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La revente a perte est-elle toujours interdite ?

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La revente a perte est-elle toujours interdite ?

Même si au cours des dernières années la loi a été modifiée, la revente à perte reste interdite, sauf exceptions. Cependant, la législation européenne fait planer un doute sur la validité de l'interdiction française de la revente à l'égard de consommateurs.

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L'article L. 442-5 du Code de commerce interdit la revente à perte (ou son annonce) par un commerçant (personne physique ou société) sous peine d'amende. Cette interdiction repose sur l'idée qu'une revente à perte n'est pas loyale, car le vendeur pourrait essayer de récupérer sur le client, de façon un peu cachée, la perte enregistrée sur la revente du produit.

Cette interdiction concerne tous les stades de la revente des produits et non pas seulement ceux revendus aux consommateurs. Elle porte sur les produits revendus en l'état. Les produits transformés ou les services ne sont donc pas concernés. La validité de cette interdiction peut toutefois être discutée...

Le seuil en-dessous duquel le produit ne peut être revendu est défini par la loi

Le prix d'achat effectif en-dessous duquel le produit en l'état ne peut être revendu est le prix unitaire net figurant sur la facture d'achat, minoré du montant de l'ensemble des autres avantages financiers consentis par le vendeur. Il est également exprimé en pourcentage du prix unitaire net du produit et majoré des taxes sur le chiffre d'affaires, des taxes spécifiques afférentes à cette revente et du prix du transport.

Ainsi, du prix unitaire net (qui intègre les remises acquises figurant sur la facture) peut être déduite la " marge arrière ", c'est-à-dire les réductions et rémunérations conditionnelles (par exemple, les ristournes de volume payées en fin d'année par le vendeur à l'acheteur, le prix des services de coopération commerciale rendus par le distributeur au vendeur, etc.). Évidemment, la prise en compte de la " marge arrière " de manière anticipée pour fixer le prix de revente impose d'obtenir par la suite cette " marge arrière ". A défaut, il y aurait une revente à perte.

Jusqu'en 2008, les commerçants n'avaient pas le droit de prendre en compte la marge arrière dans le calcul du seuil de revente à perte. La loi avait alors été modifiée avec pour objectif de leur permettre d'abaisser le seuil de revente à perte dans l'espoir qu'ils en fassent bénéficier leurs clients.

Des seuils spécifiques ont néanmoins été définis

Les grossistes qui distribuent des produits ou services exclusivement à des professionnels indépendants exerçant une activité de revendeur au détail, de transformateur ou de prestataire de services final, peuvent affecter d'un coefficient de 0,9 le prix en-dessous duquel le produit ne peut être revendu. Là encore, l'objectif est la baisse des prix.

Par ailleurs, en application de la loi du 30 octobre 2018 (Egalim), l'ordonnance du 12 décembre 2018 a relevé de 10 % le seuil d'interdiction de la revente à perte pour les denrées alimentaires et les produits destinés à l'alimentation des animaux de compagnie. Cette mesure qui a notamment pour but de mieux valoriser les produits agricoles et de diminuer la pression sur les prix des producteurs est temporaire (pour une durée de deux ans).

La loi liste les exceptions à l'interdiction de la revente à perte

Les exceptions à l'interdiction de la revente à perte sont listées par l'article L. 442-5 II du Code de commerce. La revente à perte est autorisée pour : les ventes motivées par la cessation ou le changement d'une activité commerciale; les produits saisonniers pendant la période terminale de la saison des ventes et entre deux saisons de vente; les produits démodés ou dépassés techniquement; les produits dont le réapprovisionnement s'est effectué en baisse (application du prix résultant de la nouvelle facture d'achat).

Il est encore permis d'aligner son prix de revente sur le prix pratiqué pour les mêmes produits par un autre commerçant, dans la même zone d'activité. La condition : il doit s'agir de la vente de produits alimentaires commercialisés dans un magasin dont la surface de vente est inférieure à 300 mètres carrés ou de produits non alimentaires commercialisés dans un magasin dont la surface de vente est de moins de 1 000 mètres carrés. Enfin, peuvent être aussi revendus à perte les produits périssables s'ils sont menacés d'altération rapide et les produits soldés.

Si les exceptions sont assez nombreuses, leur mise en oeuvre répond à des conditions strictes.

L'amende en cas d'infraction peut être élevée

L'infraction de revente à perte est punie d'une amende maximum de 75 000 euros pour une personne physique et 375 000 euros pour une personne morale. Sont punissables tant la revente à perte elle-même que son annonce, même si celle-ci n'est pas suivie d'une revente. Enfin, l'amende peut être portée à la moitié des dépenses de publicité en cas d'annonce publicitaire de revente à perte.

L'interdiction de la revente à perte est-elle conforme au droit de l'Union européenne ?

Par décision du 7 mars 2013, la Cour de justice de l'Union européenne, s'appuyant sur la directive européenne du 11 mai 2005, a jugé qu'une loi qui interdit de manière générale d'offrir à la vente ou de vendre des biens à perte à des consommateurs est contraire au droit de l'Union européenne. Une telle vente ne pourrait être interdite que si elle était déloyale. Cette décision pourrait donc remettre en cause l'interdiction générale en France de la revente à perte à l'égard des consommateurs, sans cependant remettre en cause cette interdiction pour les reventes à des acheteurs commerçants par exemple.

Pour en savoir plus

Xavier Henry & André Bricogne, avocats à la Cour. Henry & Bricogne est un cabinet d'avocats dédié au droit des affaires avec une très forte expertise en contrats commerciaux, droit de la concurrence, droit de la distribution et droit de la responsabilité, en conseil comme en contentieux. Le cabinet accompagne les entreprises françaises et internationales dans toutes leurs activités.

 
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