Licenciement: les erreurs à ne pas commettre
Il existe des règles spécifiques à suivre lorsque vous licenciez un salarié. Mais vous devez cependant prendre garde à quelques subtilités qui pourraient se transformer en pièges. Le point sur les bonnes pratiques.
Je m'abonneLicencier un salarié n'est pas chose facile. Et ce, quelle qu'en soit la cause. Mais la dimension humaine, non négligeable, ne doit pas faire oublier qu'il existe de nombreuses règles à respecter sous peine de voir votre ex-salarié se retourner contre vous. A ce sujet, toute la bonne foi du monde ne vous sauvera pas aux prud'hommes. Nul n'est censé ignorer la loi. «Nous évoluons en France dans un système légaliste où chaque point est formalisé, constate maître Pascale Dell'Ova, avocate au sein du cabinet Eleom. Si un jugement en faveur de votre salarié met votre entreprise dans une situation financière difficile, cela peut vous conduire à cesser votre activité ou à licencier d'autres salariés. Néanmoins, ces arguments ne doivent pas être retenus par la juridiction pour apprécier le bien-fondé du licenciement initial. » D'où l'importance de faire les choses dans les règles de l'art et d'éviter, ainsi, de nombreux pièges.
Vous devez tout d'abord caractériser correctement le motif du licenciement. Il peut s'agir d'un motif personnel. Dans ce cas, il correspond à tout ce qui est inhérent à la personne du salarié. Il peut être lié à une insuffisance professionnelle, à son état de santé, ou encore à une faute sérieuse, grave ou lourde. Une fois cette caractérisation définie, il existe des pièges à éviter. Notez d'ores et déjà que la perte de confiance, longtemps admise, n'est plus un motif de licenciement. « Evitez également d'invoquer comme motif l'incompatibilité d'humeur ou la mésentente qui ne constituent une cause de licenciement que si elles reposent sur des faits objectivement imputables au salarié. Vous devez être en mesure de caractériser des faits et ne pas vous appuyer seulement sur des «sensibilités de caractère» », conseille maître Pascale Dell'Ova.
Par ailleurs, sachez que l'insuffisance de résultats ne constitue pas en soi un motif valable de licenciement. Elle ne peut fonder un licenciement que si ces mauvais résultats procèdent d'une insuffisance professionnelle ou d'une faute. D'autant plus que vous devez pouvoir démontrer qu'elle est imputable au salarié. Les objectifs demandés doivent notamment être réalisables, (nombre de ventes par jour supérieur à la moyenne des entrées dans le magasin...). « Attention, si vous invoquez les mauvais résultats de votre salarié, il est préférable de pouvoir démontrer que ceux des autres collaborateurs sont bien meilleurs », rappelle Pascale Dell'Ova.
Parallèlement, sachez qu'il existe des délais à respecter dans les procédures de licenciement (voir encadré p. 21). Un délai minimum de cinq jours ouvrables doit être respecté entre la réception de la convocation et l'entretien préalable au licenciement. « Mais il est nécessaire de prendre en compte le délai d'acheminement postal, ce qui conduit à fixer l'entretien au minimum dix jours après l'expédition de la lettre », conseille l'avocate.
Licenciement économique: des règles spécifiques
A l'inverse du licenciement pour motif personnel, le licenciement économique correspond à tout ce qui n'est pas inhérent à la personne du salarié. Il répond aux mêmes règles générales que le premier cas, mais réserve aussi quelques pièges qui lui sont propres. Notamment l'ordre des licenciements. Dans ce cadre, vous devez prendre en compte tous les critères de la loi: ancienneté, famille, difficulté de réinsertion et valeur professionnelle. « Ce dernier critère doit être manié avec précaution, car il reste subjectif», argumente Pascale Dell'Ova.
Les délais à suivre pour la mise en place de la procédure sont identiques à ceux du premier cas, sauf en ce qui concerne le délai de notification du licenciement après l'entretien préalable. S'agissant d'un licenciement individuel, vous devez attendre sept jours pour un non-cadre et 14 jours pour un cadre. Vous devez aussi proposer un contrat de sécurisation professionnelle (CSP) aux salariés visés par un licenciement économique. Ce dispositif d'accompagnement spécifique de Pôle emploi permet aux salariés, qui justifient d'un an d'ancienneté ou plus dans l'entreprise, de bénéficier d'une allocation de sécurisation professionnelle (ASP) dont le montant est égal à 80 % du salaire brut antérieur pendant 12 mois. Conservez bien un récépissé du dossier remis. Le salarié a ensuite 21 jours pour accepter ou non le CSP. «Attention cependant, le salarié doit avoir connaissance des motifs pour lesquels il est licencié au plus tard le jour où il accepte son CSP », précise Pascale Dell'Ova. Au moment de l'entretien, n'hésitez donc pas à lui remettre, contre signature, un argumentaire des motifs économiques pour lesquels, à ce stade, vous envisagez le licenciement. Faites-le de façon conservatoire, même si la CSP court. Vous éviterez ainsi tout problème de délais. Vous avez l'assurance (et la preuve!) que votre salarié a eu toutes les informations. Soyez également vigilant quant aux termes utilisés lors de l'entretien préalable: vous ne licenciez pas, mais vous envisagez de licencier! Au moment de l'entretien, votre décision n'est pas prise.
Une fois ces précautions prises, vous devez également faire attention à la motivation de votre lettre. Il faut rappeler l'élément causal (la conjoncture, les comptes de la société...) et l'élément matériel (la suppression de poste). Ce dernier doit se retrouver en toutes lettres. Le poste du salarié doit ensuite être clairement stipulé.
Enfin, sachez qu'il vous est toujours possible de demander à un votre salarié licencié de rembourser un trop perçu lors du solde de tout compte, en cas d'erreur de calcul en sa faveur. «Mais c'est un jeu risqué», prévient Pascale Dell'Ova. En effet, vous pourriez lui donner l'idée, ou l'envie, de formuler des demandes reconventionnelles devant les prud'hommes. Demandez-vous bien si le jeu en vaut vraiment la chandelle.
Focus
Faites attention à votre convention collective
En cas de licenciement, ayez toujours en tête la convention collective dont vous dépendez. Certaines d'entre elles vous obligent, par exemple, à avoir identifié les causes de l'insuffisance du salarié et avoir mis en place des leviers d'action pour y remédier. Et ce, avant tout déclenchement d'une procédure de licenciement pour motif personnel. D'autres conventions hiérarchisent l'ordre des licenciements donnant la priorité à la situation familiale ou encore à la difficulté pour le salarié de retrouver un emploi. En ce qui concerne l'obligation de reclassement, certaines conventions collectives vous imposent d'avoir recherché, en externe, des solutions. Vous pouvez aussi être tenu de consulter un concurrent, ou encore la commission de consultation paritaire pour favoriser le reclassement du salarié (instance qui centralise offres et demandes).