[Les Pros ont du talent] Qui sera "le pro de la sécurité routière" ?

Dans un appel lancé en octobre 2016, Myriam El Khomri et Bernard Cazeneuve, qui étaient alors ministre du Travail, de l'Emploi, de la Formation professionnelle et du Dialogue social, et ministre de l'Intérieur, invitaient les entreprises à souscrire à sept engagements pour une route plus sûre : limiter aux cas d'urgence les conversations téléphoniques au volant, prescrire la sobriété sur la route, exiger le port de la ceinture de sécurité, ne pas accepter le dépassement des vitesses autorisées, intégrer des moments de repos dans le calcul des temps de trajet, favoriser la formation à la sécurité routière des salariés et encourager les conducteurs de deux-roues à mieux s'équiper.

D'ores et déjà signé par 700 entreprises, représentant environ 2 millions de salariés, ce texte engage les entreprises à tout mettre en oeuvre pour que leurs collaborateurs ne prennent aucun risque au volant. Vous pouvez répondre à l'appel sur le site routeplussure.fr.

L'entrée en vigueur le 1er janvier 2017 de l'obligation de désignation du conducteur participe, elle aussi, de cette volonté de limiter les accidents de la route au travail. Cette nouvelle mesure oblige en effet les entreprises à révéler l'identité du conducteur ayant commis une infraction au volant d'un de leurs véhicules, sous peine d'une amende pouvant atteindre jusqu'à 750 euros pour le représentant légal.

Les accidents de la route constituent la première cause de mortalité au travail, avec 483 décès en 2015, soit 13,5 % de la mortalité routière. Ces accidents, qui ont aussi généré 4 520 hospitalisations, ont un coût pour les entreprises puisqu'ils sont à l'origine de six millions de journées de travail perdues.

Découvrez les interviews des candidats

Candidat n° 1 : Dimitri Bondu, gérant de la discothèque l'Albizia à Boufféré (Vendée)

Candidat n° 2 : Gilles Chatras, gérant de l'entreprise de peinture en bâtiment Chatras à Cébazat (Puy-de-Dôme)

Candidat n° 3 : Yves Joyez, gérant de l'auto-école #PasseportConduite à La Madeleine (Nord)

Candidat n° 1 :

" Aujourd'hui, nos clients arrivent beaucoup moins alcoolisés "

Dimitri Boudu est gérant de la discothèque de la discothèque l'Albizia à Boufféré, en Vendée.

Pourquoi avez-vous décidé d'investir dans la sécurité routière au sein de votre établissement ?

Lorsque j'ai repris la discothèque en 2007, je venais d'avoir 20 ans, et avais des amis victimes d'accidents à la sortie de boite de nuit parce qu'ils étaient trop alcoolisés. J'étais donc déjà sensibilisé à ce problème quand la préfecture nous a sollicité en 2010 pour que l'équipe suive une formation sur la prévention des risques liés à l'alcool en établissements de nuit.

A la fin de la formation, je me suis rapproché d'un consultant en discothèque qui m'a aidé à mettre en place une charte qui comprend aujourd'hui 30 engagements.

Quels sont ces engagements ?

Il y d'abord toute une série d'engagements pris par l'équipe. Les barmans se sont engagés à ne plus consommer d'alcool pendant leur travail. Les agents sécurité ont, eux, pour mission de ne pas laisser entrer les clients déjà trop alcoolisés. Nous avons également pris toute une série de mesures pour récompenser les capitaines de soirées dans le cadre du programme " Sam c moi ". Ceux qui s'engagent à ne pas boire se voient offrir l'entrée.

Nous avons enfin mis en place des partenariats avec les taxis du secteur. Ce service marche très bien car tous les samedis, nous avons entre 15 et 20 groupes de clients qui choisissent ce mode de transport pour se rendre à la discothèque.

Comment ont réagi vos clients lorsque vous avez mis en place cette démarche ?

Certains très bien, d'autres très mal. Ils n'arrivaient pas à comprendre qu'on les empêche d'entrer parce qu'ils étaient trop alcoolisés, ou qu'on refuse de leur vendre un verre d'alcool s'ils avaient déjà trop bu. Mais avec le temps, ces 30 engagements ont fini par être intégrés. Et les résultats sont là. Aujourd'hui, nos clients arrivent beaucoup moins alcoolisés et nous n'avons eu ces dernières années aucun accident à déplorer.

Candidat n° 2 :

" Je n'ai pas le souvenir d'un accident avec le véhicule professionnel de la société "

Gilles Chatras est gérant de la SARL Chatras, une TPE spécialisée dans la peinture en bâtiment et située à Cébazat dans le Puy-de-Dôme.

Qu'est-ce qui vous a incité à sensibiliser vos salariés au risque routier professionnel ?

Mon épouse est kinésithérapeute et travaille avec les grands blessés de la route. C'est donc elle qui m'a inculqué cette volonté d'agir pour protéger mes collaborateurs et assurer la pérennité de mon entreprise. J'ai en effet la conviction lorsque vous vous engagez pour améliorer la sécurité de votre équipe, vous êtes aussi gagnant sur le plan économique car vous réduisez vos coûts.

Quelles mesures avez-vous initié ?

Nous avons d'abord souscrit aux sept engagements en faveur d'une route plus sûre qui impliquent de ne pas téléphoner au volant, d'être sobre sur la route et sur le chantier, de porter la ceinture de sécurité ou de ne pas dépasser des vitesses autorisées. Mes collaborateurs savent aussi qu'en cas d'infraction, ce sera à eux de payer l'amende.

Je cherche aussi en permanence à optimiser nos déplacements. Nous travaillons en horaire légèrement décalé afin d'éviter les heures de pointe sur la route. Nous privilégions également la journée continue et la restauration sur place afin d'éviter des allers-retours, la livraison des matériaux par les transporteurs... Sur un chantier situé à 50 km, nous nous organisons pour travailler du lundi au jeudi, et ainsi avoir un trajet en moins le vendredi.

Le dernier jour de la semaine, l'équipe doit nettoyer le véhicule et effectuer le contrôle des feux, des niveaux, de la pression des pneus...

Quel bilan tirez-vous de toutes ces actions ?

Depuis que j'ai repris l'entreprise en 1990, je n'ai pas le souvenir d'un accident avec le véhicule professionnel de la société qui a aujourd'hui cinq ans, et seulement 42 000 km au compteur. Le travail d'optimisation des déplacements se traduit aussi par des gains de productivité. Mes collaborateurs passent moins de temps sur la route, et sont donc plus souvent sur les chantiers. Je suis aussi gagnant d'un point de vue financier car je réduis la consommation de carburant.

Candidat n° 3 :

" Les parents qui suivent le programme reconnaissent tous l'utilité de cette piqûre de rappel "

Yves Joyez est le gérant de l'auto-école #PasseportConduite située à La Madeleine dans le Nord.

Qu'est-ce qui vous a conduit à lancer l'initiative " Mes parents à l'auto-école " ?

Avant de reprendre l'auto-école en 2015, j'ai été gendarme pendant 28 ans. Cette expérience m'a appris qu'avec un peu de prévention, nous pourrions éviter beaucoup d'infractions et d'accidents. J'ai donc décidé d'agir sur le continuum éducatif de sécurité routière en proposant aux parents d'élèves une piqûre de rappel.

En quoi consiste cette opération ?

Pour toutes les formations B, AAC et CS, nous invitons les parents conducteurs de nos élèves à un audit de conduite à partir du quinzième cours. Pendant vingt minutes, ils prennent le volant avec le formateur et leur enfant dans la voiture. A l'issue de ce parcours, l'élève effectue le même trajet et corrige les défauts de son parent. Le programme, qui est entièrement gratuit et basé sur le volontariat, implique aussi que le parent assiste aux cours de code de son enfant pour une remise à niveau.

Pour les élèves qui choisissent les formations accompagnées (AAC et CS), nous avons mis en place un rendez-vous accompagnant, qui, via un jeu de rôles entre le moniteur et l'élève, va faire prendre conscience à l'accompagnant que sa fonction ne sera pas de former, mais d'aider son enfant à prendre confiance et gérer son stress.

Quel premier bilan tirez-vous ?

Depuis le lancement de ce programme en 2016, nous avons effectué une quarantaine d'audits de conduite et une vingtaine de rendez-vous accompagnant. Et le rythme est en train de s'accélérer depuis que nous avons eu les faveurs d'un reportage sur France 3. Les parents qui suivent le programme reconnaissent tous l'utilité de cette piqûre de rappel. Les rendez-vous accompagnant permettent, eux, de promouvoir un dispositif qui affiche un taux de de réussite de 75 % au permis, alors que la moyenne nationale n'est que de 55 % pour la formation B classique.