Coronavirus : les entreprises en mode survie
Les cours de la Bourse s'effondrent, le chiffre d'affaires des entreprises est en chute libre... L'impact sur l'économie française du coronavirus s'annonce " sévère ", prévient Bruno Le Maire, le ministre de l'Economie. Et ce, même si plusieurs mesures de soutien ont d'ores et déjà été annoncées.
Je m'abonnePour tenter d'endiguer la crise économique de grande envergure qui s'annonce pour les semaines et peut-être les mois à venir, le gouvernement a d'ores et déjà mis en place tout un panel de mesures d'accompagnement : prise en charge intégrale de la couverture d'activité partielle, indemnités pour les parents devant garder leurs enfants à la maison, dispositif de garanties et de prêts débloqués Bpifrance, fonds de solidarité pour les commerçants et les petites entreprises, report ou annulation des charges fiscales et sociales, report des loyers et des factures de gaz/électricité.... Ce plan se chiffre, selon Bruno Le Maire, ministre de l'Economie, à 45 milliards d'euros pour deux mois dont 8,5 milliards pour le financement des activités partielles et 2 milliards par mois pour le fonds de solidarité. Ce dernier pourrait concerner quelque 600 000 petites entreprises avec un chèque immédiat de 1500 euros si elles ont dû fermer ou si elles sont impactées à plus de 70% de leur chiffre d'affaires.
Sans oublier l'enveloppe prévue par le gouvernement d'un montant de 300 milliards d'euros visant à garantir les prêts sollicités par les entreprises à leurs banques...
Un plan de grande ampleur, donc, qui pourrait creuser de façon importante la dette de la France, la plaçant selon toute probabilité au-delà du fameux trait des 3%. Une réponse économique européenne a également été coordonnée avec un engagement global de 1000 milliards de garanties de prêts, mais Emmanuel Macron l'a promis dans son allocution du lundi 16 mars, "aucune entreprise ne sera livrée au risque de faillite. Celles qui font face à des difficultés n'auront rien à débourser, ni les impôts, ni les cotisations sociales."
Bruno Le Maire avait appelé, quelques jours plus tôt, à une solidarité nationale, en sollicitant la bienveillance et la responsabilité de tous les donneurs d'ordre, en particulier les grandes entreprises privées, quant à la non-réalisation de contrats en raison de la pandémie ou sur le sujet des délais de paiement. La Banque Centrale Européenne a, elle aussi, annoncé un package de mesures pour soutenir le crédit.
Peu de secteurs épargnés
Malgré tous ces efforts, le ministre de l'Economie a prévenu : les conséquences économiques de l'épidémie de coronavirus seront sévères. Très sévères même. " Nous allons présenter prochainement un projet de loi de finances rectificative prévoyant une baisse de 1 point des prévisions de croissance. Ce chiffre est provisoire, il évoluera en fonction de la situation sanitaire et de la situation économique des Etats-Unis, première puissance économique mondiale ", a-t-il précisé lors d'une allocution le mardi 17 mars 2020.
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Déjà, avant même le confinement, plusieurs secteurs enregistraient des chutes drastiques de leur chiffre d'affaires : 60% en moyenne pour les traiteurs, 40% pour l'hôtellerie, et des chiffres bien plus élevés pour l'industrie de l'événementiel, du transport, du luxe, de la mode, des voyages etc. Des chiffres qu'il faut à présent revoir encore à la hausse du fait des mesures plus restrictives annoncées depuis ces derniers jours. Plusieurs organisations, dont des grands groupes comme Renault ou PSA, ont annoncé la fermeture pure et simple de leurs usines. Avec des conséquences prévisibles pour leurs propres résultats évidemment, ainsi que pour ceux de leurs sous-traitants et, par effet domino, pour ceux des sous-traitants de leurs sous-traitants.
Gestion fine de la trésorerie et continuité d'activité
"Les dispositions annoncées vont dans le bon sens, elles permettront d'atténuer les difficultés, même si nous savons qu'il y aura de la sinistralité à court et moyen terme, commente Carl Civadiée, associé et responsable de l'offre BFR et Cash Management de Grant Thornton. Les grands groupes devront aussi prendre leurs responsabilités et ne pas allonger ou interrompre les paiements à leurs fournisseurs PME et ETI. Dans le cas contraire, beaucoup n'auront pas les moyens de passer cette crise."
Dans cette période difficile, l'expert conseille aux entreprises d'accorder une vigilance toute particulière aux questions de trésorerie avec des prévisions fines du sujet grâce à des outils dédiés. Il enjoint aussi, plus globalement, à la mise en place des Plans de Continuité d'Activité. Un sujet sur lequel est spécialisé Clotilde Marchetti, associée et responsable de l'offre risques extrêmes dans le même cabinet. "Selon une étude récente que nous avons réalisée, seulement 60% des entreprises disposent d'un Plan de Continuité d'Activité (PCA). Et un certain nombre ne sont plus à jour."
Il faut néanmoins répondre immédiatement à la situation d'urgence, PCA ou pas : mettre ses salariés en sécurité, poursuivre son activité, continuer à produire. "Les entreprises vont être très vite dans l'obligation de prioriser leurs productions. Pendant la crise, elles ne pourront pas continuer comme avant, c'est une certitude", explique Clotilde Marchetti.
Les deux experts s'accordent sur un point majeur : la préparation de la reprise se fait dès à présent, même si cela peut sembler difficile, voire impossible dans des PME où le feu brûle de tous les côtés. "Il faut dès maintenant travailler sur le rattrapage de chiffre d'affaires, sur la gestion des stocks et de la main-d'oeuvre, sur la trésorerie qu'il faudra mobiliser car il sera nécessaire d'être capable de redémarrer dans de bonnes conditions ", insiste Carl Civadiée. Et Clotilde Marchetti de conclure sur une pointe d'optimisme : " Il y aura forcément des mauvaises nouvelles, mais pour les survivants économiques, cette crise permettra de construire une organisation optimisée et plus résiliente."