Les clés d'une transmission réussie
Comment passer le flambeau à un repreneur sans trop bouleverser les équilibres et risquer de mettre en péril l'entreprise? Comment établir un diagnostic? A quel moment informer ses salariés? Une transmission d'entreprise se prépare, se structure. Les experts recommandent d'anticiper la cession deux à quatre ans avant l'opération.
Je m'abonneDans les cinq prochaines années, près de 500 000 entreprises - dont 90 % de TPE vont changer de mains. C'est donc peu de dire que la transmission d'entreprise est un sujet d'actualité. « Si ce chiffre est en forte augmentation, trop de dirigeants restent mal informés sur cette étape importante. Au mieux, ils l'appréhendent trop tardivement. Aujourd'hui, un tiers des entreprises disparaissent par absence d'anticipation ou faute de repreneur », estime Gérard Collot, expert de la cessation d'entreprise et cofondateur de Bosstoboss.fr.
Pour bien préparer sa transmission, il convient de se poser les bonnes questions au bon moment, à savoir... le plus tôt possible. Que souhaitez-vous faire après la vente? Quel lien voulez-vous conserver avec votre entreprise? Est-ce que votre chiffre d'affaires a décliné? La gestion des effectifs ou les relations avec les fournisseurs ont-elles été difficiles ces derniers mois? Votre entreprise peut-elle continuer à fonctionner avec les compétences actuellement disponibles et les ressources existantes? Connaissez-vous les contraintes fiscales liées à la transmission d'entreprise? « Pour se positionner dans la situation d'un cédant, le dirigeant doit se faire à l'idée de passer la main et se projeter dans «l' après», explique Eric Luc, directeur des relations extérieures du groupe Fiducial, expert en gestion des petites entreprises. Il doit aussi faire preuve de patience car une opération de transmission peut s'étaler sur une période de 24 mois, voire plus. » Le dirigeant doit également bien mesurer l'impact de sa décision, envisager l'avenir de ses salariés et déterminer ses priorités. Cette étape franchie, le dirigeant peut alors engager un véritable travail d'estimation de son entreprise.
« Le chef d'entreprise a souvent une idée plus ou moins précise de la valeur de sa société mais il est primordial de la confronter à la réalité du marché et de comparer son affaire à des entreprises similaires », poursuit Eric Luc, de Fiducial. Il est important pour le cédant de préparer un argumentaire de cession. Un sujet dédié à l'évaluation de votre entreprise sera d'ailleurs publié dans notre prochain numéro.
Focus - Plus-values: exonérations et abattements
Le coût fiscal de la transmission peut être atténué grâce à des exonérations et abattements de taxation des plus-values, instituées pour favoriser la transmission des petites entreprises. Ces dispositifs sont prévus par les articles 151 et 238 du code général des impôts. Plusieurs conditions doivent être réunies afin de bénéficier de ces exonérations et abattements. On peut citer notamment (liste non exhaustive): le chiffre d'affaires, la qualité du cédant et du repreneur, la durée de détention de la société par le cédant et l'engagement de détention du repreneur, le départ en retraite du cédant, l'activité exercée, le régime fiscal du cédant. Ces dispositifs peuvent se cumuler ou se compléter afin d'optimiser la fiscalité de la cession et il est recommandé de faire appel à un expert dans le but d'étudier toutes les possibilités offertes par la législation fiscale en vigueur.
Identifier le bon profil du repreneur
Une fois le projet de cession cadré, il s'agit de se pencher sur le profil du repreneur. Et le premier réflexe est de chercher au sein même de la société un successeur potentiel. « Il est primordial de ne pas informer l'ensemble des collaborateurs avant d'avoir évalué le prix de son affaire car cela pourrait les décourager et ils pourraient s'inquiéter pour leur avenir professionnel », explique Eric Luc (Fiducial).
Si aucun collaborateur ne souhaite se porter acquéreur, le dirigeant peut s'adresser à son réseau consulaire ou à son syndicat pour diffuser une offre par Internet. Il est important de bien évaluer le projet du repreneur, de jauger ses capacités financières et de ne pas hésiter à le mettre en concurrence avec d'autres candidats.
Formaliser les termes et les conditions de la cession
La négociation doit déboucher sur un protocole d'accord, un document juridique très complet qui présente l'ensemble des points négociés: l'identification des parties, la description du bien vendu, les modalités de la vente, les clauses de non-concurrence, de garantie d'actif et de passif, de calcul de révision de prix ou encore les conditions suspensives. La vente définitive restera ainsi soumise à la levée de ces conditions suspensives: obtention d'un crédit bancaire, d'un agrément ou d'une autorisation à exploiter par le repreneur. Il ne faut pas non plus oublier, avant de signer, de demander le bail ou projet de bail et de faire figurer dans le document certaines conditions. Les locaux correspondent-ils bien à ceux indiqués dans le bail? Avez-vous bien vérifié qu'il permet au repreneur d'exercer toutes les activités qu'il a en projet? Pour Nadia Ballet, responsable du service création, transmission et reprise au sein de la CCI de Dordogne, « il est important de faire un état des lieux et de vérifier le montant du loyer, les clauses et indices de révision, ainsi que les activités qu'il est possible d'exercer dans le local. Il faut surtout vérifier si le bail a été renouvelé dans les délais et selon les règles, car seul un bail 3-6-9 est renouvelable. Il faut savoir que le propriétaire a obligation de renouveler ce dernier, en l'état et sans aucune modification ». La date d'expiration du bail initial doit aussi être précisée. S'il a atteint son terme, soit au bout de neuf ans, il est bon de contrôler qu'il a été correctement renouvelé, par voie d'huissier ou par acte notarié et non par tacite reconduction. Ne pas s'en assurer pourrait conduire à un déplafonnement du loyer (possibilité de modifier le montant du loyer sans tenir compte des indices de réévaluation).
« Si le cédant a un doute ou souhaite bénéficier de conseils, il ne doit pas hésiter à solliciter l'aide de professionnels (avocats, notaires). Les Fonds régionaux d'aide aux conseils permettent aux dirigeants de se faire subventionner et d'être accompagnés pour monter leurs dossiers administratifs, parfois conséquents », conclut Gérard Collot (Bosstoboss.fr). Un soutien d'experts à ne pas refuser.