Les hyper et supermarchés jouent la carte du service clients
Secteur pérenne et relativement stable, la grande distribution reste une valeur sûre, contexte de crise compris. Pour autant, la guerre des prix, des services et des candidats à la franchise est loin d'être terminée entre les différentes enseignes.
Je m'abonneLes hyper et supermarchés ont terminé l'année 2013 sur une croissance de leur chiffre d'affaires de 0,8 %, selon les données du cabinet Nielsen. Leur secret : maintenir le cap en adaptant leur offre et leur prix aux desiderata de consommateurs toujours plus exigeants. Paradoxalement, ce sont les hard-discounters qui semblent le plus pâtir du contexte économique en berne. Et ce, au bénéfice des enseignes plus haut de gamme qui ont mis en place un service de drive. " On assiste à un glissement de marché du hard-discount vers le drive, avance Jean-Philippe Lajambe, directeur de la franchise Casino. À l'instar du hard-discount, le drive concerne majoritairement des produits pour lesquels l'affectif entre peu en ligne de compte dans le choix du consommateur. "
Dans les faits, cet "effet de mode" s'est soldé par la mise en route de 2 807 drives au total à fin septembre 2013, d'après les données de LSA Expert, contre seulement 700 en 2011. Pour autant, la solidité de son modèle économique reste encore à démontrer. " Même si la part de marché du drive était supérieure à 3 % en 2013, le chiffre d'affaires qu'il dégage a tendance à venir dégrader la rentabilité du magasin et ne suffit pas à rentabiliser les investissements inhérents à sa mise en place ", signale Joël Daneau, directeur développement et franchise France de Simply Market.
Effectivement, les résultats seraient très disparates d'un territoire à un autre, et la cible, plus restreinte, serait principalement composée de mères de famille urbaines, âgées de 30 à 45 ans. " C'était une nécessité de déployer un parc drive pour nous défendre face à nos concurrents. Mais sur nos formats, cela va rester une activité marginale ", confirme Joël Daneau. Idem pour le service de livraison à domicile qui, malgré son attrait, peine encore à trouver son équilibre économique.
2014, année charnière
Qui dit nouvelle année, dit nouveau dessein. 2014 devrait être celle de la rationalisation des parcs drives des différentes enseignes, selon Jean-Philippe Lajambe. " Les premières fermetures ont déjà eu lieu ", dévoile-t-il. L'autre évolution majeure du secteur concerne le renouvellement des contrats de franchisés arrivés à échéance. " Les franchiseurs vont recruter plus intensément durant les prochaines années, pour assurer les remplacements des départs massifs à la retraite de la génération du baby-boom notamment ", rapporte Jean-Philippe Lajambe. Des opportunités sont donc à saisir dans la reprise de franchises alimentaires. " Les créations de points de vente se font plus rares car le marché est relativement saturé. Elles concernent essentiellement des villes dynamiques qui développent de nouveaux quartiers, comme les grandes agglomérations du Sud et d'Île-de-France ", résume Joël Daneau.
Pour autant, le ticket d'entrée peut dissuader plus d'un candidat. Comptez entre 300 000 et 500 000 euros d'apport, à moins de porter son choix sur la location-gérance. "C'est un secteur qui a la particularité de brasser un chiffre d'affaires et des volumes conséquents, mais dont la rentabilité se joue sur une addition de détails. Ce n'est pas un placement financier à court et moyen terme. D'autant que si, auparavant, les magasins trouvaient leur rythme de croisière dès la première année, il leur faut à présent plutôt attendre trois ans ", prévient Joël Daneau. Parmi les qualités indispensables d'un franchisé figurent passion, rigueur, organisation, esprit managérial et qualités commerciales. Et Joël Daneau de conclure : " Les franchisés qui réussissent le mieux dans la grande distribution sont ceux qui inscrivent leur projet dans la durée et qui s'intègrent le plus naturellement dans leur environnement extérieur ".
Évoluant dans la grande distribution depuis près de 25 ans au sein du groupe Auchan, Damien Rangheard a sauté le pas de la franchise en 2009. " Je venais de fêter mes 45 ans et je me posais des questions quant à l'évolution de ma carrière professionnelle. Je n'ai pas hésité longtemps lorsque la société ATAC (groupe Auchan, NDLR), dans lequel j'ai fait toutes mes classes, m'a proposé de devenir franchisé en location-gérance d'un supermarché Simply Market. Une alternative qui m'a permis d'être indépendant sans devoir disposer d'un apport financier conséquent ", explique-t-il. Grâce à son précédent poste de directeur de région en charge de l'enseigne Simply Market, Damien Rangheard ne s'est pas senti dépaysé lorsqu'il a pris les reines du supermarché de Loches. Mais le dirigeant avoue tout de même " avoir redécouvert le terrain ". Depuis, il n'a jamais regretté son choix, ni le confort de son précédent poste d'encadrement. Et ce, même s'il ne compte plus ses heures. " La grande distribution ne laisse aucune place à l'à-peu-près. Il faut être en réflexion permanente pour rester dans le coup, accepter de vivre pour son commerce, du matin au soir, parfois sept jours sur sept. Et surtout aimer cet univers et le contact avec la clientèle ", confie Damien Rangheard. Vrai passionné, il siège également au comité consultatif de la Franchise qui vise à accompagner et suivre les 61 franchisés Simply Market.
Simply Market
Activité : Grande distribution
Ville : Loches (Indre-et-Loire)
Forme juridique : SARL
Dirigeant : Damien Rangheard, 49 ans
Année de reprise : 2009
Effectif : 22, dont 17 équivalents temps plein (ETP)
CA 2013 : 4,7 M€
Toujours plus proches des ménages
Pour grappiller des parts de marché, miser sur l'achat local est également une bonne idée. En atteste le succès du concept "Le Meilleur d'ici", développé par le groupe Casino, qui référence des producteurs locaux dans un rayon de 50 kilomètres autour de ses magasins. " Cela constitue pour nos franchisés une arme de différenciation qui répond à la fois à la demande des consommateurs et à une logique économique prix-qualité ", soutient Jean-Philippe Lajambe. La proximité, justement, est l'une des raisons du retour en grâce des supérettes.
Reste qu'être plus proche de ses consommateurs et de leurs attentes se traduit, pour les super et hypermarchés, par une baisse des prix pratiqués ainsi que le développement de services annexes. Le but : ne plus être uniquement un lieu de passage mais de vie, dans lequel il est possible de déposer ses objets à recycler (piles, ampoules...), faire ses photocopies ou encore retirer un colis. " Le canal de vente Internet a réduit la distribution physique. Le supermarché devient le format légitime pour répondre à ses limites en simplifiant la livraison et en réduisant le temps d'attente ", souligne Jean-Philippe Lajambe. Les clients de l'e-commerçant Cdiscount peuvent ainsi choisir d'être livrés par un transporteur ou de recevoir gratuitement leur commande dans une enseigne Casino. Des franchisés qui s'improvisent points relais de boutiques virtuelles pour attirer le chaland et multiplier ses allées et venues dans le point de vente, une stratégie pure player qui devrait se confirmer et s'intensifier.