Centre-ville : comment le commerce peut-il se remettre en scène ?
Face à la perte d'attractivité des commerces de centre-ville, le besoin de revitaliser les coeurs d'agglomérations devient pressant. Un enjeu aux multiples facettes que les commerçants peuvent affronter à leur niveau en misant sur le consommateur. Explications.
Je m'abonne"Les vitrines vides et sombres, les façades aveugles, les stores métalliques baissés. La plupart des centres urbains sont touchés, à des degrés divers." Le constat, dressé dans le livre Comment la France a tué ses villes d'Olivier Razemon (édition Rue de l'échiquier, 2016), est sévère. Le déclin des centres-villes s'illustre par un taux de vacance commerciale en progression constante. Depuis 2010, il augmente d'un point par an et atteint en moyenne 11,3 % dans les villes de plus de 25 000 habitants en 2016, d'après une étude de l'Institut pour la ville et le commerce (IVC, mai 2017). Les centres-bourgs sont également touchés par le phénomène .
Pourtant, face à ce tableau, des acteurs s'organisent pour contrer cette tendance. En témoigne la volonté de l'association d'élus "Centre-ville en mouvement" de voir le centre-ville désigné Grande Cause nationale 2018. Si la demande, réalisée le 7 septembre 2017 par son président Patrick Vignal, également député de l'Hérault, relève surtout de la sensibilisation, elle traduit une prise de conscience d'acteurs politiques, économiques et de la société civile.
Jacques Mézard, ministre de la Cohésion des territoires, a fait part, début octobre, de la détermination du gouvernement à agir au niveau de l'attractivité des villes moyennes. Un plan spécifique axé sur un renforcement de l'offre de logements et la mise en place d'un projet, présenté en décembre, de développement économique destiné au commerce doit être mis en place dès 2018.
Un élan qui doit, pour redonner aux centres-villes leur attractivité, conjuguer plusieurs problématiques d'aménagement, d'urbanisme, de politique de la ville, de mobilité, de maîtrise du foncier et d'équilibre commercial entre centre-ville et périphérie. "C'est au coeur des villes que le commerce se développe et irrigue notre économie", rappelait le député, lors de la conférence de presse.
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Certaines se sont déjà emparés du sujet. À l'image de Montrouge, Dijon, Reims ou encore Mulhouse, des municipalités mettent en place des politiques volontaristes en faveur d'une vitalité de leur centre-ville. "Les centres-villes vivent une métamorphose avec des problématiques multiples. Le maire ne peut y arriver seul" , expliquait, pour sa part, Arnaud Robinet, maire de Reims, appelant de ses voeux que "les commerçants jouent aussi le jeu".
Casser les codes du commerce traditionnel
Une mobilisation de l'ensemble des acteurs est d'autant plus bienvenue que la tendance est favorable aux commerces. D'après une étude CSA (juin 2017), les commerces de proximité forment la principale attente des Français dans le centre-ville, alors que 75 % d'entre eux disent s'y rendre au moins une fois par semaine. Les commerçants ont, de fait, un rôle à jouer auprès de leur clientèle et doivent précisément axer leurs efforts sur leurs offres de produits et de services.
À l'image de la conquête des grandes villes par les enseignes alimentaires qui proposent davantage de services de proximité, "l'offre commerciale doit être adaptée aux attentes et aux besoins des consommateurs, avance Nathalie Damery, présidente de l'ObSoCo (Observatoire société et consommation). Nous sommes passés d'une consommation de masse à un commerce de précision avec une hyper-fragmentation de l'offre. La montée en gamme de l'offre ou l'essor du bio et des circuits courts en sont des signes".
Une option payante pour David Sarrazin, directeur associé du cabinet de conseil en urbanisme commercial AID Observatoire : "La clé est de retravailler l'offre du mix-produit en la ciblant sur la clientèle pour s'éloigner d'une offre mass-market." Une redéfinition du business model parfois indispensable qui s'illustre, dans les grandes villes, avec la multiplication des concept stores ou d'offres commerciales hybrides.
"Il faut dépasser cette opposition
entre enseignes et indépendants au profit d'une
complémentarité de l'offre".
L'exemple des cafés-librairies, des boucheries-restaurants ou des disquaires-bars le prouve. L'hybridation du commerce "répond à une expérience client novatrice qui ne se limite plus exclusivement à l'achat mais à l'expérience", juge le spécialiste. Une opportunité de s'adapter à une évolution des attentes, en particulier des jeunes. C'est d'ailleurs un élément qui ressort de l'étude dans laquelle les magasins éphémères forment la première attente des jeunes pour les centres-villes.
Une cible également attirée par l'expérience novatrice qu'offre le digital en point de vente, en apportant de nouveaux services sur mesure. David Sarrazin estime que "les solutions digitales facilitent le parcours marchand" et rappelle que "la valorisation de l'expérience client en point de vente est primordiale".
Toutefois, l'attractivité des centres dépend également d'une stratégie plus globale. "Pour générer du flux en centre-ville, il faut dépasser cette opposition entre enseignes et indépendants au profit d'une complémentarité de l'offre. Elle est source de flux et a des répercussions sur l'attractivité des commerces", insiste Frédéric Marquet, manager du commerce à Mulhouse.
Manager du commerce : un lien entre la ville et le commerce
Coordonner les actions des acteurs publics et privés en matière d'attractivité et d'animation des commerces en centre-ville : telle est la mission que portent les managers du commerce. Généralement employés par les municipalités, ils élaborent une stratégie globale sur l'organisation du commerce, participent au développement de l'offre commerciale et accompagnent les professionnels dans leur développement.
Suivi des évolutions du commerce, prospection auprès des enseignes et des porteurs de projets, politiques d'animations et de promotion, le manager de centre-ville bénéficie d'un réel rôle de concertation et d'action sur les territoires. À titre d'exemple, la ville de Mulhouse voit, depuis l'arrivée de son manager en 2011, une nouvelle tendance se profiler : 400 commerces se sont ouverts en quatre ans et le nombre de locaux vacants a diminué de 44 %.
Pour lire la suite de l'article et découvrir le témoignage de Laurent Bolzacchini, un commerçant audacieux, attaché à son centre-bourg, c'est en page 2.
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