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Faire face à l'arrivée d'une enseigne concurrente

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Perturbante, l'installation d'une enseigne concurrente force à se remettre en cause, donc à donner le meilleur de soi-même pour conserver sa clientèle et son chiffre d'affaires. Pour cela, une seule règle: faire jouer sa fibre commerciale.

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@ CORBIS

Quand Gisèle Richard a appris l'arrivée d'un Zara à deux pas de sa boutique de vêtements multimarque, à Nantes, elle a eu des frissons dans le dos. «Je me voyais déjà mettre la clé sous la porte, confie-t-elle. Mais j'ai vite compris que je pourrais en retirer certains avantages, en jouant notamment la carte de la fidélisation client.»

Comme cette commerçante, les indépendants qui apprennent l'arrivée d'un concurrent, a fortiori une grande enseigne, éprouvent une certaine angoisse. Pourront-ils résister à l'offre, à la communication, aux prix pratiqués en face? Comment réagira la clientèle? Pour Brigitte Bagela, formatrice à Nantes pour le réseau Demos et le cabinet Aoraki, la première réaction devrait consister, avant tout, à ne pas paniquer. «Il ne faut pas se dévaloriser. Les commerçants indépendants ont quantité d'atouts, et c'est le moment idéal pour les mettre en valeur». Autrement dit, si vous ronronniez depuis quelque temps, vous voici contraint de réagir. Avec un point de départ évident: le client. «Le commerçant doit partir des besoins de sa clientèle pour bâtir et réviser sa stratégie: qui est-elle, qu'achète-t- elle, combien, comment, quels services apprécie- t-elle, quelles sont ses tendances de consommation... Il faut se poser ces questions en permanence pour être efficace, et pas seulement au moment où un concurrent nous menace!», tempête Brigitte Bagela, qui plaide au passage pour que les détaillants soient équipés de logiciels de gestion commerciale aptes à synthétiser ces informations stratégiques.

Réagir progressivement

 

Carol Bleitrach, propriétaire de quatre boutiques de prêt-à-porter féminin dans la région lilloise, observe et écoute ainsi ses clientes pour anticiper leurs demandes. «Je me suis aperçu au fil des années qu'elles réclamaient les mêmes vêtements pour leur journée de travail que pour une soirée informelle. J'ai adapté mon offre avec des tenues à la fois confortables et habillées». Cet autre commerçant a vu arriver, à Roubaix, un centre commercial entier, dédié au déstockage de marques textiles, avec une soixantaine de boutiques. Il a réagi posément et progressivement. «J'ai supprimé de mon offre les marques qui disposaient d'un magasin d'usine dans le nouveau centre, pour en référencer d' autres, plus insolites. Parallèlement, j'ai augmenté la part des produits de luxe. Elles représentaient auparavant 15 % de mon offre, elles sont montées à 30 ou 40 % aujourd'hui». Solidement armé de votre connaissance client, il vous faut marquer votre différence pour tenir face à la concurrence. «Et pour bien cerner l'environnement concurrentiel, il faut se déplacer, conseille Jean-Pierre Severac, directeur du service commerce à la CCI d'Albi. Aller voir ce qui se vend chez les autres, au besoin questionner les commerçants des villes alentour sur la façon dont ils ont affronté l'arrivée d'une grande surface». En somme, pratiquer un «benchmar- king», une veille concurrentielle permanente qui confortera votre positionnement.

Pour Brigitte Bagela, «il faut faire une liste de ses atouts, que l'on décidera de renforcer, comme par exemple la spécialisation dans tel domaine, des vitrines bien placées, une clientèle fidèle. . . Et parallèlement, définir ce sur quoi il est inutile de se battre». Par exemple, une catégorie de produits, ou les prix qui, dans une enseigne en réseau, risquent d'être imbattables. L'idéal est donc de devenir le spécialiste d'une offre très ciblée. Frédéric Vergnes, propriétaire d'une boutique Intersport au centre d'Albi, a réagi ainsi, après l'installation d'un Go Sport en périphérie. «J'ai abandonné le sportswear basique, leur marque de distributeur étant impossible à concurrencer. J'ai également arrêté la vente de vélos, de ski, de golf et d'autres équipements. Je me suis concentré sur le sportswear branché, avec des marques appréciées notamment des surfeurs, peu diffusées en grande surface.» Parallèlement, Frédéric Vergnes maintient et resserre ses liens avec les clubs de sport, qui lui envoient leurs adhérents. «C'est dans le service, le contact client, la proximité, que le commerçant indépendant peut marquer sa différence», résume Laurence Bouju-Becherel, chef de projet à la CCI de Limoges. Redoublez de conseils, faites valoir votre expérience et votre expertise, organisez des animations, pratiquez la livraison à domicile, ou des horaires d'ouverture différents... «Et surtout, vis-à-vis des clients, gardez un discours sain et une attitude positive. Ne dénigrez pas la concurrence, mais restez à l'écoute et réagissez si les clients réclament un produit qu'ils n'ont pas trouvé ailleurs», précise Jean-Pierre Severac, de la CCI d'Albi.

S'inspirer des bonnes méthodes

 

Lors des périodes de soldes ou de promotions, évitez la confrontation directe avec la concurrence, en vendant les mêmes articles à des prix différents. «Une guerre des prix n'est pas une solution durable, surtout si l'on se bat contre une enseigne qui a une plus grande capacité d'achat, explique Brigitte Bagela (Demos et Aoraki). Mieux vaut remiser temporairement les produits identiques à ceux que la concurrence propose en promotion, et mettre en avant une offre complémentaire à un prix attractif». Enfin, ne perdez pas de vue qu'une grande surface qui s'installe dans votre périmètre peut aussi apporter des changements positifs. «Nous avons attendu la Fnac pendant vingt ans, observe Laurence Bouju- Becherel, de la CCI de Limoges. Depuis qu'elle est arrivée, elle a généré un trafic supplémentaire, qui a bénéficié à l'ensemble des commerces de proximité». C'est un peu l'effet «locomotive» des grandes surfaces alimentaires en centre commercial. Ensuite, vous pouvez vous inspirer de certaines techniques utilisées par une grande enseigne et qui ont fait leurs preuves: facing, théâtralisation du point de vente, zoning, incitation à l'achat d'impulsion... Et si vous n'êtes pas encore convaincu, reconnaissez au moins qu'il vaut mieux avoir ses concurrents à proximité, pour mieux les maîtriser.

Témoignage
Nathalie Mainguy, gérante d'une librairie jeunesse à Lorient

«Il y a de la place pour tous»


Deux ans après l'inauguration de sa librairie jeunesse, en 2002, à Lorient, Nathalie Mainguy voit la Fnac s'installer en centre-ville, à quelques pas de sa boutique.
«Heureusement, elle a ouvert à l'automne, une période chargée, et je n'ai déploré qu'une baisse des ventes inférieure à 20% en fin d'année.» Aujourd'hui, la libraire reconnaît que chacun cultive ses spécificités: «Nous recevons les mêmes nouveautés, mais j'ai un positionnement différent: je ne référence pas de héros télévisés, ni de produits dérivés». En outre, elle dispense des conseils pointus et organise des animations et ateliers de lecture. «Il y a de la place pour tous, conclut-elle, puisque la ville abrite deux grandes surfaces culturelles et quatre libraires spécialisés». Et surtout une population avide de lecture.

Repères

- RAISON SOCIALE
Comme dans les livres
- VILLE
Lorient (Morbihan)
- DIRIGEANTE
Nathalie Mainguy, 42 ans
- EFFECTIF
2 personnes
- ANNEE DE CREATION
2002
- CA 2006
238 000 euros

PRATIQUE
CINQ CONSEILS A APPLIQUER

- Ne pas se focaliser sur les autres;
- Bâtir et mener sa stratégie selon les besoins de ses propres clients;
- Se différencier de la concurrence et apporter de la valeur ajoutée;
- Ne jamais dénigrer les autres commerces;
- S'inspirer des pratiques positives notées par ailleurs.

 
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Olga Stancevic

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