Gestion du cash : ce qui pourrait changer pour les commerçants
Les commerçants bientôt autorisés à délivrer des espèces à leurs clients en échange d'un paiement par carte bancaire? C'est ce que prévoit une directive européenne. Si le cadre pratique est actuellement en discussion, voici ce qui pourrait, à terme, changer en point de vente.
Je m'abonneLa possibilité pour les commerçants d'offrir un nouveau service à leurs clients. C'est ce qui se dessine avec une directive européenne sur les services de paiement, dite DSP2, qui entrera en vigueur en France le 13 janvier 2018. Si cette directive a pour objet de fixer de nouvelles règles d'exercice pour les acteurs du paiement, elle a aussi des conséquences annexes pour les commerçants de proximité.
Elle introduit en effet le fait que, lors d'un paiement par carte, le commerçant pourra être autorisé à remettre du liquide au client qui en ferait la demande. Ce qui, dans ce contexte, est appelé le cashback (sans rapport avec la technique commerciale consistant à proposer des réductions moyennant achat). Par exemple, si un consommateur doit s'acquitter de la somme de 40 euros, il peut décider de payer 60 euros. Le commerçant devra donc lui rendre 20 euros en liquide.
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Une façon pour le commerçant d'optimiser la satisfaction de son client. "Un enjeu de fidélisation", explique Philippe Joguet, directeur Développement durable, RSE et questions financières au sein de la Fédération du commerce et de la distribution (FCD). Et à long terme -à condition toutefois que les habitudes se prennent, côté client- une façon de créer du trafic en point de vente.
Autre avantage potentiel pour le professionnel, une gestion du cash facilitée. "Le cash n'est pas le moyen de paiement le plus cher (pas de frais bancaires) mais il induit surtout des frais de gestion : coûts de stockage et de transport de fonds", développe l'expert. Davantage de cash fourni au client, c'est moins de billets apportés à la banque, soit, potentiellement, du temps de gagné, et moins de risques éventuels en termes de sécurité.
Concertation en cours
Un changement qui, toutefois, même si l'échéance du 13 janvier approche, ne devrait pas intervenir tout de suite. "La France n'a pas inscrit cette possibilité dans son ordonnance de transposition. Le décret d'application reste entièrement à écrire", relate Philippe Joguet.
Dans cette optique, une concertation a été engagée au mois de septembre avec les acteurs concernés pour mettre en place un cadre pratique afin que les points de vente puissent, effectivement, déployer ce service.
Le cashback en France et en Europe
Si le déploiement du cashback serait une première en France sous cette forme, plusieurs de ses voisins européens l'ont déjà testé, notamment la Belgique. Selon la FCD, qui compte des adhérents belges, 6 % des transactions par carte s'accompagnent de demandes de cashback dans ce pays. "Une demande stable dans le temps", remarque Philippe Joguet.
"La différence est qu'en France le maillage territorial pour les distributeurs automatiques de billets est assez exceptionnel (plus de 50 000). Ce maillage allant d'ailleurs dans le sens d'une rationalisation, souligne Philippe Joguet. A cela s'ajoute que les habitants des zones rurales peuvent être éloignés des DAB".
"Les habitudes de paiement sont très nationales", abonde Jean-Michel Chanavas, qui cite également les cas du Royaume-Uni, où les stations-service ont recours à ce service pour se délester de leur cash, et l'Allemagne, où le cashback est courant, "élargi depuis trois à cinq ans".
L'un des points à régler porte notamment sur le montant autorisé pour la remise d'espèces. "Probablement un maximum de soixante euros", explique Jean-Michel Chanavas, délégué général de Mercatel, think tank pour la commerce et la distribution. "100 euros serait un montant plus conforme aux besoins", avance Philippe Joguet. Après un temps d'expérimentation, le montant fixé au départ pourrait être majoré au fil du temps.
"Ce qui reste à préciser, c'est la façon de continuer à suivre les flux de cash", ajoute Jean-Michel Chanavas, délégué général de Mercatel. Non seulement le montant, mais aussi les commerçants qui seront concernés.
En parallèle, les commerçants et les banques pourront également être amenés à discuter du coût de ce service pour les commerçants. "Le service doit-il être gratuit, payant - si oui, combien - ou même rémunéré ? [dans le cas, par exemple, où il apporterait une solution à un manque de distributeur de billets dans un secteur donné, ndlr]. Le commerçant devra avoir un intérêt à faire ça", explique Jean-Michel Chanavas.
Dans ce contexte, Philippe Joguet estime l'arrivée de changements concrets "courant 2018" et non dès janvier, le temps que les modalités pratiques soient définies. "2018, début 2019, estime de son côté Jean-Michel Chanavas. Même si certaines grandes enseignes pourraient aller plus vite".
Nouvelle organisation
Pour le commerçant, cette mise en oeuvre impliquera une nouvelle organisation, de nouvelles habitudes, mais pas forcément davantage de dépenses. Si, comme l'a constaté la FCD, environ 30 % des transactions s'effectuent en cash, contre 60 % en carte et 10 % en chèque, "le commerçant n'aura pas à constituer de réserves spéciales pour répondre à la demande, si son volume d'activité le permet", estime Philippe Joguet. Ces 30 % lui permettraient d'y répondre tout en réduisant le stockage. S'il doit, en cas de forte demande, s'équiper d'un coffre-fort, cette dépense d'équipement pourrait être amortie à plus ou moins long terme.
"Il n'y aura probablement pas besoin de nouveaux équipements, en revanche, les logiciels devront évoluer, mais ce n'est pas si compliqué, cela fonctionne dans beaucoup de pays, ajoute Jean-Michel Chanavas. Reste qu'"il faudrait une transaction particulière au niveau du terminal de paiement et de la caisse".