Puis-je mettre en place la vaccination dans mon entreprise ?
La campagne de vaccination contre la Covid-19 doit s'accélérer. Afin de maximiser les lieux de vaccination, la question s'est posée de permettre aux entreprises de faire vacciner les salariés et le gouvernement vient d'autoriser les médecins du travail à procéder à cette vaccination.
Je m'abonne[Tribune mise à jour le 25/02/01]
Afin d'étendre au maximum les lieux de vaccination contre la Covid-19 sans pour autant mettre en place des "vaccinodrômes" auxquels le gouvernement n'est pas favorable pour des raisons historiques, le ministre du Travail, Élisabeth Borne, s'est dit favorable à envisager la possibilité pour les entreprises de faire vacciner leurs salariés dans leurs locaux ou au sein des locaux de la médecine du travail, comme certaines d'entre elles le font déjà pour la grippe saisonnière. "Les entreprises, qui tous les ans participent à la stratégie de vaccination contre la grippe, pourront le moment venu jouer un rôle dans la stratégie de vaccination" (interview du 5 janvier 2021 sur France Info).
Le MEDEF s'y est d'ailleurs dit également favorable, notamment pour favoriser la reprise du travail des salariés dans les bureaux.
Depuis plusieurs mois, certaines entreprises ont organisé des dépistages de la Covid-19 pour les salariés volontaires. Elles pourront donc prochainement participer à la campagne de vaccination.
On aurait pu penser que l'implication des employeurs dans la campagne de vaccination n'interviendrait qu'une fois que la vaccination aurait été étendue à ce que l'on appelle la "population générale" c'est-à-dire après vaccination des résidents des EPHAD, les professionnels exerçant dans les EPHAD et présentant eux-mêmes un risque accru de forme grave ou de décès (plus de 65 ans et/ou présence de comorbidités), les plus de 75 ans puis les plus de 65 ans etc.
Or, le gouvernement vient d'autoriser les Services de Santé au Travail (SST) à procéder à la vaccination.
Qui pourra se faire vacciner en entreprise et à quelles conditions ?
Conformément aux recommandations du 2 février 2021 de la Haute autorité de santé (HAS), il a été décidé qu'à compter du 25 février 2021, après les professionnels de santé et du médico-social, le vaccin AstraZeneca sera utilisé notamment pour la vaccination des personnes de 50 à 64 ans inclus atteintes de comorbidités. Pour des raisons pratiques de conservation, seul ce vaccin pour l'instant peut être conservé et donc administré en dehors des hôpitaux et autres lieux équipés.
Dans ce cadre, les Services de Santé au Travail (SST) peuvent - mais ce n'est pas une obligation - s'engager dans la campagne de vaccination auprès des salariés répondant aux critères d'âge et de comorbidité tels que définis par les autorités sanitaires. Seuls sont donc concernés pour l'instant les salariés âgés de 50 à 64 ans et souffrant d'une pathologie figurant dans la liste publiée par le Ministère du Travail, laquelle comprend notamment le diabète, l'obésité, les cancers ou encore certaines maladies cardio-vasculaires ou respiratoires.
À la suite des recommandations de la Haute Autorité de Santé (HAS) relatives à l'administration du vaccin AstraZeneca, les médecins du travail ont la possibilité de vacciner les salariés volontaires dans le respect des règles d'approvisionnement de droit commun. Afin de s'assurer du volontariat des salariés concernés, les SST devront obtenir le "consentement éclairé préalable" par écrit des salariés qui devront faire eux-mêmes la démarche de demander à être vaccinés auprès du médecin du travail.
En pratique, à l'instar des médecins de ville, les médecins du travail doivent se rapprocher de la pharmacie d'officine de leur choix, pour s'identifier et se procurer des doses du vaccin AstraZeneca, sous le même régime de contingentement. Il risque néanmoins de se poser encore une fois, dans un premier temps, la question de la disponibilité suffisante des doses de vaccins. En effet, pour l'instant, les autorités ne garantissent aux médecins du travail comme aux médecins généralistes qu'un flacon de 10 doses pour la première semaine de vaccination et ils ne recevront pas plus de deux ou trois flacons la semaine suivante, celle du 1er mars.
Les SST ouvrent ensuite des plages de rendez-vous en fonction du nombre de doses dont ils disposeront. Les volontaires devront d'abord effectuer une consultation pré-vaccinale. Une fois l'injection effectuée, le protocole recommande que les patients restent en observation pendant au moins 15 minutes, "afin de détecter la survenue d'une réaction anaphylactique".
En cas d'accident médical, le Ministère rappelle cependant qu'ils ne seront pas tenus responsables et que l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux (Oniam) se chargera des réparations. Quant à l'injection de la deuxième dose, la Haute Autorité de santé (HAS) recommande qu'elle ait lieu entre 9 et 12 semaines plus tard.
Comme pour tout acte de vaccination, leur intervention se fait dans le strict respect des règles déontologiques liées au consentement des personnes, au secret médical et à la confidentialité des vaccinations vis-à-vis de l'employeur.
Rappelons qu'une Ordonnance du 3 décembre 2020 a autorisé les services de santé au travail à participer au dépistage de la Covid-19, à procéder à des tests de dépistage et à vacciner les salariés et que ces services procèdent déjà régulièrement à la vaccination contre la grippe saisonnière.
La vaccination en entreprise : un moyen pour l'employeur de respecter son obligation d'assurer la sécurité et la santé des salariés
Aux termes de l'Article L. 4121-1 du Code du travail, "L'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs" notamment par des actions de prévention des risques professionnels. La vaccination contre la Covid-19 entrerait dans ce cadre.
La vaccination en entreprise sera bien entendu sujette à des conditions strictes. Quelles sont-elles ?
Seuls les salariés volontaires pour la vaccination pourront se faire vacciner dans leur entreprise
Le gouvernement l'a indiqué très clairement, la vaccination contre la Covid-19 ne sera pas obligatoire. Mais même si elle l'était, les entreprises ne pourraient pas imposer à leurs salariés de les faire vacciner. La vaccination n'entre pas dans le rôle de l'employeur qui ne peut imposer au salarié, dans le cadre de la relation de travail, que des obligations qui ressortent de l'exécution des fonctions du salarié.
Par conséquent, les employeurs ne pourront pas imposer aux salariés de se faire vacciner, pas plus qu'ils ne pourront faire de la vaccination contre la Covid-19 une condition au retour au travail "en présentiel" encore moins à la poursuite du contrat de travail. Les salariés refusant la vaccination, que ce soit par l'entreprise ou autrement, ne pourront être sanctionnés par l'employeur pour ce refus, pas plus qu'ils ne pourront être contraints de rester en télétravail jusqu'à ce qu'ils soient vaccinés ce qui reviendrait à imposer la vaccination.
En revanche, dès lors que son SST est prêt à vacciner les salariés, l'employeur se doit d'informer les salariés de cette possibilité de se faire vacciner, ne pas le faire pourrait engager sa responsabilité.
Quelles craintes pour le respect du secret médical ?
Le secret médical devra bien entendu être parfaitement respecté, tant par les membres de l'entreprise que par les personnes qui procèderont à la vaccination, cela va de soi. Le gouvernement recommande pour cette raison que la vaccination ait lieu au sien d'un SST extérieur à l'entreprise plutôt que dans les locaux, notamment pour les "travailleurs à risque de comorbidité" qui peuvent ne pas souhaiter que l'entreprise ait connaissance de leur état de santé.
Quelles craintes pour le respect du secret médical ?
Le secret médical devra bien sûr être parfaitement respecté, tant par les membres de l'entreprise que par les personnes qui procèderont à la vaccination.
Le coût de la vaccination
Le vaccin contre la Covid-19 est gratuit pour tout le monde, entièrement pris en charge par la Sécurité Sociale. Reste le coût organisationnel assez lourd que cela implique.
Questions pratiques
Pour pouvoir vacciner leurs salariés, les entreprises devront envisager toutefois de nombreuses questions pratiques importantes :
· Dédier une salle spécifique pour la vaccination avec aération adéquate,
· Prévoir les éléments de protection pour les personnes effectuant la vaccination et les salariés à vacciner,
· Prévoir le matériel nécessaire,
· Encadrer la gestion des déchets,
· Planifier les quantités de vaccins à acheter et leur transport,
· Envisager la possibilité de conservation des vaccins en fonction des impératifs respectifs de ceux-ci, dans l'attente de vaccins plus facile à conserver que ceux qui sont actuellement autorisés en France,
· Garantir la traçabilité et le suivi des lots de vaccins etc.
Afin d'éviter leur propre responsabilité vis-à-vis des salariés concernés, les entreprises devront être extrêmement prudentes dans la gestion de cette vaccination. Il faut également envisager le cas des salariés qui seraient allergiques au vaccin et feraient une grave réaction ; il est essentiel que l'employeur soit protégé à cet égard contre tout risque en découlant pour l'entreprise.
Actuellement, seul le gouvernement est habilité à passer commande des vaccins auprès des laboratoires ; reste à savoir donc comment le gouvernement envisagera la possibilité pratique pour les entreprises d'obtenir les doses de vaccins nécessaires.
Ces contraintes pratiques risquent d'être extrêmement lourdes et rien ne pourra se faire sans l'implication totale des services de santé au travail. Il est probable que seules les très grandes entreprises se lanceront dans cette opération, lourde à organiser et coûteuse sur le plan pratique.
Pour conclure
La Covid continue de se propager et il est essentiel d'arriver à l'immunité collective le plus rapidement possible. Seule la vaccination permettra d'y parvenir?
Aussi, devant les hésitations des Français à se faire vacciner - d'après les médias du moins car peut-être que beaucoup ne sont que des hésitants et non de vrais antivaccins - les entreprises pourront montrer l'exemple. Cela peut faire partie de leur responsabilité sociétale.
Sous réserve de la disponibilité des doses, se faire vacciner contre la Covid dans son entreprise sera beaucoup plus simple que de devoir prendre rendez-vous soi-même auprès de son médecin traitant ; lancer une campagne de vaccination au sein de l'entreprise offrira l'avantage d'ouvrir le débat entre les salariés, d'accompagner le mouvement et plus il y aura de gens vaccinés, plus les hésitants y viendront également.
Au moment où chacun est responsable de la santé des autres et a donc le devoir de se protéger soi-même pour protéger les autres, les entreprises ont clairement leur rôle à jouer comme lieu fédérateur.
Pour en savoir plus
Viviane Stulz est avocat au Barreau de Paris, membre fondateur du syndicat d'avocats en droit social, AvoSial, associée du cabinet 5QB Avocats. Elle est spécialiste en droit du travail et conseille les entreprises françaises et étrangères sur toutes leurs questions de droit social. Elle est également l'auteur de plusieurs ouvrages de droit social.