Vente de fonds: protégez-vous au plan juridique
De la promesse de vente à la signature de l'acte définitif, la vente d'un fonds de commerce est parsemée de chausse-trappes. Conseils pour éviter les contentieux.
Je m'abonneVous vendez votre commerce? Sachez qu'après une vente de fonds, le vendeur croit le plus souvent qu'il ne peut pas être recherche après la découverte de mauvaises surprises par l'acquéreur En réalité, vous devez rester vigilant II existe des situations entraînant la nullité de l'acte, avec des conséquences fort dommageables le cédant doit restituer le montant de la vente, en échange de quoi l'acquéreur lui rend le fonds de commerce, qui bien souvent, dans ce contexte, n'a plus guère de valeur D'où la nécessite, pour le cédant, de se protéger
La cession d'un fonds se déroule, le plus souvent, en deux phases. Lors de la première étape, vendeur et acquéreur commencent par signer une promesse sous conditions suspensives notamment d'obtention, par l'acquéreur, des financements requis. A ce stade, le vendeur doit exiger le versement d'une indemnité d'immobilisation, qui lui restera acquise même si la vente ne se réalise pas. Cette précaution dissuade les acquéreurs de changer d'avis et donc de s'arranger pour essuyer un refus de prêt. En outre, ce versement pourra donner une indication, des le départ, sur les facultés financières de l'acquéreur et sur sa réelle volonté de mener a bien la cession. Vient ensuite la signature de l'acte définitif. II est préférable que le vendeur fixe un prix ferme, payable au jour de la signature. II arrive cependant qu'une partie de la somme soit payable a terme si telle ou telle condition est réalisée. Dans ce cas, le vendeur doit prévoir au contrat une clause garantissant le bon paiement du prix. II s'agit, le plus souvent, d'une caution bancaire ou d'une clause dite «résolutoire» précisant que l'acte sera remis en cause en cas de non-paiement
«Une grande vigilance s'impose: l'omission des mentions obligatoires peut entraîner la nullité de l'acte de vente.»
CONTROLEZ LE SERIEUX DE VOTRE BAILLEUR
Lorsque l'occupation des lieux resuite de l'existence d'un bail commercial, le vendeur n'a, en principe, pas de difficultés a le céder avec le fonds. De fait, est réputée nulle toute clause du bail interdisant sa cession dans le cadre de la vente du fonds. Néanmoins, certains baux contiennent des clauses particulières. Par exemple, ils peuvent exiger l'accord du bailleur avant toute cession. Bien qu'a priori contradictoire avec le principe de la nullité de l'interdiction de cession, ce principe est admis en jurisprudence. Attention, le vendeur ne pourra passer outre le refus du bailleur que s'il est abusif. Par ailleurs, il n'est pas rare d'inclure, dans le bail, une clause qui impose au bailleur de participer a la signature de l'acte (auquel il ne pourra s'opposer). Parfois même, il est stipule que l'acte de cession devra être passe devant notaire, a moins d'une dispense expresse donnée par le bailleur
Enfin, le vendeur devra s'assurer du sérieux de son acquéreur, qui sera son successeur en qualité de locataire. Car, le plus souvent, le bail stipule que le vendeur sera responsable du non-paiement des loyers par son successeur, par une clause dite de solidarité Le vendeur pourra tenter d'échapper a cette solidarité en obtenant du bailleur (le plus souvent en échange d'une augmentation du loyer) que soit signé un bail neuf avec l'acquéreur, qui en tirera avantage si le bail cédé était déjà ancien.
Autre point sensible: les mentions obligatoires. Certaines mentions sont prescrites par la loi, d'autres simplement recommandées. Ainsi, le Code de commerce impose au vendeur de communiquer le chiffre d'affaires et les bénéfices commerciaux réalisés au cours des trois dernières années d'exploitation. Sur ce point, la plus grande prudence s'impose. Car vous serez lourdement sanctionné s: vous omettez des renseignements 01 transmettez des données erronées. Le chiffre d'affaires sera traduit par le résultat d'exploitation figurant au compte de résultats. Vous avez obligation, par ailleurs, d'indiquer le nom du précédent vendeur le cas échéant, les date et nature de l'acte d'acquisition, et enfin l'état des inscriptions grevant le fonds. Cet état vous sera fourni sur simple demande par le tribunal de commerce qui en tient un registre. Enfin, l'acte de vente devra énoncer certaines mentions relatives au bail. Sur ce dernier point, la pratique a d'ailleurs ajouté aux mentions légales des mentions d'usage. Il est préférable de les indiquer car leur absence pourrait amener l'acquéreur à se plaindre, s'il estimait avoir été trompé.
CHIFFRES-CLES: COMMUNIQUER NI TROP, NI TROP PEU
En revanche, rien n'oblige le vendeur à divulguer les produits financiers ou produits exceptionnels, sans rapport avec l'exploitation commerciale du fonds de commerce. Si la mention indique l'ensemble des produits, il sera alors indispensable d'expliquer la ventilation entre produits d'exploitation et autres produits. Il est impératif d'indiquer que l'acquéreur a bien eu connaissance du compte de résultats et constaté la réalité du bénéfice d'exploitation, indépendamment des résultats financiers ou exceptionnels.
@ DR
Hortense de Saint Rémy est avocate associée du cabinet Avens, à Paris. Elle pilote le département «Droit des sociétés» qui conseille et assiste les commerçants, dirigeants et entreprises, notamment lors des constitutions de sociétés, des acquisitions ou apports de fonds de commerce, des opérations de rapprochements (fusions, acquisitions, cessions) de modification de capital et de gestion des relations entre associés (pactes, etc.). Le département Corporate d'Avens assure sous sa direction les opérations de suivi juridique des sociétés (assemblées générales, gérances, conseils d'administration, etc.). Site: www.avens.fr
L'omission des mentions obligatoires peut entraîner la nullité de l'acte de vente, avec des conséquences désastreuses pour le cédant. Cette nullité n'est cependant pas systématique: elle n'est prononcée que lorsque le juge estime que le consentement de l'acquéreur a été vicié. C'est le cas, lorsque l'acquéreur a été induit en erreur sur la valeur ou la consistance du fonds. Parfois, le juge ne prononce pas la nullité, mais une réduction de prix, et condamne le vendeur à des dommages et intérêts en fonction du préjudice subi. En résumé, mieux vous aurez renseigné votre acquéreur sur le fonds, moins vous risquerez de voir une bonne affaire se transformer en cauchemar judiciaire!