Crédit aux entreprises: les banques ont-elles tenu leurs promesses?
Après avoir été épinglées en 2014 par l'Observatoire du financement des entreprises, les banques ont été sommées par le gouvernement d'améliorer leurs relations avec les pros, et de fournir des informations plus précises en cas de refus de crédit. Les engagements pris il y un an ont-ils été tenus?
Je m'abonneLes relations entre les banques et les entreprises sont-elles toujours aussi tendues? Un peu plus d'un an après la remise du rapport de l'Observatoire du financement des entreprises au ministre de l'Économie et des Finances, le gouvernement a souhaité faire un bilan des actions engagées par les banques pour améliorer le dialogue avec leurs clients entrepreneurs. À cette fin, l'Observatoire du financement a demandé aux principaux réseaux bancaires des contributions écrites sur les moyens et procédures mis en oeuvre et sur les constats objectifs permettant d'attester des résultats. Il a été procédé à l'audition des grands réseaux bancaires, et des organisations professionnelles (UPA, APCMA, Medef, CGPME).
Pour rappel, l'Observatoire avait émis en 2014 plusieurs recommandations pour améliorer les relations : la nécessité d'accorder un entretien au dirigeant en cas de refus, de donner une réponse sous 15 jours lors du renouvellement d'un crédit, le maintien du chargé de clientèle pendant quatre ans ou encore la promotion des services de la Médiation du crédit.
Les réponses des banques sont-elles toujours aussi tardives?
"Des améliorations significatives sont constatées mais il faut les prolonger et les amplifier concernant notamment les délais de réponses aux demandes de crédit", confie Fabrice Pesin, médiateur national du crédit aux entreprises. Dans 90% des cas, les établissements bancaires formulent une réponse sous 15 jours ouvrés. "Ces délais sont moins compris par les sociétés qui sont en situation financière tendue et pour lesquelles chaque jour de retard est mal vécu. Il faut donc pour les 10% des entreprises restantes, notamment les TPE, accélérer l'analyse et le traitement des dossiers complexes", poursuit Fabrice Pesin.
Les banques considèrent que ces demandes de complément de pièces d'information constituent une partie des dossiers dont les réponses interviennent après un délai de 15 jours. Les autres dossiers qui accuseraient des retards seraient notamment les demandes de financement complexes (dont les LBO) et les dossiers s'accompagnant d'une demande d'intervention d'organismes tiers de cautionnement (Siagi ou Bpifrance) ou de services financiers spécialisés (crédit-bail, affacturage), ou ceux à risques élevés.
Pour Fabrice Pesin, il est nécessaire que les établissements bancaires "informent le client du caractère complet des dossiers, et donnent plus d'informations sur les différentes étapes du traitement des dossiers".
Une rotation des chargés de clientèle encore élevée
Second point irritant: la question de la stabilité des chargés de clientèle. "Il y a eu une prise de conscience et de vrais dispositions pour allonger la durée de poste avec un objectif de quatre ans pour certains réseaux", note Fabrice Pesin. Certains réseaux ont instauré des durées de poste minimales, souvent de trois ou quatre ans. Plusieurs réseaux signalent que les entorses à ces principes de base doivent être tolérées pour faire évoluer les bons collaborateurs, peu enclins à rester longtemps sur le même poste.
L'UPA et l'APCMA indiquent que les entrepreneurs ont le sentiment que la rotation des chargés de clientèle est encore élevée. Dans la plupart des cas, les organisations patronales n'ont pas été informées du départ du chargé de clientèle.
Expliquer le refus de crédit
Dans son rapport de 2014, l'Observatoire indiquait qu'il était impératif de prendre le temps d'expliquer aux dirigeants la raison au refus de crédit. Aujourd'hui, tous les réseaux disent systématiquement donner des explications orales, et disent avoir prévu la possibilité d'un entretien avec un supérieur hiérarchique si le client en fait la demande. Sauf que dans les faits, les dirigeants ne sont informés de cette opportunité.
Les banques ont-elles par ailleurs dans les lettres de refus de crédit signaler l'existence de la Médiation du crédit aux entreprises? Il apparaît que les réseaux ont mis à jour leurs lettres de dénonciation pour y mentionner les recours possibles. Mais là encore, certaines améliorations sont envisageables. Dans certains cas, l'adresse du site internet, seule façon de saisir la Médiation du crédit, n'est pas donnée.
Par ailleurs, souvent, il n'apparaît pas clairement que ce dispositif national est un service extérieur à la banque. Il apparaît par ailleurs clairement que, lors de refus de crédits, l'envoi de lettres de refus n'est pas systématique. Plusieurs réseaux ne le font que sur demande du client.
Les produits de financement sont-ils adaptés?
Dernier axe d'amélioration: l'Observatoire a demandé aux banques de développer une meilleure information sur le financement de la trésorerie et du court terme, notant que le découvert et l'affacturage étaient fréquemment proposés aux TPE, sans pour autant que ces solutions soient les plus économes. La Fédération bancaire française a rédigé et diffusé un mini-guide pédagogique dans les semaines qui ont suivi la prise de cette mesure.
L'UPA et l'APCMA montrent cependant que ces outils sont très mal connus par 90 à 95% des professionnels. Les organisations professionnelles confirment enfin que les banquiers parlent toujours de découvert et d'affacturage, et montrent qu'ils n'évoquent que très rarement les crédits de campagne pour les entreprises saisonnières.
Le bilan n'est donc globalement pas si mauvais, mais des progrès doivent être encore réalisés par les établissements bancaires.
L'Observatoire du financement a procédé à l'audition de six grands réseaux bancaires (Banque Populaire et Caisse d'épargne, BNP Paribas, Crédit agricole, Crédit mutuel-CIC, Société générale). La Banque Postale, le Crédit du Nord et LCL ayant été directement auditionnés par le président de l'Observatoire du financement.