Comment se libérer d'une amende à 1875 euros pour non-désignation du conducteur ?
Les infractions de non-désignation s'avèrent ruineuses pour la trésorerie des entreprises. C'est au dirigeant de mettre en place une organisation interne qui lui évite ces risques inutiles.
Je m'abonneEn 2017, peu habitués à cette nouvelle obligation légale, vous avez été 2,8 millions à recevoir un avis de contravention (ACO) à 450 € dans les boites aux lettres de vos entreprises. Pourquoi, après avoir payé 45,68 ou 90 €, comme vous le faisiez depuis toujours, receviez-vous une deuxième amende de 450 € ? Pour beaucoup d'entre vous, c'était une majoration injuste d'une amende déjà payée dans les temps. Or, il n'en est rien : les immatriculations liées à un numéro siren dans le système national d'identification des véhicules (SIV) déclenchent automatiquement une veille tactique de l'Antai. L'amende pour excès de vitesse vit sa vie, tandis que celle pour non-désignation naît 45 jours après la date de l'ACO "vitesse" en cas de non désignation.
Solution 1 : désigner le conducteur dans les 45 jours
Première solution pour éviter les problèmes : ne pas oublier de désigner le conducteur dans les 45 jours. Ça parait simple, mais envahi de paperasses, le patron de TPE-PME est facilement en danger : une enveloppe oubliée sous une pile, une confiance aveugle dans un salarié qui veut bien payer mais n'a aucun intérêt à perdre des points, un déménagement de locaux non suivi de modification de la carte grise, et le voilà dans une situation financière apocalyptique. Car l'amende, qui démarrait déjà à 450 €, passera à 675 €, puis à 1875 €. Plus grave encore, à 1875 €, l'amende de non-désignation passe du statut d'amende forfaitaire à celui d'amende forfaitaire majorée. Et là, ce n'est plus la police qui cherche à vous faire payer spontanément, c'est la trésorerie-amendes qui engage des poursuites avec les moyens de l'Etat : avis de saisie à tiers détenteur sur les comptes bancaires de la société, blocage du transfert des cartes grises du parc automobile, ... difficile de sortir de la nasse !
Certains sont tentés de faire appel à un avocat, pensant ainsi défendre leur position devant le tribunal de police. Selon le statut légal de votre entreprise, ce n'est pas toujours une bonne solution. Depuis 2017, des ténors du barreau de Paris se sont employés à contester une loi mal écrite, chacun en convient. Il y a eu la querelle fondée sur la différence entre "représentant légal" (le patron de la société) et "personne morale" ( l'entreprise). La chambre criminelle de la cour de cassation a mis tout le monde d'accord en expliquant que ce que le législateur a voulu, c'est le nom du conducteur. Et si ce nom n'est pas communiqué à l'Agence Nationale de Traitement Automatisé des Infractions (Antai) dans le délai de 45 jours, l'officier du ministère public (procureur pour les contraventions) peut poursuivre soit le patron, soit l'entreprise. Les amendes étant multipliées par cinq pour les entreprises, tous les officiers du ministère public (OMP) de France et de Navarre ont visé l'efficacité et poursuivi les sociétés !
ACO vitesse payé signifie ACO vitesse reçu ! Et les officiers du ministère public se délectent de ce genre de situation.
D'autres ont tenté de faire valoir que le point de départ des 45 jours était inconnu car on ne savait pas si l'ACO de vitesse avait été reçue par le chef d'entreprise. Là encore, échec. La cour de cassation ayant considéré que le tribunal de police n'a qu'une obligation : "s'assurer dans les débats et les pièces versées, que la preuve de l'envoi de l'ACO vitesse a fait démarrer le délai de 45 jours". Et bien entendu, le dossier soumis au juge présente désormais un récapitulatif des diligences engagées par l'Antai, sur lequel figure la date d'expédition des ACO vitesse. Surtout, le réflexe de nombreux patrons consiste à payer rapidement l'amende vitesse ou à la faire payer par le salarié. Or, comment payer un ACO sans avoir le numéro de télépaiement qui figure dans le courrier, et uniquement dans le courrier ? ACO vitesse payé signifie ACO vitesse reçu ! Et les OMP se délectent de ce genre de situation.
Des OMP qui d'ailleurs ont été plutôt conciliants avec les auteurs de cette infraction depuis la mise en place du dispositif : formulaires mal rédigés (mais corrigés depuis), intervention du Défenseur des droits, ce sont plusieurs millions d'€ de majorations qui ont été annulés, pour respecter la trésorerie des entreprises, certaines très petites, qui n'avaient pas perçu le danger de cette réforme du code de la route. En avril 2020, la cour de cassation a épargné les entreprises dénuées de personnalité morale mais les dossiers encore dans les tuyaux restent nombreux ...
Solution 2 : négocier plutôt que contester
Mais le temps a passé, les patrons jouent le jeu et 90 % des amendes automatisées donnent lieu à une désignation par les employeurs. Il vaut mieux car, aujourd'hui, la situation se raidit : ceux qui espèrent obtenir une indulgence alors qu'ils ont déjà été bénéficiaires d'annulations en seront pour leurs frais, au mieux une ultime ristourne sera accordée dans des cas bien particuliers et argumentés... Les "récidivistes" qui ne veulent pas se plier à ce nouveau dispositif ou qui espèrent passer au travers des gouttes risquent de déchanter : au tribunal la sanction peut atteindre 3750 € par amende !
Le conflit avec le système peut être une stratégie ruineuse pour cette infraction qui repose sur des éléments de fait. Un robot a détecté un retard et le sanctionne : comment voulez-vous prouver une chose que vous n'avez jamais pris le temps de faire ? Ces litiges peuvent s'avérer très dangereux pour votre trésorerie. Avec 5 excès de vitesse mal gérés, on est déjà presque à 10 000 € de dette pénale. De quoi refroidir n'importe quel directeur financier !
Le tribunal de Police de Versailles a été saisi en 2020 de 120 dossiers liés à un grand constructeur automobile qui, mal conseillé, a cru utile de porter l'affaire au contentieux. Les condamnations pleuvent depuis un an. Malgré tout le talent de l'avocat parisien réputé qui le défend, cette entreprise risque d'assumer près de 240 000 € d'amendes. Car, que demande-t-on aux patrons, sinon de dire qui conduisait ! Il n'y a là rien d'attentatoire aux libertés. La cour de cassation l'a encore rappelé aux avocats qui souhaitaient user de cette tactique : l'obligation de désigner n'est pas disproportionné au regard des objectifs de sécurité routière.
Solution 3 : une bonne organisation interne
Mais alors, que faire pour éviter ces tracas ? D'abord une bonne organisation interne fondée sur la désignation par la société sans attendre du salarié qu'il assume une obligation qui repose avant tout sur le patron. Ensuite, fuir le conflit judiciaire à tout prix, quitte à négocier avec les organes de recouvrement. Mais pour mener cette négociation, il faut absolument que votre société n'apparaisse pas aux yeux des pouvoirs publics, comme un roublard qui essaie à tout prix de protéger les points des permis de conduire des conducteurs. On évitera donc la désignation d'un permis de conduire étranger qui est une fausse bonne technique. En cas de découverte, le ministère public se chargera de vous rappeler, à l'audience, qu'il ne fait pas bon le prendre pour un niais en déjouant le dispositif.