Comment détecter les faux billets
Les billets contrefaits sont une perte sèche pour les commerçants, qui doivent se montrer vigilants face à un phénomène constant. Voici comment se prémunir, avec ou sans équipement de détection.
Je m'abonneQui n'a jamais eu un doute sur l'authenticité d'un billet de banque? Parallèlement, quel client n'a jamais eu affaire à un regard suspicieux en présentant un billet de 50 euros, ou pire, de 100 euros? Si les commerçants se montrent méfiants, ce n'est pas sans raison: selon la Banque Centrale Européenne, 899 000 faux billets ont été retirés de la circulation en 2015. Un chiffre qui peut paraître faible au regard des 18 milliards de coupures authentiques en cours dans l'Union au second semestre 2015, mais qui représente néanmoins une augmentation de 34% par rapport à 2013. La BCE précise par ailleurs que 86% des billets contrefaits sont ceux de 20 et 50 euros, ce qui explique les soupçons pesant sur cette dernière coupure.
Pour lutter contre ce fléau, de nouveaux billets ont progressivement fait leur apparition depuis 2012: le nouveau billet de 5 euros a été mis en circulation en 2013, suivi de celui de 10 euros en 2014, puis de celui de 20, lancé en novembre 2015. "Le renouvellement des billets va se poursuivre avec des coupures de 50 euros et au-delà, mais aucune date n'est encore fixée pour les prochaines mises en circulation", explique Christophe Dolbeau, dirigeant de l'entreprise lyonnaise CTMS, spécialiste en matériel de détection des faux billets.
Multiplication des signes distinctifs
Les billets de nouvelle génération présentent tous des signes distinctifs inédits, qui s'ajoutent aux anciens repères. Sans même qu'il soit besoin de faire appel à du matériel sophistiqué, la BCE préconise, pour détecter les faux billets, d'utiliser la méthode TRI, qui consiste en trois étapes: toucher, regarder, incliner. "Au toucher, tout d'abord, le papier doit être ferme et craquant", explique Christophe Dolbeau.
Autre repère tactile: le papier présente des reliefs, notamment au niveau du motif principal, des lettres et du chiffre en grande dimension indiquant la valeur. Les nouveaux billets possèdent en outre un relief supplémentaire: une série de petites lignes imprimées sur les bordures, au recto.
Deuxième étape: regarder le billet par transparence permet de distinguer une image en filigrane, qui prend place dans la partie la plus blanche du billet. Sur les nouvelles séries, il s'agit du portrait de la déesse Europe. Autre détail: le fil de sécurité qui apparaît par transparence, désormais orné de petits symboles "€" dans les nouvelles coupures. Enfin, en inclinant le billet, le nombre brillant indiquant la valeur, situé dans le coin inférieur gauche, produit un effet de lumière qui se déplace (on l'appelle le nombre émeraude), tandis que la bande argentée à droite des billets laisse voir, en fonction de la valeur, des hologrammes portraits ou une fenêtre qui devient transparente.
Se méfier des liasses
Il est conseillé de se former et de former ses équipes à distinguer ces repères, et d'en retenir deux ou trois parmi les plus pratiques à contrôler. Certaines personnes sont en effet plus à l'aise avec l'aspect visuel, quand d'autres au contraire, dans un univers de travail sombre par exemple, auront du mal à identifier les repères par transparence. Enfin, certains paiements doivent attirer l'attention: "Il faut se méfier des clients qui paient des petites sommes avec de grosses coupures, ou encore de ceux qui présentent une liasse, comme par exemple 13 billets de 10 euros pour un paiement de 130 euros. Au milieu de la liasse peut se trouver un faux billet qui a toutes les chances d'échapper au commerçant", prévient Arnaud Noulin, conseiller sécurité à la CCI de l'Essonne.
Détecter les faux billets est un jeu d'enfant avec ce genre de stylos : si la marque est claire, le billet est vrai, si elle est foncée il s'agit d'une contrefaçon. © Safescan
En plus du contrôle manuel, les commerçants peuvent s'équiper de matériel de détection. "Il existe une offre large sur le marché, depuis le stylo dont l'encre met en évidence le faux papier, jusqu'aux machines automatiques dans lesquelles on insère un billet et qui émettent un signal sonore et visuel s'il est contrefait. Il y a aussi les détecteurs à lumière UV sur lesquels on pose le billet pour vérifier les signes distinctifs", explique François Vieira, responsable logistique chez Safetool, qui commercialise des détecteurs.
Si l'efficacité du stylo est limitée, une machine automatique (qui revient entre 100 et 400 € selon sa sophistication, certaines font en effet du comptage) présente plusieurs avantages: "Posséder un appareil permet à tout le personnel de pratiquer la détection, les nouveaux arrivants comme ceux qui ne travaillent que quelques heures par semaine, explique Christophe Dolbeau. De plus, face à un billet douteux, la machine apporte une caution technique et peut éviter qu'un conflit éclate entre le commerçant et son client."
Mise à jour des appareils
Il importe cependant de tester le billet devant le client: l'emporter dans une autre pièce pour l'examiner (manuellement ou mécaniquement), c'est prendre le risque de se voir accuser de l'avoir échangé contre un faux. "Face à un client de bonne foi qui présente un billet suspect, il faut agir avec tact et tenter de préserver une bonne relation commerciale. Sans stigmatiser la personne ni la mettre mal à l'aise, il faut lui signaler que le billet est douteux et lui réclamer un autre mode de paiement", estime Arnaud Noulin.
Pour bien choisir son appareil de détection, il est utile de s'appuyer sur des cautions, telles qu'un matériel testé et approuvé par la BCE. Enfin, il faut savoir que les machines intègrent les caractéristiques des nouveaux billets sans problème: il s'agit simplement d'une mise à jour de leur logiciel de fonctionnement, que le fournisseur effectue dès qu'une nouvelle coupure est officialisée.
Découvrez les vidéos complètes des signes de sécurité de tous les billets en euros sur le site officiel de la monnaie européenne.
Un encadrement légal strict
"Le commerçant n'a pas le droit de refuser un billet pour son montant, c'est-à-dire d'annoncer, et a fortiori d'afficher, qu'il n'accepte pas, par exemple, les billets de 100 euros", prévient Arnaud Noulin, s'appuyant sur l'article R 642-3 du code pénal. Dans ce contexte, la vigilance s'impose, d'autant que la responsabilité du commerçant peut être engagée : le code pénal punit la mise en circulation d'un billet contrefait (article 442-2). Tout commerçant en possession d'un faux doit le remettre à la Banque de France, qui délivrera un reçu permettant au professionnel de déduire la valeur du billet de son résultat comptable. Le commerçant est ainsi reconnu comme victime, même s'il ne peut obtenir un billet authentique en échange d'une contrefaçon.