Harcèlement moral: plus de responsabilités pour l'employeur
Démotivation, accidents du travail, absentéisme, démissions... Les conséquences du harcèlement moral sont particulièrement désastreuses pour l'individu. Elles le sont aussi pour l'entreprise. D'autant que celle-ci doit désormais faire face à des obligations de plus en plus contraignantes en la matière.
Je m'abonneEn matière de harcèlement, plusieurs définitions prévalent. La définition posée par l'article L. 1152-1 du Code du travail ne précise pas en quoi consistent les actes de harcèlement moral, mais se fonde sur leur objet ou leurs conséquences pour le salarié, à savoir une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité; d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. Ces trois éléments sont alternatifs et n'ont pas à être tous réunis pour que le harcèlement soit avéré.
L'accord national interprofessionnel sur le harcèlement et la violence au travail du 26 mars 2010 a pour objet de sensibiliser les employeurs, les salariés et leurs représentants à ces problèmes. Il définit également les notions de harcèlement et de violence au travail et propose un cadre pour leur identification, leur prévention et leur gestion. Selon cet accord, le harcèlement survient lorsqu'un ou plusieurs salariés font l'objet d'abus, de menaces et/ou d'humiliations répétés et délibérés, dans des circonstances liées au travail, soit sur les lieux de travail, soit dans des situations liées au travail. Cette définition est ainsi différente de la définition légale.
Enfin, la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008, qui porte diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations, implique un élargissement de la définition du harcèlement moral et du harcèlement sexuel.
Il convient ainsi pour les employeurs d'être vigilants, car la Cour de cassation vient de rendre des arrêts qui sont de plus en plus sévères pour les employeurs qui se retrouvent confrontés à des situations de harcèlement moral. Le harcèlement moral peut prendre des formes différentes, d'où un contentieux, en la matière, abondant et varié.
En particulier, la Cour de cassation met en avant l'obligation de sécurité de résultat incombant à l'employeur. Selon l'article L. 1152-4 du Code du travail, l'employeur doit, en effet, prendre toutes les dispositions nécessaires en vue de prévenir les agissements de harcèlement moral. Plus généralement, c'est l'article L. 4121-1 du Code du travail qui impose à l'employeur de prendre les mesures nécessaires pour assurer et protéger la santé physique et mentale des salariés.
Par deux arrêts du 3 février 2010, la Cour de cassation, qui rappelle que l'employeur est tenu à une obligation de sécurité de résultat en matière de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs, estime ainsi qu'il manque à cette obligation lorsqu'un salarié est victime, sur son lieu de travail de violences, physiques ou morales, exercées par l'un ou l'autre de ses salariés, quand bien même il aurait pris des mesures en vue de faire cesser ces agissements. Ainsi la seule survenance d'actes de harcèlement moral constitue une faute de la part de l'employeur. A partir du moment où le harcèlement est avéré, le salarié qui prend acte d'une rupture de son contrat obtiendra des dommages intérêts pour licenciement abusif ou une indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse, outre les indemnités liées au licenciement.
Les mesures à prendre par les employeurs
L'accord national interprofessionnel sur le harcèlement et la violence au travail du 26 mars 2010 détermine les mesures que doit prendre l'employeur en vue de prévenir les agissements de harcèlement et de violence au travail, en concertation avec les salariés et/ou leurs représentants:
- recenser les situations de harcèlement afin de rechercher les mesures de prévention les plus appropriées ;
- informer les salariés de la position de l'employeur luttant contre ces situations de harcèlement par un document écrit annexé au règlement intérieur (qui ne concerne que les entreprises de plus de 20 salariés) ;
- former les responsables hiérarchiques afin d'intégrer la dimension relative à la conduite des hommes et des équipes et aux comportements managériaux;
- améliorer l'organisation, les processus, les conditions et l'environnement de travail et donner à tous les acteurs de l'entreprise les moyens d'échanger à propos de leur travail ;
- veiller à trouver un environnement de travail équilibré en cas de réorganisation ou de restructuration de l'entreprise.
Cet accord préconise de mettre en place une procédure appropriée pour identifier et traiter les questions de harcèlement et de violences au travail, celle-ci pouvant s'ajouter aux procédures d'ores et déjà existantes. Cette mesure spécifique repose sur les principes suivants, la liste n'étant pas limitative:
- aucune information, autre que rendue anonyme, ne doit être divulguée aux parties non impliquées dans l'affaire en cause ;
- le traitement des plaintes doit être effectué sans retard avec enquête ;
- l'écoute doit être impartiale et le traitement équitable ;
- pas de fausses accusations sous peine de sanctions disciplinaires ;
- une assistance extérieure peut être recommandée, celle du médecin du travail par exemple.
Bien évidemment, le salarié peut recourir à la procédure d'alerte prévue en cas d'atteinte aux droits de la personne. Il existe également une procédure de médiation. Le choix du médiateur fait l'objet d'un accord entre les personnes concernées. Le médiateur tente de les concilier et leur soumet des propositions qu'il consigne par écrit en vue de mettre fin au litige. Dans ce contexte, le CHSCT, ainsi que le comité d'entreprise, les délégués du personnel et le médecin du travail jouent un rôle essentiel, avec l'employeur, dans le cadre de la prévention des actes de harcèlement et de violences au travail. Des mesures d'accompagnement prises en charge par l'employeur sont mises en oeuvre pour apporter un soutien au salarié victime de harcèlement ou de violences.
Bio
Me Isabelle Lamouroux est avocate à la Cour d'appel de Paris et spécialiste du droit du travail. Elle conseille par ailleurs des PME et des fédérations professionnelles sur d'autres aspects du droit et traite également des questions relatives au droit privé. Tél.: 01 44 01 53 43