La tablette numérique : un acteur indispensable du commerce ?
Non, le numérique n'est pas l'ennemi du commerçant de proximité. Bien utilisée, une tablette s'avère au contraire un outil formidable pour enrichir à la fois son offre de services et la relation avec ses clients.
Je m'abonneSi Pascal Malhomme, dirigeant de la droguerie Brico Jardin à Irigny près de Lyon, a introduit une tablette numérique dans son point de vente, ce n'est pas pour en faire un usage personnel entre la venue de deux clients... Loin de là. Elle est devenue pour lui, en moins d'un an, un véritable outil au service du consommateur. " Lorsque je n'ai pas le produit souhaité en stock, je peux aider le client à le trouver chez mes fournisseurs en consultant la tablette avec lui, et même passer commande à sa place ", témoigne le commerçant, qui enrichit ainsi son offre de services tout en créant du trafic dans son point de vente - si le client choisit de repasser pour récupérer sa commande. Utilisée comme telle, la tablette est loin d'être un gadget et les commerçants auraient tout à gagner à s'en servir pour dynamiser leur activité et augmenter leur chiffre d'affaires.
Comme chez le droguiste, cet outil s'avère en effet, en premier lieu, un formidable moyen d'enrichir la relation client en apportant à la fois du service et de l'information complémentaires. Cependant, pour cela, une connexion à Internet ne suffit pas : il faut également des applications dédiées, comme des catalogues produits. Pour un commerçant, ceux-ci sont à récupérer gratuitement auprès des fournisseurs. " La vente par tablette affecte le choix des fournisseurs. Il faut sélectionner ceux qui proposent les catalogues produits les plus vastes ", explique Jean-Luc Pinson, intervenant au Centre d'études et de formation des assistants techniques du commerce des services et du tourisme (Cefac), dont il est également l'ancien directeur de la prospective et du développement.
Une solution interactive
Mathilde Vétault est gérante du salon de coiffure Coupe & Passion à Lusignan, près de Poitiers. La commerçante a reçu sa tablette en cadeau de la part de L'Oréal, suite à une grosse commande de produits. Son terminal contient une application de diagnostic couleur, visant à l'aider à proposer une offre adaptée à chaque cliente selon sa couleur de peau, d'yeux et... de veines. " Les clientes étaient contentes. Même si nous l'utilisons un peu moins aujourd'hui qu'avant, la tablette a apporté de la nouveauté et nous a permis de nous différencier par rapport aux autres salons de la commune ", raconte la commerçante, également ravie de constater que son discours gagne en crédibilité. " La tablette appuie notre argumentaire. Si nous leur disons qu'une couleur ne leur convient pas, les clientes l'admettent mieux lorsqu'elles le voient sur écran... "
Pour être efficace, la tablette peut être utilisée soit par le client seul, soit en compagnie d'un vendeur. Elle constitue un support idéal - facile à manier, moderne, favorisant la proximité - pour illustrer un discours commercial. Grâce à elle, " les commerçants peuvent prendre en photo leurs réalisations passées pour montrer leur travail ", explique Jean-Luc Pinson. Voire aussi, diffuser des vidéos de leurs événements ou des présentations didactiques des produits. Encore mieux, " vous pouvez aménager un petit espace côte à côte dans le point de vente pour engager le dialogue autour des photos ", poursuit l'expert.
Optimiser sa connaissance client
Au-delà de l'animation de la relation commerciale, la tablette s'avère aussi un bon outil marketing permettant d'optimiser sa connaissance client et, notamment, de mieux constituer son fichier de contacts. " La tablette permet de demander ses coordonnées à un consommateur de façon beaucoup plus conviviale " , assure Jean-Luc Pinson. Elle permet aussi, en se connectant au compte du client, de connaître l'historique d'achat de ce dernier et de le conseiller en fonction de ses commandes passées. Autre possibilité pour récupérer des contacts : organiser des jeux... à condition, là aussi, de solliciter ses fournisseurs pour obtenir des jeux "prêts à jouer" (des quiz, par exemple). " La question est de savoir quoi offrir au client en échange de son e-mail , souligne Jérémie Abric, directeur de la stratégie de l'agence de communication digitale Dagobert. Par exemple, un restaurateur peut lui envoyer chaque jour la liste de ses plats du jour " .
Dernier usage : le paiement, grâce à des applications dédiées. Une pratique plus répandue dans les grandes enseignes que dans les petits commerces. " Globalement, le paiement sur tablette n'est pas démocratisé, observe Jérémie Abric. Il est plus commun aux États-Unis. Il s'avère pertinent pour les clients car il leur permet de gagner du temps ". Plus besoin de patienter dans des files d'attente interminables : ils peuvent payer ailleurs qu'en caisse...
" La tablette génère de la fidélité "
Chacun la sienne. Dirigeant d'Our, une enseigne de kebab gourmets implantée à Paris et à Nantes, Damien Schmitz s'est doté, dans son établissement voisin de la gare Saint-Lazare (Paris), de deux tablettes numériques : l'une pour ses clients, l'autre pour lui. " J'ai misé, dès 2011, sur la tablette, pour créer de la différenciation et offrir à mes clients un service innovant ", explique le commerçant.
Disponible en salle, la première tablette permet aux consommateurs de surfer sur Internet, d'utiliser Facebook, de se prendre en photo et de jouer à Candy Crush tout en dégustant leur sandwich. Même si, aujourd'hui, " la tablette a perdu de son intérêt parce qu'avec leur smartphone, les clients ont un équivalent dans leur poche ", Damien Schmitz réfléchit à en installer une dans son deuxième restaurant parisien ouvert au printemps 2015 car " l'outil sert malgré tout et fait désormais partie de [leur] image de marque ".
Le second terminal, réservé aux employés, permet de réaliser toutes les opérations de back-office : réception des commandes, inventaire (grâce à Excel), documents comptables, etc. "De quoi gagner du temps sur la saisie ", se réjouit le commerçant, avant de compléter : " L'impact numéro un de la tablette en termes de business est qu'elle permet de générer de la fidélité. Auparavant, nous remplissions des fiches papier, qui se perdaient facilement. Là, les données sont intégrées directement au système ". Preuve que ça fonctionne ? Le restaurant équipé de tablettes compte 4000 porteurs de cartes de fidélité, contre... moins de dix pour celui qui (pour l'heure) en est dépourvu !
Pour aller plus loin, Damien Schmitz s'intéresse désormais au paiement sur tablette, testé progressivement depuis le printemps 2015 dans deux magasins. " L'avantage est que l'on peut encaisser deux clients en même temps. L'application que j'utilise (iZettle) prend en charge le paiement par Amex (utile pour une clientèle touristique) et, contrairement à la tablette en elle-même, elle ne demande pas d'investissement ".
Repères
Raison sociale : SAS Our
Activité : Restauration rapide
Siège social : Paris (VIII e arr.)
Année de création : 2009
Dirigeant : Damien Schmitz, 34 ans
Effectif : 12 personnes
CA 2014 : 500 k€