Recherche
Magazine Commerce Mag
S'abonner à la newsletter S'abonner au magazine

Il défend le livre en associant les éditeurs à son commerce

Publié par le

Libraire depuis vingt ans, Armel Louis vient de créer La Lucarne des Ecrivains, dans le XIXe arrondissement de Paris. Un lieu unique où se rencontrent toutes les cultures, dans un souci de défense du monde du livre.

Je m'abonne
  • Imprimer
Armel Louis défend avec ardeur les livres et leur mode de distribution, dans sa librairie atypique du XIXe arrondissement.

Armel Louis défend avec ardeur les livres et leur mode de distribution, dans sa librairie atypique du XIXe arrondissement.

C'est l'histoire d'un libraire qui aime les livres. C'est aussi celle d'un ex-salarié qui a décidé de créer sa propre entreprise le jour où il s'est retrouvé au chômage. Armel Louis est libraire depuis plus de vingt ans. Et sa vision du monde du livre est bien tranchée: «Ce n'est pas un produit de consommation, s'insurge-t-il. Il est fait pour durer. Aujourd'hui, on ne donne plus aux livres le temps de trouver leur lectorat.» Cet amoureux des lettres dénonce l'impitoyable turnover des livres «tendance» sur les rayonnages. «Même à la Fnac, la rotation des ouvrages s'est accélérée, observe-t-il. Aujourd'hui, un titre a moins d'un mois pour s'imposer.» Le parti pris d'Armel Louis? Laisser leur chance à des auteurs peu connus et à des éditeurs qui n'ont pas encore pignon sur rue. Dans les rayons, le dernier Goncourt est traité comme les autres... Les vedettes? La littérature sans estomac de Pierre Jourde ou Ecrivain de l'ombre d'Orlando de Rudder, qui trônent fièrement en tête de gondole. Ici, point de biographies de starlettes de vingt ans ou d'élucub rations romano-rocambolesques de footballeurs milliardaires. Les «stars» ne sont pas les dernières éditions, mais des volumes qu'il a aimés. «Au moins 50 % des ouvrages exposés sur les tables des librairies n'ont pas été écrits par ceux qui les ont signés!», proteste Armel Louis. Un combat de plus pour ce militant de la culture. Qui admet pourtant que les libraires n'ont bien souvent pas d'autre choix, pour survivre, que de mettre en vitrine de purs produits marketing.

Réinventer la distribution du livre

 

La démarche d'Armel Louis est un rêve partage par nombre de ses confrères indépendants. Mais à quel prix? «Les libraires travaillent six jours sur sept, ouvrent à Noël et les jours fériés et se payent au Smic, déplore-t-il. Le système de distribution classique étrangle les auteurs, les éditeurs et les libraires. Et au final, c'est le lecteur qui en pâtit, puisqu'on ne lui présente qu'une infime part des dizaines de milliers d'ouvrages qui sortent tous les ans.» Domination des grands groupes, mainmise des grandes maisons d'édition sur les distributeurs... Armel Louis est intarissable sur le sujet. «Le livre doit réinventer ses réseaux, ses modes de diffusion et ses lieux de distribution.» Et La Lucarne des Ecrivains, qui a ouvert ses portes le 1er septembre dernier dans le XIXe arrondissement de Paris, est la réponse d'Armel Louis à ce problème. Salarié dans une librairie de Sceaux pendant dix ans, il se retrouve au chômage en 2005, suite au rachat du commerce. Il décide alors de créer sa propre affaire, déterminé à casser la logique des librairies standardisées. Aidé de son ami écrivain Claude Duneton, il contacte des auteurs, éditeurs et autres amateurs de belles lettres, auxquels il propose d'investir un peu d'argent en échange de quelques actions de sa future société. «Même s'ils ne cherchent pas à récupérer leurs billes, il n'est pas question de donation», confie le libraire. Les contributions, de 50 à 3 000 Euros, lui permettent d'amasser 28 000 Euros, soit le tiers de son investissement total. Les deux tiers restants, Armel Louis les emprunte auprès des banques. Un parfum d'utopie? Pas vraiment. Car le libraire ne perd pas de vue l'aspect commercial de son affaire. La Lucarne des Ecrivains est une SARL et a vocation à réaliser des bénéfices. Pour le moment, Armel Louis ne se verse pas de salaire. Son objectif de chiffre d'affaires pour le premier exercice, reste raisonnable: 160 000 Euros.

La part belle à tous les arts

 

Pour mettre toutes les chances de son cote, Armel Louis a bien étudié le choix de son implantation. La Lucarne des Ecrivains est située rue de l'Ourcq, où l'on ne trouve pas de librairie à moins de 500 mètres. En outre, si l'arrondissement comptait à peine trois librairies il y a deux ans, elles sont au nombre de sept aujourd'hui, ce qui laisse espérer un fort potentiel de développement.

Son local de 85 m2, loué 200 Euros par mois auprès de la mairie du XIXe, permet à Armel Louis de limiter ses dépenses. Il fait même l'impasse sur l'informatique. «Pour une librairie de cette taille, c'est une aberration d'acheter un ordinateur, se detend-il en montrant ses fiches bristol multicolores, classées par auteur et par genre. Je préfère investir cet argent dans mon stock de livres.» Armel Louis peut d'ailleurs se targuer d'offrir un bel éventail d'oeuvres et d'éditeurs. Il possède un compte chez plus de trente d'entre eux, qui lui octroient des remises pouvant aller jusqu'à 35%. Du plus confidentiel au plus productif, tous sont représentés, ou presque. «Les éditeurs qui intègrent leur propre distributeur ne proposent jamais de remises importantes aux libraires indépendants. Je préfère m' abstenir de vendre leurs livres.»

Mais La Lucarne des Ecrivains est plus qu'une librairie. Armel Louis veut en faire un lieu de rencontre pour les différentes populations de ce quartier «métissage social», où les bobos côtoient les populations plus modestes. Pour une implantation durable, il fait confiance à son réseau. Epaulé par diverses associations culturelles, il fait la part belle aux arts. Chaque vendredi soir, il accueille un événement: exposition de peintures, d'illustrations, théâtre, lecture de contes pour enfants, débat, tours de magie... L'occasion de réorganiser ses rayonnages en fonction des thèmes abordés et de mettre en lumière des ouvrages en rapport avec la manifestation. Et d'offrir un verre aux visiteurs. Sa devise? «Susciter le désir et apporter du plaisir.»

Parcours

- 1979 Armel Louis obtient son baccalauréat section C.
- 1981 Il est embauché à La Librairie du Lycée, dans le IXe arrondissement de Paris.
- 1990 En dépit du rachat de La Librairie du Lycée par les Editions Atlas, Armel Louis reste à son poste.
- 1999 Il est embauché à la librairie Page 1, à Sceaux (Hauts-de-Seine).
- 2005 Après le rachat de Page 1, Armel Louis se retrouve au chômage.

Repères

- RAISON SOCIALE La Lucarne des Ecrivains
- VILLE Paris, XIXe arrondissement
- DIRIGEANT Armel Louis, 46 ans
- EFFECTIF 1 personne
- DATE DE CREATION 1er septembre 2006
- CA NC

 
Je m'abonne

Faustine Sappa

NEWSLETTER | Chaque semaine, l'essentiel de l'actu

Retour haut de page