Taxation des dividendes des SAS : le RSI est-il à côté de la plaque ?
Le RSI souhaite que les dividendes des présidents de SAS soient assujettis aux cotisations sociales. Il considère que les SAS sont fiscalement peu avantageuses et représentent un risque pour le dirigeant qui ne cumule pas de droits pour sa retraite et la maladie. Le RSI a-t-il raison ? Décryptage.
Je m'abonneÀ plus d'un mois du premier tour des élections présidentielles, le RSI ne manque pas une occasion de faire parler de lui. Le 21 février dernier, lors d'une conférence de presse, les administrateurs du régime social des indépendants ont décidé de s'attaquer au statut de Société par actions simplifiés (SAS), en proposant que les dividendes des présidents de SAS soient assujettis aux cotisations sociales.
Les présidents de SAS sont affiliés au régime général et ont la possibilité de se rémunérer en dividendes. Ces dividendes ne sont pas soumis à cotisations sociales, mais seulement aux prélèvements CSG-CRDS de 15,5%, très loin donc des 47% prélevés sur la rémunération ou le bénéfice net d'un assuré du RSI. Le dirigeant de SAS est couvert pour les risques universels (remboursement de soins maladie et de prestations famille), mais ne se crée aucun droit contributif (arrêt maladie, invalidité, retraite), sauf s'il décide de souscrire une assurance privée.
C'est précisément sur les avantages fiscaux et les droits sociaux de ces entrepreneurs que le RSI souhaite revenir. Il estime cette situation "inéquitable, dangereuse pour les indépendants et la Sécurité sociale dans notre pays".
Le RSI avance un autre argument : "si le travailleur indépendant, en tant que président de SAS, ne se rémunère qu'en dividendes, ses prélèvements sociaux seront bien moindres, mais ses prélèvements fiscaux augmenteront. À l'inverse, le cotisant au RSI aura une pension de retraire supérieure voire très supérieure au minimum vieillesse".
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Le régime général moins avantageux
Selon les estimations du RSI, un indépendant au RSI gagnant 50 000 euros par an, paie 1 100 euros d'impôt et 15 800 euros de prélèvements sociaux. Le revenu disponible s'élève à 33 060 euros environ, et surtout sa pension de retraite avoisine 1 850 euros. L'opération pour un cotisant au régime général semble bien moins avantageuse selon le RSI. En se basant toujours sur un salaire de 50 000 euros par an, le dirigeant doit s'acquitter de 10 000 euros d'impôt et de 6 250 euros de prélèvements sociaux. Son revenu disponible s'élève donc à 33 750 euros, mais sa pension de retraite ne dépasserait pas 801 euros par mois, soit le montant du minimum vieillesse.
Le RSI dit-il vrai ? "Ces estimations sont justes. Le RSI est le régime social le moins cher de France", affirme Serge Anouchian, porte-parole de l'Institut de la Protection Sociale (IPS), think tank qui analyse notamment le contenu et l'évolution des règles applicables, et identifie les cohérences techniques et les difficultés de mise en oeuvre des nouveaux textes législatifs. "Le régime non salarié est plus intéressant. Un indépendant cotisant au RSI est soumis à une CSG de 8% et non de 15,5%. Il ne faut pas non plus oublier que les charges du RSI sont déductibles du résultat alors que les prélèvements CSG-CRDS de 15,5% ne le sont pas", corrobore Jean-Marc Morel, associé au sein du cabinet d'audit et d'expertise comptable RSM.
Une mesure difficile à mettre en oeuvre
Si le RSI ne se tromperait pas dans les chiffres, cette mesure de taxation des dividendes est-elle pour autant techniquement envisageable ? "Ces dernières années, il était fortement question lors du vote des lois de finances de remettre en cause ces avantages, mais le gouvernement a fait marche arrière", confie Frédéric Thienpont, fiscaliste au sein de GMBA Baker Tilly. La raison ? "C'est une mesure techniquement très difficile à mettre en oeuvre. La dilution du capital est beaucoup plus importante dans une SAS que dans une SARL. Il sera donc compliqué, s'il y a trois ou quatre associés, de définir les dividendes assujettis au RSI, et ceux qui ne le sont pas", estime Serge Anouchian, porte-parole de l'Institut de la Protection Sociale (IPS).
Le sujet n'est en effet pas nouveau. Le PLFSS pour 2015 prévoyait notamment un amendement qui étend aux dirigeants majoritaires de SA et SAS affiliés au régime général le dispositif d'assujettissement social des dividendes. Présenté comme une mesure d'harmonisation des règles d'assujettissement social des dirigeants de sociétés -une partie des dividendes versées aux gérants majoritaires de SARL étant depuis 2013 assujettie aux cotisations sociales lorsqu'ils dépassent 10% du capital social-, ce texte est supposé renforcer l'équité entre cotisants relevant de régimes distincts et mettre fin à certaines voies d'optimisation.
"Certains conseils orientent à tort les dirigeants vers les SAS en mettant en avant l'avantage fiscal du système de dividendes, se désole Jean-Marc Morel. Mais ils perdent de vue que les dividendes perçus ne constituent pas des revenus soumis aux cotisations sociales, et ne confèrent donc aucune couverture sociale à l'intéressé, et ne valide aucun trimestre de retraite". Selon lui, ce statut est intéressant dans trois cas de figure : si le dirigeant rencontre des problèmes de santé (le régime indépendant offrant une couverture moins intéressante), en cas de constitution de groupes de sociétés ou de filiales -la SAS permet de fixer les règles de concentration de pouvoir et des conditions d'entrée et de la sortie du capital-. Ou encore si un chef d'entreprise part à la retraite et décide de reprendre une activité complémentaire. Il sera donc plus avantageux pour lui de se rémunérer en dividendes.
"Remettre en cause l''imposition des dividendes des présidents de SAS reviendrait donc à occulter les raisons pour lesquelles il est intéressant de se lancer en SAS. Ce statut apportant une grande souplesse, il deviendrait notamment plus compliqué pour les associés de gérer leur entreprise", prend en exemple Jean-Marc Morel.
Un dispositif inefficace
Selon l'Institut pour la Protection Sociale, la mesure serait même inefficace. "Les sommes collectées s'élèveront au mieux à quelques dizaine de millions d'euros. L'expérience de la réforme de 2013 devrait servir de leçon : les sommes encaissées par cette mesure fut de moins d'un tiers à celles prévues".
Pour l'Institut de la protection sociale, le dossier des dividendes des dirigeants de société doit être totalement repensé. "Il faut laisser le libre-choix de son régime social. Dès que l'on dira que la taxation des dividendes au RSI ne sera pas imposée au-delà de 10% du capital social, cela va inciter un dirigeant à refaire ses calculs. Un entrepreneur qui gagne un revenu annuel supérieur à 38 000 euros va rapidement se rendre compte que le choix entre le versement d'un salaire ou de dividendes laisse apparaître un écart ridicule".
Pour l'IPS, ne devrait être considérée comme un abus (et donc soumise aux charges sociales) que la distribution des dividendes au bénéfice d'un dirigeant, qu'il soit assimilé salarié ou indépendant, n'ayant pas déclaré (et donc cotisé) un revenu professionnel au moins égal au montant du plafond annuel de Sécurité Sociale (39 228 € en 2017).
Seuls relèveraient ainsi du régime fiscal de droit commun les dividendes perçus par un dirigeant qui a déclaré une rémunération au moins égale au montant du plafond annuel de Sécurité Sociale.