[Étude de cas] Chez Arteo, la solidarité comme seconde paire
Artisan-lunetier responsable, Olivier Jakobowicz offre une quarantaine de paires de lunettes à des sans-abris. Un élan de solidarité qu'il partage avec une détermination à défendre le savoir-faire manufacturier français.
Je m'abonneOlivier Jakobowicz voit clair avec l'envie d'être utile. Opticien à Paris depuis 2006, ce fils de médecins engagés sait depuis longtemps qu'il a un rôle à jouer. Adhérent au réseau d'aide et de soutien aux SDF, Le Carillon, le dirigeant d'Arteo s'est engagé dans la démarche il y a quelques années. Depuis, il s'attache à offrir un examen de vue complet ainsi qu'une quarantaine de paires de lunettes à des personnes sans domicile fixes, chaque année.
"J'ai été élevé dans un univers où on s'attachait à prendre soin des autres. Dès mes études, j'ai souhaité appliquer à mon métier un modèle solidaire et engagé, se remémore-t-il. Les attentats de Paris en 2015 m'ont conforté dans ce besoin de retrouver un sens et de me sentir utile".
Si son activité est exclusivement tournée vers le haut-de-gamme, cet acte solidaire répond à un engagement en faveur d'une quête de l'égalité. "J'ai la maîtrise de tout et le seul gagnant est le SDF. Si on a un savoir-faire, on doit le proposer à ceux qui n'ont pas les moyens de se l'offrir", argue-t-il.
"Le monde de l'optique est tombé dans un système capitaliste
low-cost pour lequel 80 % de la manufacture française a disparu"
Une démarche solidaire qui a néanmoins un coût. Jusqu'à un millier d'euros pour un dispositif de santé. Preuve à l'appui lorsqu'on le rencontre, il nous montre la facture du service qu'il vient d'offrir à un sans-abri passé le matin même. Qu'importe... "Oui ça me coûte de l'argent et rien ne m'oblige à le faire", répond celui qui dit ne pas chercher à se faire de la publicité avec son engagement au Carillon. "Quand je me suis dit que je devais agir, j'ai contacté mes fournisseurs pour qu'ils m'épaulent en me donnant leur fin de série, précise-t-il. J'ai réussi à en fédérer quelques-uns autour de ce projet. C'est super !".
Communication décalée
Mais derrière un discours où se mêlent empathie et devoir de solidarité, le commerçant porte un autre combat. La défense d'un savoir-faire lunetier en décrépitude face aux ogres low-cost et au système français des mutuelles qui entretiennent cette "surabondance de l'assistanat". "Le monde de l'optique est tombé dans un système capitaliste low-cost pour lequel 80 % de la manufacture française a disparu", déplore-t-il encore.
Une manière pour l'artisan-lunetier de communiquer habilement sur le savoir-faire français et européen en matière de lunettes et de critiquer les produits à bas-coûts made in China.
"Contre l'exploitation de la misère asiatique au profit du consumérisme, lunetier chargeons", "Résistance acharnée contre les lunettes de mauvaise qualité made in vous savez d'où", ou encore "Débarquement d'opticiens prêts à en découdre avec les mutuelles qui veulent vous refourguer du super hyper bas de gamme", Olivier Jakobowicz se grime en militaire-sauveur de l'optique pour mieux faire passer son message, supports qu'il affiche sur internet et en boutique.
"C'est une arme contre l'image salie qu'à notre profession. Je veux redonner les lettres de noblesse à l'artisanat manufacturier français et à notre métier", conclut-il.
Repères :
Raison sociale : SAS
Activité : Artisans-lunetier
Ville : Paris (XIe)
Date de création : 2006
Président : Olivier Jakobowicz, 43 ans
Effectif : 1 salarié
CA 2017 : NC