5 questions sur la rémunération du dirigeant
Comment, combien, sous quelle forme se rétribuer en tant que chef d'entreprise ? Voici les points essentiels à connaître et à surveiller.
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Pour fixer le montant de sa rémunération, la première chose à faire, selon Aurélie Bonneau, directrice associée de TGS France (ex Soregor), est de dresser (ou faire dresser) un prévisionnel de l'entreprise - intégrant le chiffre d'affaires, l'endettement, les charges, etc.
"On va en déduire la capacité financière de l'entreprise à rémunérer son dirigeant, qu'on va confronter aux besoins de l'entrepreneur, eux-mêmes dépendants de ses charges familiales, emprunts personnels, etc", précise celle qui est aussi experte comptable.
Deuxième chose : avoir conscience que ce prévisionnel doit être dynamique. "Car les choses peuvent changer de façon imprévue, prévient Pascal Roesch, conseiller Rivalis. Pour pouvoir se payer sereinement, il faut savoir à tout moment où on en est par rapport à son prévisionnel, savoir où on va atterrir en termes de résultats, et savoir quoi mettre en place pour atteindre ses objectifs. "
Quels facteurs à surveiller ?
"Autre question à laquelle avoir une réponse en permanence : mes tarifs et devis sont-ils adaptés à mon entreprise ?", ajoute Pascal Roesch. Un chef d'entreprise doit aussi être sûr que ses clients vont le payer, et savoir combien d'argent il a en trésorerie. Quand celle-ci est à sec, la première chose que fait un chef d'entreprise est généralement... d'arrêter de se payer.
"Il faut connaître l'impact financier que chaque investissement aura sur l'entreprise, et si cet investissement est possible sans conséquence sur sa propre rémunération. Pour une variation de masse salariale, on doit estimer l'impact d'un recrutement en termes de charges, mais aussi de production, avertit encore Pascal Roesch. Il faut aussi savoir constater qu'on n'a pas un bon rythme de CA, et savoir ce qu'il faut faire pour le rétablir : quel taux de transformation de devis atteindre, quel type de communication adopter, etc. Or, très peu de chefs d'entreprise ont les compétences, les outils ou l'accompagnement nécessaires pour obtenir ces réponses."
Bon à savoir
Il existe d'autres moyens de se rémunérer ou d'obtenir des compléments, par exemple en décidant de s'octroyer une prime en fin d'années, en mettant en place un plan d'épargne entreprise (PEE), en percevant des indemnités kilométriques ou, pour les TNS, en faisant prendre en charge par l'entreprise des contrats loi Madelin. Ceux-ci permettent de bénéficier d'une couverture complémentaire de prévoyance, santé et retraite ; et donc de compenser le niveau de couverture moindre des TNS.
Quelles formalités pour une société ?
Tout dépend du statut juridique de l'entreprise. "Pour une SAS, le dirigeant sera souvent président, avec un statut social d'assimilé salarié, et donc un salaire lié à la fois à capacité de l'entreprise à le rémunérer et au travail effectif réalisé, explique Aurélie Bonneau. Et s'il n'y a pas corrélation entre ces éléments, un redressement judiciaire peut avoir lieu, que ce soit pour une rémunération trop élevée ou trop basse."
Les mêmes règles s'appliquent à une SASU ou une SA. Par contre, le gérant majoritaire d'une SARL - ou le gérant associé d'une EURL - aura un statut de TNS (travailleur non salarié), et donc pas de bulletin de salaire. Les modalités de sa rémunération restent toutefois fixées à l'avance, dans les statuts ou dans le PV de l'assemblée générale.
Quelles différences avec une entreprise individuelle ?
"Dans une entreprise individuelle, le résultat de l'entreprise est le revenu du chef d'entreprise, explique Pascal Roesch. Il n'y a pas de séparation entre privé et professionnel." L'exploitant est ici aussi un TNS, mais prélève sa rémunération, d'une façon qui peut varier d'un mois à l'autre, selon ses arbitrages du moment.
Par ailleurs, il paye l'impôt sur le revenu sur la totalité du résultat de l'entreprise, indépendamment de son vrai niveau de rémunération. "Il peut donc être plus opportun de passer sous forme de société quand il y a un gros décalage entre résultat fiscal de l'entreprise et rémunération réelle", souligne Aurélie Bonneau. Le statut d'un auto-entrepreneur est très proche, mais il doit déclarer le CA de l'entreprise au lieu de son résultat fiscal.
Puis-je me rémunérer en dividendes ?
Uniquement dans le cas d'une société. "À la fin de l'exercice annuel, si on constate que l'entreprise a dégagé du résultat, on peut le mettre en réserve, décider d'augmenter son salaire l'année suivante, ou se verser des dividendes de suite", décrypte le conseiller Rivalis.
L'avantage de verser tout ou partie du résultat en dividendes étant que ceux-ci peuvent bénéficier d'un abattement de 40 %, à condition d'opter pour l'imposition au barème progressif au lieu du prélèvement forfaitaire unique (ou flat tax, de 30 %). "Donc un salaire peut générer davantage d'impôts sur le revenu que des dividendes, développe Aurélie Bonneau. Mais l'administration fiscale peut faire un redressement si elle juge que la rémunération totale inclut trop de dividendes."
0 rémunération = 0 cotisation ?
Cette équation n'est pas valable dans le cas d'un TNS. Car un chef d'entreprise sous ce statut n'est pas affilié au régime général, mais à la SSI (sécurité sociale des indépendants), et doit s'acquitter de cotisations sociales minimales (indemnités journalières, retraite de base, invalidité-décès et formation). Pour un artisan ou un commerçant, cela représente respectivement des montants de 1 144 euros et 1 127 euros.
Mais, en début d'année, ces dirigeants devront sûrement débourser des sommes plus élevées, car la SSI calcule les cotisations à partir des revenus de l'avant-dernière année, ou sur une base forfaitaire en cas de début d'activité. Elle ne régularise, et donc ne rembourse, que plus tard. Toutefois, "une cabine d'expertise comptable peut anticiper en contactant la SSI pour prévenir que le montant de la rémunération sera nul, précise Aurélie Bonneau. Mais ce n'est possible que dans le cas d'une société, où le niveau de rémunération est fixé à l'avance."