Eric Plat (président de la FCA) : "Pour les commerces, le RGPD est une catastrophe"
Ni la loi Pacte, ni le RGPD ne vont aider les commerces à gagner la bataille de la compétitivité et de la digitalisation. Bien au contraire. Pour Éric Plat, président de la Fédération du Commerce coopératif et Associé (FCA) et p-dg d'Atol, les mesures mises en place imposent de nombreux freins.
Je m'abonnePrésentée en Conseil des ministres le 18 juin 2018, la loi Pacte va-t-elle assez loin ?
Eric Plat : La loi Pacte va dans le bon sens. Enfin un gouvernement prend en compte les TPE et les PME et veut les faire grandir. Les mesures sur la simplification des seuils et des accords d'intéressement sont assez intéressantes. La création d'une plateforme en ligne unique pour les formalités des entreprises l'est aussi. La rénovation du Pacte Dutreil et la facilitation de la transmission des entreprises sont aussi un bon point. Mais ce sont des mesurettes, des mesures de périphérie. On simplifie à l'entrée et la sortie, mais au milieu ? Ce qui est compliqué pour un dirigeant, c'est la gestion au quotidien de son entreprise, les nouvelles règlementations et la complexité de l'aspect social. De façon générale, la loi Pacte ne va pas assez loin.
Quels sujets sont les oubliés de la Loi Pacte ?
Plusieurs gros sujets manquent à l'appel : la simplification du régime de taxation des entreprises et la digitalisation. Pire, la loi Pacte ignore totalement ce sujet. Elle ne l'aborde pas et ne prend pas conscience des effets néfastes du RGPD (règlement général sur la protection des données) sur les commerces. Ce règlement est une excellente chose pour les consommateurs, mais son application représente un danger mortel pour le commerce.
De quels dangers parlez-vous ?
Très peu de commerçants ont pris conscience de l'impact de ce nouveau règlement sur la valeur de leurs fonds de commerce. Les conditions fixées sont une catastrophe. Au bout de trois ans, les données récoltées par le commerçant ne pourront plus être utilisées sans le consentement des clients. S'il n'obtient pas l'accord du consommateur, le vendeur ne pourra plus envoyer d'informations commerciales, de newsletters. Pire, il sera obligé de supprimer de son fichier les données de son client. En agissant ainsi, et en imposant autant de freins, il y a un réel risque de perte de valeur du fonds de commerce. Nos commerces risquent in fine de se faire avaler par des gros acteurs et largement distancer par les grandes plateformes de e-commerce comme Amazon qui se sont rodées au RGPD bien avant la date d'entrée en application...
Pensez-vous que ce règlement puisse ralentir la transformation digitale des commerces ?
Bien évidemment. Ce règlement fait peser de nombreux risques à la fois sur le commerce physique et, en même temps, sur leur accès au digital. Pendant qu'on travaille sur ce problème réglementaire lourd, on ne se digitalise pas bien ! Alors que l'un des grands enjeux du commerce, c'est l'omnicanalité. La montée en puissance du e-commerce n'a pas tué les magasins. Bien au contraire. Le e-commerce aide les commerces physiques à se réinventer. Ils deviennent complémentaires. Pour autant, comme on ne maîtrise pas les phases transitoires comme celle que nous vivons actuellement, cette transformation peut parfois être violente. Cette transition digitale sera compliquée à gérer pour le commerce et aucune mesure digne de ce nom n'est proposée pour accompagner ce phénomène qui n'est plus inconnu !
Selon vous, ce règlement européen est la preuve que le gouvernement n'écoute pas les petites entreprises ?
Il est difficile de porter une vraie politique du commerce, sans Monsieur ou Madame commerce au gouvernement, et sans un ministère de plein exercice. Il y a un défaut de culture en matière de commerce. C'est regrettable car c'est maintenant qu'il faut mettre un coup de collier, et remettre notre secteur à l'honneur. Le commerce représente plus que l'industrie. C'est 20 % du PIB quand l'industrie enregistre 10 %. C'est un vecteur de croissance, d'épanouissement, mais il est sans cesse entravé par un système juridico-légal qui l'empêche de croître.
Quelles sont vos propositions pour booster les commerces ?
Il faut mettre en place un choc de simplification, un vrai. Toute nouvelle règlementation et toute nouvelle loi devrait s'accompagner par la suppression de deux anciennes.Pour aider les commerces à grandir, il faut aussi faciliter leur transmission, et favoriser les reprises par un salarié. Le salarié est le candidat idéal pour la stabilité de la société. Faute de repreneurs, les zones rurales sont encore trop touchées par une importante désertification des commerces.
Dans le réseau Atol, sur 800 points de vente, 67 sont en phase de transmission. C'est considérable. Pour inciter l'entreprise à céder à un salarié, il faut créer une incitation fiscale. Nous proposons donc, qu'en cas de transmission à titre onéreux des parts ou actions d'une société soumise à l'impôt sur les sociétés, la plus-value de cession dégagée bénéficie d'un abattement majoré sous condition d'une durée de présence de deux ans en qualité de salarié. C'est essentiel pour assurer la pérennité de nos entreprises.
Dates clés :
1987 - Diplômé de l'école d'optique Morez dans le Jura
1989 - Diplômé de l'école de commerce Idrac de Lyon
1989 à 1995 - Responsable grands comptes au sein du groupe L'Amy, fabricant de lunettes éponyme
2010 - Président d'Atol
2014 - Président de la Fédération du Commerce Coopératif et Associé (FCA)