[Tribune] La réforme du droit du travail reste à faire
Le consensus est maintenant total : il y a urgence à réformer le code du travail et cela doit passer par une ouverture du droit dérogatoire, seule voie pour permettre aux entreprises et aux branches de créer leurs propres normes et retrouver de l'agilité.
Je m'abonneExceptés quelques conservateurs de gauche comme de droite, chacun s'accorde sur la nécessité de réformer le code du travail. Sur la méthode aussi le consensus est très fort: il faut passer par une très large ouverture du droit dérogatoire. Concrètement, il s'agit de donner aux partenaires sociaux le soin d'élaborer par accords collectifs majoritaires des normes qu'ils peuvent substituer à celle du code du travail. Les seules limites de cette méthode seraient celles des principes, récemment rappelés par le rapport Badinter, et du droit supranational.
Dans les PME, même en l'absence de représentants syndicaux dans l'entreprise, l'ouverture du droit dérogatoire pourrait se faire par différentes voies, par exemple le mandatement syndical ou les accords d'application directes négociés au niveau de la branche. La négociation collective pourrait ainsi y être aussi le vecteur du changement.
Méthode
Cette méthode de réforme a été proposée et approfondie par Jacques Barthélémy et moi-même dans de multiples publications, dont le rapport que nous avons publié sur le sujet en septembre 2015. Elle a été reprise dans d'autres travaux et rapports, comme par exemple le rapport Combrexelle réalisé à la demande du Premier ministre et publié également en septembre dernier.
Par la construction de nouvelles normes conjointement décidées par les partenaires sociaux, cette approche garantit que les changements décidés seront à la fois plus protecteurs pour les salariés et plus efficaces pour les entreprises ; ces deux aspects étant alors les deux faces d'une même transformation. Elle évite d'agiter sur tel ou tel thème (rôle des IRP, durée du travail seuils sociaux...) des chiffons rouges provoquant des discussions sans fin.
Dans chaque entreprise et chaque branche, il reviendrait alors aux partenaires sociaux de décider eux-mêmes des priorités et des contreparties.
Calendrier
Pour garantir l'efficacité de l'approche, il est néanmoins indispensable d'élever la force contractuelle des accords collectifs vis-à-vis du contrat de travail, en réduisant les risques juridiques associés aux possibles oppositions de salariés au contenu des accords. Par ailleurs, cette logique de réforme ne fait sens que si la majorité requise passe à 50% et ne reste pas à 30% concernant la signature des syndicats.
Le gouvernement a, dans son discours, fait sienne cette approche de la réforme. Dans la pratique, hélas, il s'en éloigne. L'ouverture dérogatoire a été repoussée à 2018, après une réécriture du code du travail. Si cette réécriture simplificatrice, à droit égal, peut être utile, rien n'empêchait de l'engager en parallèle et non après l'ouverture dérogatoire.
Des chiffons rouges sont inutilement agités, dans différents domaines comme par exemple les durées du travail maximales. Des débats polémiques seront ouverts sur ces questions, qui braqueront et aboutiront à des postures préjudiciables au mouvement de réforme. Comme on le voit, la réforme du code du travail par le renforcement de la démocratie sociale reste à faire...
L'auteur :
Gilbert Cette est professeur d'économie associé à l'Université d'Aix-Marseille. Il est avec Jacques Barthélémy auteur de Réformer le droit du travail, rapport réalisé pour la Fondation Terra Nova et publié en septembre 2015 aux éditions Odile Jacob.