[Tribune] Intention sur les titres de participation: gare aux redressements
Préciser l'intention de votre société, lorsqu'elle fait l'acquisition des actions d'autres structures, est loin d'être anodin. Car c'est de cette détermination que dépend le taux d'imposition lors de la cession ultérieure de cette participation. Un enjeu de taille face à la multiplication des redressements.
Je m'abonnePensez-vous à expliquer avec précision l'intention de votre société, documents à l'appui, lorsqu'elle fait l'acquisition d'actions dans d'autres structures ?
Pourtant, le traitement fiscal de la plus ou moins-value réalisée, lors de la cession ultérieure de cette participation, peut en dépendre : imposition à 33,33 %, à 19 %, ou... quasi-exonération (titres de participation) ! L'enjeu est donc élevé pour les entreprises et l'administration fiscale, dont les redressements dans ce domaine se multiplient.
Pour illustrer cet enjeu, voici un exemple issu d'un cas réel. Une société A acquiert 6 % du capital de la société B, car si B développe avec succès un brevet qu'elle a déposé, A devra rapidement en tenir compte pour sa stratégie.
Lors de l'acquisition, les 6 % sont enregistrés comme titres de placement dans les comptes d'A. Six ans passent, au cours desquels la valeur de B grimpe en flèche, sans que A puisse souscrire aux augmentations de capital successives réalisées par B pour financer son développement.
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En conséquence, en 2012, A vend la totalité de sa participation dans B avec une plus-value avant impôt de 3 M€. Peu avant la cession, A réalise que le classement des titres B en titres de placement, lors de leur acquisition, était une erreur et qu'il s'avère très pénalisant pour A : après paiement de l'impôt sur les sociétés à 33,33 %, A réalisera un profit de 2 M€. À l'inverse, si les titres avaient été enregistrés en titres de participation, la plus-value aurait pu être exonérée à hauteur de 88 %, d'où un profit supplémentaire de 880 k€.
Pour éviter cette conséquence défavorable, à la clôture de son exercice 2011, A procède à un reclassement comptable de sa participation dans B, qu'elle fait figurer dans ses titres de participation. En effet, les dirigeants se souviennent bien des intentions d'A, lorsqu'avait été décidée l'acquisition de la participation dans B. Mais hélas, les quelques échanges écrits, à l'époque, entre les dirigeants et le conseil d'administration n'ont pas été conservés. De plus, le texte du procès-verbal de la réunion du conseil d'administration ayant décidé cette acquisition n'indique rien de précis sur les intentions de la société A à cet égard.
Lors d'un contrôle fiscal en 2014, le vérificateur conteste le reclassement comptable effectué par A peu avant la cession des titres de B et réclame à A le supplément d'impôt correspondant. A devra accepter la rectification, car ses dirigeants n'ont pas été en mesure de produire des documents justifiant que lors de l'acquisition des titres B, ceux-ci auraient dû être comptabilisés chez A en titres de participation.
À l'inverse, lorsque les cessions de participation génèrent des moins-values, l'administration fiscale a intérêt à contester le classement comptable de ces titres lorsqu'il conduit à une moins-value déductible du résultat imposable au taux normal de l'impôt, pour faire en sorte que ces moins-values ne soient pas déductibles ou soient déductibles seulement du résultat imposable au taux réduit de 19 % des plus-values à long terme.
Pour l'administration, ces redressements sont donc très "rentables". Autant s'y préparer !
Par Me Emmanuel du Douet
Avocat associé du département fiscal de Bignon Lebray
Il conseille des sociétés françaises et étrangères sur des opérations complexes (opérations transnationales d'acquisition ou cession, de financement, de LBO...) nécessitant une expérience étendue en fiscalité française et internationale.