Un peu de psychologie...
Il y a aussi ce que les psychologues appellent la motivation intrinsèque, celle qui est "interne" à l'individu : chaque personne est, de nature, plus ou moins curieuse, soigneuse ou inventive par exemple. Le patron pourrait donc croire qu'il n'a aucune influence sur ces éléments : c'est un tort. Car tout se passe au moment du recrutement, où il s'agit de déceler cette "envie" du candidat, l'intérêt qu'il portera à l'entreprise qu'il veut intégrer. Qu'il s'agisse d'un plaquiste, d'un électricien ou d'un plombier, sachez repérer ces personnalités.
Souvent, le patron de l'artisanat manque de temps pour cette phase de " casting ", or c'est un temps qu'il faut savoir prendre ! Et bien sûr, le mieux est de pouvoir juger sur pièces si ça vous est possible : renseignez-vous sur les réalisations passées de votre futur employé ou même, s'il débute, tout simplement sur son caractère. Qui vous apprêtez-vous à intégrer dans votre entreprise ? À vous de faire votre petite enquête. Non pas pour le plaisir du " flicage ", mais pour sélectionner les " bons " à charge pour vous ensuite de savoir leur dire que vous les avez choisis parce qu'ils vous semblent prometteurs : un compliment, répétons-le, n'est jamais perdu.
Ne négligez pas non plus la fibre nationaliste : en tant qu'artisan, vous bénéficiez ici d'un énorme atout, car vous êtes les fers de lance du made in France. Or fabriquer tricolore est, pour les employés aussi, une fierté. Entre une entreprise artisanale 100 % hexagonale et une franchise d'une marque étrangère, où l'employé préférera-t-il travailler, si le salaire est le même dans les deux cas ? Probablement pour la première... Mettez cet aspect en avant. Vous serez surpris du résultat : il n'est pas impossible même que vous parveniez à recruter chez vous malgré, par exemple, un salaire un peu moins élevé que celui proposé ailleurs.
Motiver ses salariés, c'est aussi - c'est surtout ! - les considérer comme des adultes. Dans le journal Les Échos, l'économiste Nicolas Bouzou se plaignait récemment de ce qu'il appelle "l'expérience client catastrophique" offerte par un loueur de véhicules chez qui il réceptionnait une voiture, en raison de l'infantilisation du salarié auquel il parlait. Pour simplement récupérer son auto, il s'est trouvé en butte à des paperasseries fastidieuses, que l'employé qui lui faisait face ne pouvait pas court-circuiter, lui répétant que "c'est la procédure".
Or, rappelle l'économiste, " L'avantage des humains, c'est justement d'être capable de ne pas respecter une procédure quand c'est nécessaire ". En tant qu'artisans, ne mettez surtout pas autour du cou de vos employés des carcans trop rigides, comme un logiciel ou une procédure trop formatés, qui les handicaperaient lorsque la situation du client est particulière et " ne rentre pas dans les cases " : laissez-leur toujours la possibilité de "prendre sur eux".
C'est un des principes de l'artisanat, que de savoir s'adapter aux demandes du client et l'employé est, le plus souvent, tout à fait capable de proposer des solutions. D'autant que ce qui est désagréable pour un client peut devenir rapidement insupportable pour un employé qui a ainsi le sentiment, plusieurs fois par jour, d'être pris pour une machine !
Clairement, ici, la motivation du salarié de votre entreprise artisanale qui consiste à lui laisser davantage de latitude, correspond à votre propre intérêt... puisque le client satisfait sera amené à revenir et à recommander l'entreprise, plutôt que d'aller voir ailleurs si, par hasard, la concurrence ne se montre pas plus souple...
Un état d'esprit à cultiver
C'est au patron de faire passer ces messages : n'hésitez pas à conseiller vos employés, et à dialoguer avec eux plutôt que de considérer que ce qu'il faudrait qu'ils fassent est évident. Car ça ne l'est pas toujours, et vous risquerez moins d'avoir à critiquer leur comportement après coup, ce qui pourrait vous faire passer pour un " inspecteur des travaux finis " à la critique facile.
Si le patron sait insuffler à ses équipes une vision optimiste des tâches à accomplir, les contraintes peuvent se transformer en défis à relever... ce qui, psychologiquement, n'est pas du tout la même chose. À condition, évidemment, que les contraintes en question soient perçues comme légitimes, et non comme absurdes. Si l'ergonomie du poste de travail est manifestement mal conçue, le matériel vétustes, il vaut mieux le reconnaître et chercher à résoudre le problème (même en expliquant que ce n'est pas pour tout de suite et que, pour des raisons techniques ou financières, il va falloir patienter quelque temps) plutôt que stigmatiser un prétendu manque d'adaptation de l'employé qui, au quotidien, est contraint de les utiliser et peut rapidement finir par se braquer et bâcler le travail...
Dans le même esprit, vous pouvez apprendre à vos employés à considérer que tout échec peut être pris, la plupart du temps, comme un apprentissage : si l'on en tire les leçons pour ne pas, la prochaine fois, tomber dans les mêmes impasses, alors l'échec n'en est pas un. Le client n'est pas satisfait de ce qu'on lui a fabriqué ou installé ? Il faut trouver une solution. Essayez de voir avec votre employé - surtout si vous avez assisté à la scène - ce qu'il aurait pu faire différemment et qui pourrait arranger la situation.
À ce sujet, notons que les bilans de compétences ou les entretiens annuels de motivation ne doivent surtout pas être considérés comme une ennuyeuse formalité à expédier au plus vite, mais au contraire comme une occasion de faire progresser la relation entre vous et vos subordonnés. Demandez-vous si, peut-être, il est pertinent de proposer des formations, qui à la fois boostent les ouvriers et l'efficacité de l'entreprise.
Même s'il existera toujours çà et là des salariés qui se complaisent dans une routine stérile ou une attitude inefficace, ils ne sont, finalement, pas si nombreux... Et c'est au patron de comprendre les raisons qui les y poussent : le salarié a-t-il peur d'être tenu pour responsable d'un échec ? En vous posant les bonnes questions, vous vous rendrez compte bien souvent qu'au final, le stéréotype du " salarié-boulet dont on ne pourra jamais rien tirer de bon " est une espèce plus rare que l'on se plaît parfois à le penser.
Témoignage
"Le patron nous écoute, et récompense au mérite"
Chez Barcque charpentes, PME du sud de la région parisienne, la motivation des salariés tient à une grande qualité... du patron. "Contrairement à certains dirigeants qui ne disent à leurs troupes que ce qui ne va pas, lui nous dit aussi quand on travaille bien ! Ce n'est pas le patron enfermé dans son bureau et qui n'en sort que pour critiquer : il sait féliciter", témoigne Prescillia Antunes, l'une des quinze employées.
Fabien Barcque est aussi un patron arrangeant : "si on doit partir plus tôt un jour, il nous laisse faire, car il nous connaît et sait que le travail sera rattrapé le lendemain". Le dirigeant a aussi permis aux ouvriers de s'aménager un coin détente - ce qui augmente la convivialité et donc la solidarité des équipes. Même le simple fait d'organiser un repas de fin d'année semble tout bête, "mais ça soude les gars", comme il l'explique. Quant à la paye, elle est fonction du mérite : "un salarié a récemment demandé une augmentation. Au vu de son travail, et de la paye de ses collègues, il la méritait. Résultat : il l'a eue", confirme la jeune femme.
REPÈRES
Raison sociale : Barcque charpentes
Activité : Charpentes et ossatures bois
Siège social : Chilly-Mazarin (Essonne)
Date de création : 1995
Dirigeant : Fabien Barcque, 44 ans
Effectifs : 15 personnes
CA 2018 : 3,7 M€
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