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Les «sérial franchisés», des collectionneurs de réussites

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Multiplier les points de vente pour accroître les bénéfices... L'équation paraît simple, mais, malgré leurs avantages, la multi et la plurifranchise ne s'envisagent que sous certaines conditions.

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@ FOTOLIA/MICHAEL NIVELET, JULIEN GRONDIN, ROLPHOTO

Désir de mieux gagner sa vie après une première expérience réussie dans une enseigne, constat d'un marché à développer à proximité, opportunité d'un pas-de-porte à reprendre... Multiplier les points de vente, sous la même enseigne (multifranchise) ou dans des réseaux différents (plurifranchise) , semble être une démarche naturelle pour de nombreux franchisés. Pour preuve, 20% déclarent posséder au moins deux magasins, selon une enquête menée par le CSA Enquête annuelle sur la franchise, sur un échantillon de 148 franchiseurs et de 414 franchisés, parue en octobre 2006. en 2006 pour la Fédération française de la franchise et la Banque Populaire. Avec de nombreux atouts pour le commerçant. Gérant de deux boutiques de fleurs Happy et de deux boulangeries La Mie Câline à Rennes et Saint-Malo, Christophe Huet a rationalisé les coûts salariaux en embauchant une secrétaire pour ses quatre magasins. «Chacun séparément n'aurait jamais pu se payer ce poste», assure-t-il.

La multifranchise peut également favoriser une meilleure gestion des stocks en permettant de rétrocéder les produits entre les magasins en cas de demande plus forte dans l'un ou l'autre. Un système qui réduit les immobilisations. Thierry Rettenbach, cogérant d'un point de vente de piscines et spas Irrijardin à Phalsbourg (Moselle), va en ouvrir un deuxième à Metz en février prochain. Il espère ainsi limiter le volume de ses stocks à une vingtaine de spas, contre une trentaine pour deux magasins tenus par des gérants différents.

Autre avantage: la possibilité de négocier de meilleures conditions de vente avec les fournisseurs extérieurs au réseau, en commandant un volume plus important. Marez Neffati, gérant de deux points de vente Bazarland, une enseigne discount d'équipement de la maison, achète 15% de son stock en dehors de la chaîne. Il n'hésite pas à mettre en avant sa position de multifranchisé: «Nous pouvons négocier une livraison gratuite ou une remise. Déplus, nous sommes en position de demander à nos fournisseurs des délais de règlement plus longs: 90 jours au lieu de 60, ce qui allège la trésorerie.» La plurifranchise permet également de diviser les risques. «Par exemple dans le prêt-à-porter, illustre Olivier Bourgeois, correspondant franchise du groupe Banque Populaire sur le secteur Val-de-France, si les stylistes se trompent, la collection est mauvaise dans tous ses magasins. Si le commerçant est dans des enseignes différentes, il limite alors les dangers.» En outre, vous pouvez franchir une étape supplémentaire en investissant dans un autre secteur d'activité. «Les marchés sont variables d'une année à l'autre, indique maître Serge Méresse, avocat spécialiste de la franchise. Etre plurifranchise permet donc de lisser les cycles économiques.»

La communication peut, elle aussi, se révéler plus efficace. «Avec deux points de vente aux extrémités de la zone de chalandise, notre publicité touchera plus de monde», affirme Thierry Rettenbach, d'Irrijardin. Enfin, les multifranchisés peuvent jouer un rôle de contrepouvoir au sein du réseau. Souvent actifs dans les différentes commissions de l'enseigne, ils sont susceptibles d'influer sur ses grandes orientations. Eric Azan, par exemple, possède six points de vente Quick et préside Avenir Franchise, le syndicat des franchisés de l'enseigne. «Nous avons plusieurs commissions consultatives par an, pour décider de la stratégie au niveau du marketing, du personnel et des achats. Nous avons aussi notre mot à dire en cas de changement d'actionnaires», confie-t-il.

Témoignage

Elie Peyronnet, gérant de trois agences immobilières (deux Guy Hoquet et une Elyse Avenue), à Lyon et à Caluire


«Travailler dans deux réseaux permet de créer sa propre concurrence»


Elie Peyronnet a ouvert sa première agence immobilière au sein du réseau Guy Hoquet, en 1998, puis sa deuxième en 2001 . En 2005, il choisit, pour son troisième point de vente, le nouveau réseau Elyse Avenue. L'enseigne, créée par Guy Hoquet, se positionne sur un créneau plus haut de gamme. «Je voulais créer ma propre concurrence dans le quartier, explique-t-il. Ouvrir une agence sous une deuxième enseigne me permet de toucher une clientèle sensiblement différente parmi les vendeurs de biens immobiliers.» Elie Peyronnet a créé deux structures distinctes pour gérer les trois points de vente, une pour chaque réseau. «J'ai préféré les dissocier, pour ne pas pénaliser l'une ou l'autre en cas de difficulté, mais aussi pour préserver les caractéristiques des deux enseignes.» Même si les deux enseignes appartiennent au même groupe, leur organisation leur est propre. Il n'existe pas, par exemple, de service centralisé pour le secrétariat ou la comptabilité: «Il y a des différences de procédure interne, qui empêchent la centralisation, observe Elie Peyronnet. De la même façon, les salariés n'ont pas les mêmes attributions, donc on ne peut pas regrouper la gestion des ressources humaines.»

Repères

- ACTIVITE Agences immobilières
- VILLES Lyon et Caluire (Rhône)
- ANNEES DE CREATION 1998, 2001 et 2005
- DIRIGEANT Elie Peyronnet, 55 ans
- EFFECTIF TOTAL 12 salariés
- CA 2006 DES 3 SITES 460 000 euros

Participer à la vie du réseau

Participer activement à la vie du réseau est parfois un impératif pour accéder à la multifranchisé. «Nous acceptons qu'un franchisé acquière un deuxième point de vente s'il est présent à plus de la moitié des réunions organisées par l'enseigne», affirme ainsi Franck-Eric Poulain, directeur du développement de La Mie Câline.

Cet engagement dans le réseau n'est pas la seule condition à remplir pour ouvrir une boutique supplémentaire. Avant tout, vous devez afficher des résultats positifs dans votre premier point de vente. L'enseigne La Mie Câline demande par exemple que le franchisé ait présenté au moins deux bilans satisfaisants avant de l'autoriser à ouvrir un autre magasin. Marez et Henda Neffati en ont fait l'expérience avec l'enseigne Bazarland: «Nous voulions dès le début avoir chacun la responsabilité d'un magasin, mais il a fallu faire nos preuves avec le premier, que nous avons ouvert en 2003, avant d'ouvrir le second en 2005.» En outre, les banques accordent plus facilement un prêt pour une deuxième boutique, si la première est rentable. «La banque prend moins de risques, car la franchise a testé son affilié», indique Olivier Bourgeois, de la Banque Populaire. A vous de montrer, donc, chiffres à l'appui, que vous avez réussi votre première installation et que vous êtes devenu un professionnel. L'ouverture d'une unité supplémentaire supposant un investissement important, vous devez également bien réfléchir au potentiel de la zone d'implantation. «Pafois, le franchisé s'emballe un peu vite pour un projet, sa réflexion n'est pas aussi poussée que pour le premier magasin et il omet de s'interroger sur la rentabilité du futur point de vente, qui ne sera peut-être pas au niveau du précédent», souligne maître Martin Le Pechon, avocat spécialiste des réseaux.

Dans le même esprit, sachez que le franchiseur sera vigilant sur un autre indicateur: vos résultats lors des contrôles internes, qui évaluent votre capacité à mettre en oeuvre le concept de l'enseigne. A La Mie Câline, par exemple, deux contrôleurs passent à l'improviste dans les boulangeries et vérifient 500 points, de la qualité des produits au management, en passant par le respect des normes d'hygiène. «Le franchisé doit obtenir des notes supérieures à 15/20 dans Vannée précédente, ajoute Franck-Eric Poulain. Et lors de l'ouverture du deuxième point de vente, le premier est particulièrement suivi parce que nous savons que c'est une période un peu trouble, où le gérant a la tête ailleurs.»

Serge Méresse, avocat

«Les marchés étant variables d'une année sur l'autre, être plurifranchise permet de lisser les cycles économiques.»

Thierry Maillet, formateur pour Guy Hoquet

«Un multifranchisé doit non seulement savoir s'entourer, mais aussi être capable de déléguer.»

Testez votre relation avec le franchiseur

Si ces conditions sont remplies et que vous entretenez de bons rapports avec votre franchiseur, celui-ci peut même vous inciter à vous développer. D'après l'étude CSA, 64% des enseignes disent d'ailleurs encourager la multifranchisé. Pour développer leur enseigne, les franchiseurs préfèrent, en effet, confier leurs futures implantations à des entrepreneurs qu'ils connaissent et estiment dynamiques. «Ces commerçants apportent leur expérience au réseau et oeuvrent ainsi à sa notoriété et à son développement», explique Franck Berthouloux, responsable du développement chez Avis Immobilier. Dans leur politique d'encouragement, certaines enseignes proposent une remise sur les droits d'entrée. C'est le cas d'Avis Immobilier. Les franchisés ne paient aucun droit d'entrée supplémentaire s'ils ouvrent une autre agence sur leur secteur géographique et bénéficient d'une réduction de 50% sur un secteur différent. Près de 40% des adhérents du réseau en ont ainsi profité. Le système d'encouragement est d'ailleurs poussé très loin: quel que soit le nombre d'agences, la redevance est plafonnée à 1560 euros mensuels. Autre forme d'incitation: les franchisés peuvent aussi recourir aux formations proposées par l'enseigne pour leur personnel. Grâce à cela, les conseillers de la première agence peuvent être promus responsables d'un autre site. La politique incitative des franchiseurs présente cependant une limite: leur poids au sein du réseau. «Ils craignent qu'un franchisé ne prenne le contrôle d'une zone géographique, puis se désolidarise du réseau», explique maître Serge Méresse. Pour cette raison, les multifranchisés ne peuvent pas se développer à l'infini. D'après l'enquête CSA-Banque Populaire, le plus gros multifranchisé d'un réseau possède en moyenne cinq points de vente... et n'a d'ailleurs plus grand-chose d'un commerçant.

De fait, pour mettre toutes les chances de votre côté en tant que multi ou plurifranchise, vous devez vérifier que vous avez le profil de l'emploi. Attendez- vous en effet à changer de métier. «Parce que vous ne serez plus commerçant à temps plein derrière le comptoir», avertit Anne-Sylvie Homassel, responsable de la communication de la Fédération française de la franchise. Vous devrez démontrer vos qualités de chef d'entreprise. Au premier rang desquels intervient le don de savoir s'entourer. C'est ce que conseille Thierry Maillet, formateur pour le réseau immobilier Guy Hoquet, dans le cadre d'un module destiné aux commerçants qui souhaitent ouvrir une deuxième agence: «Le responsable de plusieurs points de vente doit mener une politique de ressources humaines ambitieuse.» Ne pouvant être partout à la fois, il doit en premier lieu embaucher un responsable d'agence sur lequel il pourra s'appuyer en toute confiance. De la même façon, le formateur met en garde les multifranchisés sur la tentation de diminuer la masse salariale d'une agence pour faire des économies. «Lors d'une ouverture, l'agence doit gagner la confiance des habitants du quartier. En plus du responsable d'agence, il faut embaucher au moins deux commerciaux, afin qu'il y ait une amplitude horaire satisfaisante et une assistante pour accueillir les clients.» Mais trouver les bonnes personnes ne suffit pas. Encore faut-il savoir déléguer. «C'est crucial, commente Thierry Maillet. Le responsable de plusieurs points de vente doit devenir un véritable chef d'orchestre et donc confier ses tâches productives au responsable de point de vente.» Une mutation qui n'est pas évidente pour un commerçant habitué à gérer de manière autonome les différents postes de son magasin. Avec l'ouverture de son deuxième magasin, il est contraint de laisser l'activité se dérouler sans lui. A défaut d'assurer cette transition, le franchisé risque de mettre en danger son affaire. Thierry Maillet fournit quelques conseils sur le sujet: «La relation de confiance avec le responsable de point de vente doit s'établir dès le début, à l'aide d'un contrat précisant les tâches à accomplir. H ne faudra pas revenir sur cet accord par la suite.»

Votre confiance, vous devez également l'accorder à votre équipe. Un bouleversement pour Christophe Huet. Pour ce gérant, le cap du deuxième magasin est crucial: «Il y a un vrai changement, confie-t-il. Il faut mettre en place une check-list pour que les contrôles soient faits. C'est compliqué, car on a l'impression de tout et de ne rien maîtriser. Au départ,]' ai eu quelques difficultés à m'en remettre aux équipes à 100%.» Le gérant a eu besoin d'un semestre pour mettre en place les délégations. Aujourd'hui, son épouse tient la boutique Happy de Saint-Malo et lui tourne, selon les jours, sur les trois autres. Pour ne pas se disperser, il se fixe des priorités et évite de passer chaque jour dans tous ses points de vente.

La règle d'or est donc de mettre en place un emploi du temps rigoureux. «Les équipes doivent avoir des plannings précis à respecter, ce qui vous permet de les cadrer», préconise Thierry Maillet. Par exemple, instituez des réunions régulières: une quotidienne, au terme de laquelle le responsable d'agence devra vous envoyer un compte rendu. «Un point doit aussi avoir lieu une fois par semaine, avec les responsables, pour vérifier leurs méthodes et entretenir leur motivation, poursuit le formateur. Dans le cas d'une agence immobilière, vous pouvez exiger un bilan de prospection tous les jours à horaire fixe, pour donner un rythme soutenu à vos équipes.»

L'organisation est, en effet, le maître mot du multi ou plurifranchise. Selon les situations, il peut être plus ou moins facile de jongler entre vos différentes missions. C'est le cas, par exemple, pour Céline Foucher, franchisée à la fois de l'enseigne de prêt-à-porter Tout Compte Fait et de la parfumerie Beauty Success. Si la commerçante a pu ouvrir un deuxième magasin, c'est notamment parce qu'elle a signé un contrat de commission affiliation avec Tout Compte Fait. «Comme l'enseigne dispense le franchisé d'acheter son stock, indique maître Monique Ben Soussen, avocate spécialiste de la franchise, celui-ci économise environ 1 00 000 euros, une somme disponible pour le capital du deuxième point de vente.» La marchandise passe directement du franchiseur au client, le commerçant étant rémunéré à la commission. «Ce type de contrats, très répandu dans le prêt-à-porter, simplifie considérablement la gestion d'un point de vente, ajoute l'avocate. Le commerçant prend moins de responsabilités. Il est donc plus disponible pour un autre magasin.» Un avantage de taille dans la pluri et la multifranchises, où le temps constitue une denrée précieuse.

Savoir s'adapter aux concepts

Pour simplifier l'organisation, les comptables et les avocats conseillent de créer des structures différentes pour chaque boutique. «Cette précaution permet de limiter les risques, explique maître Monique Ben Soussen. Si un point de vente périclite, il n'entraînera pas les autres dans sa chute.» Et si ses magasins se portent bien, le gérant pourra se séparer plus facilement de l'un d'eux, sans la procédure compliquée d'une vente partielle de son entreprise.

Autre avantage de la séparation des magasins en sociétés distinctes: cela donne au gérant une vision plus claire des performances, coûts et résultats de chaque point de vente, pour optimiser la rentabilité de chacun. En outre, cette solution permet au responsable de magasin de devenir associé. «J'ai fait cette proposition au futur responsable de mon deuxième magasin Irrijardin à Metz, pour le fidéliser et le motiver», explique Thierry Rettenbach.

Dernière qualité, indispensable si vous souhaitez vous affilier à des réseaux différents: la faculté d'adaptation. «C'est essentiel, car les méthodes sont différentes selon les enseignes», insiste maître Monique Ben Soussen. Elie Peyronnet, affilié au réseau Guy Hoquet et Elyse avenue, pourtant deux enseignes du secteur immobilier, souligne les dissemblances entre les deux réseaux. «Les concepts sont différents: Elyse Avenue se veut plus convivial et plus accueillant pour la clientèle», précise-t-il (voir notre témoignage p. 36).

A condition d'abandonner les habits de commerçant pour ceux de chef d'orchestre, la multiplication des points de vente constitue donc une opportunité de développement passionnante pour tous ceux qui aiment relever des défis.

Témoignage

Erick Patour, gérant de deux magasins franchisés Jardin des Fleurs à Saintes et Royan


«J'ai abandonné une boutique située trop loin de la première»
La philosophie d'Erick Patour? «Tant que ça marche, il faut ouvrir des boutiques.» Mais si possible dans la même ville ou dans une commune proche, sans quoi le commerçant risque de se laisser déborder. Cet ancien salarié, qui s'est lancé dans la franchise Jardin des Fleurs en 1991 et dans la multifranchisé cinq ans plus tard, a dirigé jusqu'à quatre points de vente simultanément. Après avoir revendu un premier point de vente, il cède en 2002 son magasin de Rochefort, trop éloigné de Saintes où il avait sa boutique principale. «Il m 'arrivait de faire l'aller-retour deux fois dans /ajournée, parce qu'il y a des choses que j'étais seul à pouvoir gérer: des problèmes de plomberie, des clients qui réclament le patron pour prendre commande, etc.», explique Erick Patour. Difficile d'être sur tous les fronts, même si 45 kilomètres seulement séparent les deux villes. S'il a pu garder la boutique de Royan, à 35 km de Saintes, c'est parce que sa femme s'en occupe. Pourtant, là aussi, le commerçant a eu du mal à prendre de la distance au départ, certains fournisseurs et clients appelant systématiquement le «patron» à Saintes. Mais ils se sont peu à peu habitués à leur nouvelle interlocutrice. Aujourd'hui à l'aise dans la conduite de ses deux magasins et désireux de ne pas reproduire les erreurs du passé, le fleuriste cherche un emplacement pour un troisième point de vente, dans un autre quartier de Saintes.

Repères

- RAISON SOCIALE Jardin des Fleurs
- ACTIVITE Fleuriste
- VILLES Royan et Saintes (CharenteMaritime)
- ANNEES DE CREATION 1996 et 1999
- DIRIGEANTS Erick et Karine Patour, 41 ans et 35 ans
- EFFECTIFS 6 salariés et 2 apprentis dans chaque boutique
- CA 2006 750 000 euros (Saintes) et 800 000 euros (Royan)

 
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Jeanne Cavelier, Céline Keller

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