerçant, qui n'a pas besoin de référencer un à un ses produits", estime Rose Boursier-Wyle. En revanche, des frais administratifs de 39 euros par an sont demandés au commerçant. Tous les trimestres, ?le commerçant reçoit un virement ?correspondant au montant des paniers vendus, moins la commission.
En un an, un boulanger qui vend deux paniers à 2,99 euros par jour enregistre 5 000 euros de revenus supplémentaires. Par an, le commerçant peut engranger entre 5 000 et 10 000 euros de revenus grâce à la vente de ses invendus. Avec un magasin plus important, cela peut aller jusqu'à 30 000 euros par an.
Séduire les consomm'acteurs
Outre l'avantage de vendre à temps ses invendus et d'en générer des revenus, l'adhésion à une plateforme collaborative permet d'attirer une nouvelle clientèle. Optimiam compte 250 000 utilisateurs et parmi eux, de nombreux ambassadeurs, convaincus de l'utilité de lutter contre le gaspillage alimentaire, et qui ont intérêt à ce que ce type d'initiative se développe au maximum.
Grâce au succès de l'application et au bouche-à-oreille, ces plateformes collaboratives recrutent plusieurs centaines de commerçants chaque trimestre. "Nous rencontrons les commerçants pour nous assurer qu'ils adhèrent à nos valeurs et qu'ils partagent notre volonté de réduire le gaspillage alimentaire et d'en faire profiter une communauté de consommateurs", explique Alexandre Bellage.
"L'évolution de la législation et la publicité autour de la lutte contre le gaspillage alimentaire ont permis d'éveiller les consciences autour de cette problématique. Les consommateurs y sont de plus en plus sensibles, ce qui crée une nouvelle communauté de consomm'acteurs. Les commerçants aussi, y sont sensibles !", conclut-il.
Témoignage
"L'application fait venir de nombreux touristes étrangers dans ?ma boulangerie"
Mohamed Ali Ellini travaille depuis deux ans avec Optimiam et un an avec HopHopFood, une plateforme gratuite permettant le don alimentaire entre particuliers. "Chaque jour, je vends 9 paniers d'invendus à 4 euros, sur lesquels la plateforme prend un euro de frais", explique le dirigeant. "Je donne le reste à des associations locales. La vente des invendus représente 0,5 % de mon chiffre d'affaires et me permet de réduire un peu la perte". Comme l'application est mondialement connue, elle fait venir de nombreux touristes étrangers dans sa boulangerie.
Repères
Raison sociale : Maison ellini
Activité : Boulangerie
siège social : Paris (XIe)
Création : mars 2013
Dirigeant : Mohamed Ali Ellini, 42 ans
Effectif : 6 personnes
CA 2016 : 406 K€