L'hôtellerie reste à flot grâce au milieu de gamme
L'hôtellerie tricolore souffre d'une demande en berne. Pour rebondir, les marques misent sur leur positionnement géographique et leur capacité à adapter leurs prix.
Je m'abonneÀ l'image de l'économie française, l'hôtellerie a accusé le coup durant l'année 2013. Le nombre de franchises est d'ailleurs en baisse : 1 705 en 2013, contre 1 897 en 2012, d'après la Fédération française de la franchise (FFF). " Ce secteur a la particularité d'être affecté par les secousses économiques plus tardivement que les autres et figure parmi les derniers à entrer dans une phase de reprise ", souligne Jean-Virgile Crance, directeur de la franchise chez Louvre Hotels. La recette unitaire moyenne par chambre disponible (RevPAR) - l'indicateur référent du secteur - a ainsi diminué de 0,7 % par rapport à 2012, touché conjointement par la baisse du prix moyen (- 0,4 %) et du taux d'occupation (- 0,2 %), d'après les chiffres publiés par le cabinet d'études et de conseil MKG. Mais des disparités régionales restent importantes. " Les régions Nord, Nord-Ouest et Ouest ont vu leur demande d'hébergement chuter en raison, notamment, de la crise agroalimentaire ", constate Jean-Virgile Crance. Une nouvelle fois, la capitale fait figure d'exception, avec un marché au beau fixe. Idem pour des agglomérations phare comme Marseille, une cité dynamisée par son titre de Capitale européenne de la culture 2013, ou Strasbourg. Globalement, " 2013 aura été une année morose et compliquée pour l'ensemble des acteurs ", résume Philippe Marguet, directeur général de la Société européenne d'hôtellerie (SEH).
Le moyen de gamme en hausse
Enfin, pas tout à fait. Le segment milieu de gamme est le seul créneau qui, entre 2012 et 2013, a connu une très légère progression de sa RevPAR (+ 0,4 %), le haut de gamme enregistrant pour sa part la baisse la plus significative (- 0,9 %), selon MKG. " Nous observons un glissement de marché du haut vers le milieu de gamme, encore plus orienté sur la clientèle d'affaires ", avance Jean-Virgile Crance. Une conséquence directe de la compression des budgets alloués aux déplacements professionnels pour des raisons économiques ou corporate, et de la baisse du pouvoir d'achat des ménages. In fine, cette tendance sert les intérêts des établissements 2 et 3 étoiles. Le réseau Inter-Hôtel, par exemple, a vu son chiffre d'affaires progresser de 10 % entre 2012 et 2013, selon Philippe Marguet (SEH). Le combo Kyriad-Première Classe de La Rochelle, qui a ouvert ses portes en juin 2013, se targue également d'un fort démarrage. Le groupe Louvre Hotels compte une dizaine d'établissements de ce type. Relativement récents, ils ont vocation à partager un même bâtiment entre deux enseignes pour mutualiser les coûts associés et parvenir à des économies d'échelle. " C'est une évolution de marché récente. Elle reste plutôt réservée au centre-ville, où les besoins sont relativement importants ", analyse Jean-Virgile Crance (Louvre Hotels).
L'avènement d'Internet a profondément modifié la stratégie d'achat des voyageurs, qui sont de plus en plus nombreux à réserver leur vol ou leur séjour via leur ordinateur portable, leur tablette ou encore leur smartphone. " En moyenne, entre 25 et 35 % du chiffre d'affaires de nos hôtels est généré via le Web, jusqu'à 50 % dans certains cas ", rapporte Jean-Virgile Crance. Une dépendance Internet qui concourt avec la révolution technologique et finit par " restructurer le marché de l'hôtellerie ", affirme Arnoud Vink, directeur développement et franchise au sein du groupe Accor. " Les hôtels doivent être interconnectés via Internet pour répondre aux attentes des consommateurs ", poursuit-il. Mobile dès sa réservation, le voyageur est aussi plus aguerri dans la comparaison des pratiques tarifaires des différentes enseignes. Pour accéder aux meilleurs prix, il n'hésite plus à réserver longtemps à l'avance ou, à l'inverse, à la dernière minute.
S'adapter à la demande
Pour leur part, les hôteliers doivent maîtriser sur le bout des doigts les règles du "yield management", un principe qui consiste à adapter la tarification en temps réel en fonction de l'offre et de la demande, pour optimiser la rentabilité de chaque canal de distribution. " Avec la complexification des métiers de l'hôtellerie, nous élargissons les modules de formation que nous proposons à nos franchisés et avons mis en place, depuis septembre 2013, un incubateur pour les accompagner jusqu'à 12 mois après l'ouverture de leur établissement ", souligne Jean-Virgile Crance. D'autant que, malgré le contexte défavorable, les projets de développement ne font pas défaut. Par exemple, au cours de l'année 2013, Louvre Hotels ouvrait 26 établissements en France et le groupe Accor, 38, dont 40 % ont été construits. " Nous tablons sur les mêmes chiffres pour 2014 ", précise Arnoud Vink. De l'autre côté, les candidats répondent présents. " La moitié est issue de l'hôtellerie, l'autre entame une deuxième vie professionnelle ", constate Philippe Marguet (SEH). Toute la difficulté réside dans leur capacité à lever des fonds. " Les organismes bancaires prêtent plus facilement lorsque le dossier se prévaut d'un apport minimum compris entre 30 et 50 % de l'investissement total et d'un franchiseur de renom ", prévient Jean-Virgile Crance. En 2014, les perspectives restent incertaines en raison de la progression des modes d'hébergement alternatifs, et notamment des chambres d'hôtes. Avant de se lancer, il faut donc bien étudier son implantation, sa clientèle cible et le budget nécessaire pour la réussite de son projet. Des points essentiels pour avancer sereinement.
Francisco et Julio Cerrajero, franchisés B&B Hôtels
À la tête de l'hôtel B&B de Pau Lescar depuis 2010, Francisco et Julio Cerrajero ont ouvert un autre B&B à Mont-de-Marsan en septembre 2013. " B&B a une excellente image auprès de sa clientèle. C'est le haut de gamme de l'hôtellerie économique ", explique Julio Cerrajero. Les deux frères sont aussi propriétaires de six établissements indépendants. " Être sous une franchise me permet d'augmenter mon chiffre d'affaires de 10 % grâce à la notoriété, la synergie et les efforts de communication et de distribution de la chaîne ", ajoute-t-il. Et les deux dirigeants ne ménagent pas leurs efforts pour asseoir la réputation de ce nouvel établissement, qui a nécessité un investissement de 2,7 millions d'euros. " Nous attendons un retour sur investissement sur dix ans ", affirme Julio Cerrajero. Après six mois d'activité, le B&B de Mont-de-Marsan se prévaut d'un taux de remplissage moyen de 41 %. " Si j'étais indépendant, il ne serait pas supérieur à 25 %. Aujourd'hui, il tourne aux alentours de 50 à 55 % en semaine grâce à une clientèle d'affaires et à la centrale de réservation du site internet. Pour le moment, il chute le week-end car nous sommes en période creuse ", précise Julio Cerrajero. Épaulés au quotidien et au besoin par le directeur régional B&B, les deux frères n'excluent pas d'adosser une franchise à certains de leurs hôtels indépendants " d'ici à quelques années ", dévoile Julio Cerrajero.
B&B Hôtels
Activité : Hôtellerie
Villes : Mont-de-Marsan et Pau Lescar
Forme juridique : SARL
Dirigeants : Francisco Cerrajero, 57 ans et Julio Cerrajero, 55 ans
Année de création : 2013
Effectif : 5 salariés
CA 2013 (1er octobre au 31 décembre 2013) : 87 k€