L'alimentation spécialisée a un appétit d'ogre
Gourmands, les Français plébiscitent l'épicerie fine, le vin, le chocolat et les viennoiseries, synonymes de plaisir. Les franchises accentuent la dimension "cadeau" de ces produits et travaillent sur une offre large.
Je m'abonneSe faire plaisir en croquant un chocolat de qualité, en dégustant un thé aux effluves parfumés ou en débouchant une bonne bouteille. Ces quelques gestes, les Français ne sont pas près de les abandonner. Selon le cabinet d'études Xerfi-Precepta, les perspectives du marché de l'épicerie fine sont globalement favorables, jusqu'à l'horizon 2017. Entendez par là les secteurs tels que la vente de chocolat, de thé et café, de foie gras, de saumon fumé, etc.
Le secteur du chocolat en demande constante
À l'heure où les dépenses de restauration hors domicile reculent, si les clients privilégient les repas chez eux, ils ne renoncent pas, pour autant, à la "consommation plaisir". " Le secteur du chocolat bénéficie d'une demande constante. L'offre est active et riche ", pointe Mario Catena, directeur général du réseau De Neuville. Une bonne dizaine d'enseignes en franchise se concurrencent, parmi lesquelles Jeff de Bruges (440 boutiques), Leonidas (340 unités) ou De Neuville (150 magasins). En parallèle, quelques petits réseaux se montrent très dynamiques, tel Yves Thuriès (59 magasins), élu deux fois meilleur ouvrier de France et qui a créé son enseigne il y a 18 ans. Son confrère, Pascal Caffet (meilleur ouvrier de France pâtissier et champion du monde des desserts), mise également sur la franchise. Fort de neuf boutiques, il vient d'en ouvrir trois autres ces derniers mois, à Reims (Marne), Nevers (Nièvre) et Sens (Yonne). Si le positionnement de ces maîtres chocolatiers reste le haut de gamme (un kilo de chocolat Pascal Caffet tourne autour des 100 euros, contre 40 à 50 euros pour la moyenne), les enseignes plus "mass market" ont, elles aussi, leurs arguments : " Nous proposons du chocolat français, adapté aux goûts des Français, avec une forte teneur en cacao ", explique Mario Catena, qui revendique l'ancienneté de l'enseigne, née en 1884 à Neuville-Saint-Rémy (Nord).
En face, Léonidas se positionne sur le créneau du chocolat belge. Quant à Jeff de Bruges, le groupe développe une offre extrêmement large, notamment grâce au fait qu'il possède l'enseigne de dragées Martial. Bonbons de chocolat, glaces, pâtes de fruits, pâtes d'amandes, pâtes à tartiner, truffes... L'univers des enseignes s'est déplacé pour couvrir toutes les envies et besoins des consommateurs, et faire face à une demande constante, qui déborde désormais des traditionnels pics de vente que sont Noël, la Saint-Valentin et Pâques.
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Marketing léché et offre renouvelée
Pour contrer les artisans chocolatiers indépendants et autres grandes surfaces, les franchises ne manquent pas d'atouts : un marketing pensé pour attirer le client, une offre qui se renouvelle à intervalle régulier, de beaux magasins au concept régulièrement rénové et la notion de cadeau qui prédomine. " Notre fonds de commerce, ce sont à 80 % les cadeaux ", souligne Mario Catena. Le traditionnel ballotin concurrence directement le bouquet de fleurs par exemple. Ces enseignes ciblent également les professionnels. Entreprises, associations, comité d'entreprise (CE)... deviennent alors un débouché pour les franchisés qui élargissent ainsi leur panel.
Pour ouvrir une franchise de chocolat, il n'est pas nécessaire d'avoir un CAP dans le domaine : les produits sont fabriqués en usine, dans des laboratoires détenus par le franchiseur, et livrés directement dans les points de vente. L'artisan Pascal Caffet possède ainsi un laboratoire de 1 600 m2, employant 25 personnes, à Troyes (Aube). Et De Neuville une unité de production à Roanne (Loire). La marque forme les candidats à la franchise aux produits, au merchandising, à la gestion et à l'animation... Quant aux concepts de boutiques, ils vont du magasin de centre-ville d'environ 50 m2 au kiosque d'une vingtaine de m2 prévu pour les centres commerciaux par exemple. L'enseigne Chocolats Roland Réauté se distingue par des magasins de périphérie de grande surface (250 m2) en libre-service, avec une offre à prix attractif (à partir de 29 euros le kg).
Malgré le contexte économique difficile, chaque franchiseur prévoit de poursuivre son développement : De Neuville vise ainsi les 200 points de vente d'ici à trois ans et annonce un nouveau format, sur 200 m2 en libre-service de périphérie, actuellement testé à Angers (Maine-et-Loire). De leur côté, les chocolats Monbana, qui exploitent 15 points de vente dans l'Ouest et se développent en franchise depuis 2010, ciblent 50 magasins d'ici à 2015, tandis que l'enseigne Yves Thuriès entend, elle aussi, donner un coup d'accélération à son réseau.
Concernant l'investissement pour ouvrir un point de vente, comptez globalement un droit d'entrée compris entre 15 000 et 45 000 euros, une redevance généralement autour de 3 à 4 % du chiffre d'affaires (sauf chez Jeff de Bruges où il n'y a pas de royalties) et un investissement global entre 150 000 et 450 000 euros.
Le vin, cap sur l'expansion
Autre secteur, autres pratiques ! Le vin est aussi un fleuron de la gastronomie française. Les enseignes de franchise se frottent aux succursalistes type Nicolas, et les prévisions de vente des détaillants sont encourageantes. Xerfi-Precepta notait une croissance de 2,8 % pour le business de ces boutiques en 2012, chiffre rapporté à 2 % pour 2013.
Les réseaux de franchise ont notamment pour nom Cavavin (135 points de vente), Intercaves (105 boutiques) ou Vins sur 20. Chacun y va de son concept : Cavavin développe des surfaces en centre-ville, centrées sur le vin, et vient tout juste de lancer une offre de bières, tandis que Vins sur 20 propose des produits du terroir (foie gras, terrines, etc.) que l'on peut déguster sur place. Ses points de vente proposent 15 à 30 couverts. Intercaves (105 magasins) vise, pour sa part, des surfaces de périphérie de 120 à 150 m2, dans une ambiance de cave-entrepôt avec des bouteilles présentées en carton et sur palettes.
Pour ouvrir un point de vente, nul besoin d'être un spécialiste en oenologie, les franchiseurs se chargeant de former leurs adhérents. " Nous avons de plus en plus de femmes franchisées ", constate Étienne Boivin, en charge du développement de Cavavin, qui prévoit 15 à 20 ouvertures annuelles. Intercaves espère lui aussi attirer une vingtaine de nouveaux franchisés. Pour rejoindre un réseau, comptez un droit d'entrée autour de 9?000 à 15 000 euros, une redevance de 2 à 3 % et un investissement global entre 60 000 et 150 000 euros.
Thé, café : un potentiel fort
Autre boisson à succès : le thé, dont les Français sont de plus en plus friands. L'institut Xerfi-Precepta prévoit ainsi une hausse de la consommation de thé et de café en volume de l'ordre de 0,5 % en 2014. Si les franchises spécialisées sont encore peu nombreuses, selon Coffea, acteur important du secteur (70 magasins, dont 30 franchisés), le potentiel est fort. " Le fait de ne pas être mono-univers nous permet de toucher une cible large. Nous proposons du thé, du café, de l'épicerie fine sucrée. En outre, les clients peuvent consommer sur place ", explique Antoine Warein, directeur général de Coffea. L'enseigne se positionne sur la découverte des saveurs, lesquelles sont toutes complémentaires et compatibles entre elles : thé, café, chocolat, gourmandises sucrées (biscuits, confiture, confiserie, etc.). Sur un format standard d'environ 60 m2 en centre-ville ou en centre commercial, l'enseigne accueille une clientèle de bureau, qui vient déguster son café sur place le midi, une clientèle résidentielle, sans oublier celle en quête de cadeaux. " Nous proposons tous les mois de nouveaux cafés et thés, avec des animations régulières. Ce qui permet de maintenir l'intérêt de la clientèle ", précise Antoine Warein, qui prévoit une dizaine de nouveaux adhérents d'ici un an.
Enfin, reste un dernier secteur lié à la gourmandise?: les terminaux de cuisson ou boulangeries industrielles. L'enseigne La Mie Câline est un des poids lourds du secteur, avec 208 points de vente, dont 190 franchisés. Son concept est centré sur le pain, la viennoiserie, la pâtisserie et une offre de sandwiches et autre nourriture "sur le pouce". La carte est sans arrêt renouvelée, en fonction des saisons et l'offre mise en avant diffère selon les heures de la journée (produits de petit-déjeuner le matin, pâtisseries au goûter,?etc.). Dotée d'un nouveau concept, appelé "Atelier pains et restauration", La Mie câline propose un format de centre-ville sur environ 120 m2, mais aussi un concept de périphérie avec restauration assise sur 200 m2. L'accès au réseau peut s'effectuer progressivement, en démarrant par une location-gérance. Quant à son développement, l'enseigne prévoit une dizaine d'ouvertures en 2014.
Éric et Pascale Robin, franchisés La Mie Câline
Franchisés La Mie Câline à Cognac pendant 13?ans, Éric et Pascale Robin décident de changer de région en 2012. Ils revendent donc leur affaire. " Nous voulions changer de secteur, tout en restant commerçants ", confient-ils. Après avoir étudié une dizaine de réseaux dans le domaine alimentaire et de la décoration, et malgré leur forte mobilité - leur spectre de recherche s'étend de Vannes à Biarritz -, ils ne trouvent pas de franchiseur qui les appuie solidement. " On nous disait de se résoudre à travailler un an sans se verser de salaire ", déplore Éric Robin. Une situation inconcevable pour le couple qui, au bout d'un peu plus d'un an, se porte à nouveau candidat au réseau... Mie Câline ! " Nous avons eu le choix entre quatre villes où il y avait une opportunité de reprise, et nous avons déménagé à Tarbes ", explique Éric Robin. Dans une ville plus grosse que Cognac, avec un agencement et une surface différents, ainsi qu'un mix produits qu'il a fallu adapter à la clientèle locale, les époux Robin relèvent un nouveau défi depuis janvier 2014.
Activité : Boulangerie
Forme juridique : SARL
Ville : Tarbes (Hautes-Pyrénées)
Dirigeants : Éric et Pascale Robin, 48 ans
Année de reprise : 2013
Effectif : 6 salariés
CA 2013 : 900 k€