[Tribune] Vendeurs, attention aux préjugés: "l'habit ne fait pas le client"
Si les vendeurs s'attachent souvent à déceler chez les consommateurs des signaux liés à leur code vestimentaire, Lionel Meyer, spécialiste de la relation client, montre que cette attitude n'est pas forcément la meilleure. Et qu'elle peut même entraîner la perte d'acheteurs fidèles.
Je m'abonne"L'habit ne fait pas le client". Cette maxime illustre les nombreuses anecdotes relatées par les vendeurs, qui décrivent l'arrivée d'un homme en tongs ou d'une femme en jean troué, prêts à dépenser de larges sommes pour accéder au produit de leurs rêves. Au quotidien, ces clients rappellent à chacun combien il ne faut pas se fier aux apparences.
Pour autant, consciemment ou inconsciemment, les commerçants ne s'attachent-ils pas à déceler chez leurs clients des signaux liés à leur code vestimentaire ? Nombre d'entre eux partagent un véritable désir d'enchanter l'ensemble de leur clientèle, mais ce désir tend souvent à s'égarer dans les méandres de la performance. L'objectif de la vente prend alors le pas sur l'importance portée au consommateur. De peur de perdre un client portant les codes de la marque en se concentrant sur la demande d'un acheteur qui lui s'en éloigne, les vendeurs réalisent le choix stratégique qui leur semble le plus rentable. Mais l'est-il vraiment ? Pourtant, aucune enseigne n'insiste sur le sectarisme à l'égard d'une typologie de clients. Mais la recherche de performance et les indicateurs quantitatifs influent souvent sur les collaborateurs et sur leur attitude vis-à-vis des clients.
Dans l'univers du luxe, chaque vendeur devrait percevoir les clients vêtus simplement, comme des "touristes" de ce secteur : des personnes s'y rendant très occasionnellement, seulement pour de grands événements, de grands sentiments. Ces mêmes acheteurs, souvent mal à l'aise et inquiets à l'idée d'ouvrir la porte d'une marque de luxe, devraient justement bénéficier de l'entière considération des collaborateurs en guise de remerciement. Mais il n'en n'est rien. Ce constat ne se limitant pas au secteur du luxe.
La relation client plus importante que la tenue
Aujourd'hui, l'ensemble des vendeurs n'ont nul autre choix que de se séparer de leur a priori. Chaque fois qu'un client pénètre dans une boutique, il devrait être considéré et valorisé comme tel. Le simple fait de passer la porte d'un magasin est en lui-même un premier pas vers l'acte d'achat. Ignorer un client, c'est ignorer une personne et peut-être perdre un potentiel client fidèle. C'est en prenant en considération chaque consommateur que le vendeur pourra créer un lien relationnel, délivrer un service de qualité et pérenniser à la vente.
Mais si l'habit ne fait pas le client, fait-il le vendeur ? Porter un costume élégant, un uniforme ajusté ou des souliers cirés est élémentaire (et dans le luxe nécessaire) mais insuffisant pour incarner les valeurs d'une marque. Certes, l' "habit" est important, mais la relation client l'est encore plus. Une élégance vestimentaire sans "élégance du coeur" mènerait peut-être à une vente ponctuelle mais pas à la fidélisation de la clientèle. Il est donc essentiel pour le vendeur de cultiver cette double élégance.
De nombreuses enseignes l'ont du reste bien compris et dotent leurs salariés au-delà de leurs fonctions de vendeurs, d'un rôle d'hôte dont la vente est la résultante. Dépourvus de toute forme de jugement, leurs collaborateurs ont une mission principale : offrir à chaque client une expérience inoubliable - car dès lors qu'il se montre courtois, un client est en droit de pénétrer dans une enseigne sans étincelles ni artifices et d'attendre le même service que celui paré d'atours.
Lionel Meyer, co-fondateur de Luxury Attitude et Customer Experience, sociétés de conseil & de formation spécialisées dans la relation client.