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Devenir franchisé d'une enseigne étrangère

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Stratégie. Une enseigne qui s'est développée avec succès à l'étranger peut sembler promise au même destin en France. La chance mérite d'être tentée, après avoir pris quelques précautions économiques et juridiques.

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Plus d'un réseau exploité en France sur dix est dirigé par un franchiseur étranger Statistique issue de l'enquête de la Fédération française de la franchise, réalisée en 2007 sur 1 141 réseaux se développant en France. . Pour les candidats franchisés, il est donc courant de s'adresser à l'une des 132 enseignes qui se sont acclimatées au marché hexagonal, notamment dans l'équipement de la personne, les services automobiles et la restauration rapide, A priori, l'exploitation d'un concept venu d'ailleurs offre des avantages. En effet, lorsqu'un franchiseur arrive sur le territoire français, son concept a d'abord été expérimenté dans son pays d'origine, avec succès, donnant ainsi des garanties sur son fonctionnement. Ainsi, Caroline Allard, commerçante d'origine canadienne, a choisi un franchiseur qui avait déjà fait ses preuves, pour son point de vente à Toulouse: «Fruits et Passion est une structure très solide au Canada, et je connais bien leurs produits. Cela m'a mise en confiance», La notoriété de l'enseigne a aussi contribué à convaincre la banque, aidant ainsi la commerçante pour l'obtention de son prêt.

Le réseau étranger présente également l'attrait de la nouveauté de l'enseigne, voire du créneau, les points de vente étant encore rares en France, C'est le cas du concept belge Waffle Factory («usine à gaufres»), qui propose une offre de gaufres salées et sucrées, confectionnées sous les yeux des clients. Installé depuis fin 2003 en France, les points de vente affichent une progression annuelle de leur chiffre d'affaires de 20 à 30% en moyenne, et cinq ouvertures supplémentaires sont prévues en 2008, selon Christophe Cardyn, master-franchisé de l'enseigne en France, Comme pour un jeune réseau, les candidats sont moins nombreux, la sélection à l'entrée est donc moins rude, et les commerçants ont un choix plus vaste quant au lieu de leur implantation.

Une consommation différente d'un pays à l'autre

Mais attention au revers de la médaille. D'abord, le succès d'un réseau dans un pays étranger ne garantit pas le même destin pour un franchisé français, comme l'explique Maître Monique Ben Soussen, avocate au Cidef, centre d'information et de défense des franchisés: «Les habitudes de consommation sont très différentes, même dans deux pays voisins», Le destin français du chocolatier belge Léonidas en est un exemple, «En Belgique, le chocolat est un produit de consommation courante, explique Michel Ktorza, responsable de l'exportation des pralines vers trois régions françaises. En France, il reste cantonné à certaines occasions. Nous avons donc choisi un positionnement cadeau, plus haut de gamme, en privilégiant les emballages soignés.» Comme pour tout nouveau concept, le franchisé doit donc réfléchir au potentiel de développement de l'enseigne à l'échelle nationale, avant de se pencher sur une étude du marché local, Isabelle Labadie-Lemière, franchisée Cartridge World, a considéré ces données avant d'ouvrir un magasin de recyclage de cartouches d'imprimante à Bayonne, «Au-delà du développement important de l'enseigne dans les pays anglo-saxons, c'est surtout l'aspect économique du recyclage qui m'a convaincue, confie-t-elle. Si l'on y ajoute le marché potentiel, la moitié des foyers ayant une imprimante, et l'intérêt que suscite le recyclage, le concept est prometteur.» Cartridge World est né il y a vingt ans en Australie, et compte désormais une cinquantaine de points de vente sur le territoire français, où il est implanté depuis cinq ans, Caroline Allard, qui vend des produits biologiques sous l'enseigne Fruits et Passion, s'est aussi interrogée sur la réceptivité du marché français, «Le bio s'est développé plus tard en France qu'au Canada, observe-t-elle, mais il y a une vraie demande depuis quelques années». La preuve? Son chiffre d'affaires a progressé de 40% en un an.

Les cas d'échec ne sont pas rares

Certains réseaux n'ont pas eu le même succès: Mail Boxes Etc, enseigne de traitement du courrier d'entreprise d'origine nord-américaine, a connu l'échec en essayant de s'exporter en France, il y a une dizaine d'années, «Vidée était sans doute trop novatrice pour l'époque, explique Maître Ben Soussen, les Français avaient l'habitude de confier leur courrier uniquement à La Poste.» Le franchisé doit donc faire preuve de flair pour repérer les tendances promises à un grand avenir. Les problématiques de société, notamment, n'ont pas le même écho selon les cultures. Les préoccupations environnementales comme le recyclage, sont apparues sur le devant de la scène française bien après les pays anglo-saxons, expliquant l'arrivée relativement récente de Cartridge World dans l'Hexagone, Avant de devenir franchisé, il est donc indispensable de vérifier la viabilité d'un concept étranger en France, Premier réflexe dans cette démarche: vous rendre dans les points de vente déjà existants, et interroger les franchisés sur leurs investissements et leurs résultats. Mais les données ainsi récoltées ne peuvent suffire, «Les informations sont parfois biaisées, prévient Maître Ben Soussen, Si les affaires marchent mal, les commerçants ont tendance à le cacher». L'avocate conseille ainsi de demander les bilans commerciaux directement auprès du greffe du tribunal de commerce.

Autre facteur à prendre en compte avant de vous engager: la concurrence, variable selon les pays et susceptible d'affecter le succès de votre commerce, Caroline Allard l'a expérimenté lors de l'ouverture de son point de vente Fruits et Passion à Toulouse, il y a un an et demi, «La marque, présente depuis des décennies, n'a pas de concurrent de son ampleur au Canada, explique-t-elle. Mais développé plus tardivement en France, le réseau doit faire face à des enseignes opérant sur un créneau similaire, comme l'Occitane.» Il faut donc prendre garde à replacer le concept étranger dans le contexte du marché français, en étudiant soigneusement les enseignes similaires et leurs parts de marché.

Maître Monique Ben Soussen
Centre d'information et de défense des franchisés

«Les informations des franchisés sur leurs résultats sont parfois biaisées. Si les affaires marchent mal, les commerçants ont tendance aie cacher.»

Juridique
Franchiseur ou master franchisé?

La viabilité d'un commerce étranger n'est pas le seul élément sur lequel vous devez être vigilant. Quelques précautions juridiques sont également à prendre vis-à-vis d'un franchiseur situé hors des frontières, au moment de la conclusion du contrat.
Deux situations sont possibles: signer directement avec le franchiseur, ou, dans la majorité des cas, avec un master franchisé, c'est-à-dire un représentant du réseau en France, concessionnaire de la marque et chargé de son implantation et de son développement. Ses obligations envers les franchisés sont les mêmes que le franchiseur, mais la situation est différente en cas de litige. Si vous signez directement avec la tête de réseau, vous serez assigné au tribunal sur le lieu du siège social de l'enseigne. «C'est un inconvénient de taille, explique Maître Ben Soussen, car plaider à l'étranger augmente le temps et le coût d'un procès.» Pour éviter cette situation, l'avocate conseille, avant de signer le contrat, de préciser quel est le tribunal concerné, ou de demander un arbitrage, c'est-à-dire un règlement du conflit par des juges non professionnels. Dans l'autre cas, si vous signez avec un master franchisé, la législation applicable sera française. Mais un inconvénient subsiste: en cas de difficulté, la structure n'a pas la même assise que l'enseigne, et ne vous offre donc pas le même appui. En cas de discorde, vous ne pourrez pas vous retourner contre la maison mère. La situation s'est présentée avec un master franchisé de la marque de prêt-à-porter espagnol, Tintoretto, dont le représentant français a quitté le pays en quelques mois, ne laissant aucun recours aux franchisés. Il y a aussi la possibilité d'un master franchisé malhonnête, qui ne dispose pas réellement de licence pour exploiter la marque. Demandez systématiquement le contrat qui le lie au franchiseur pour éviter cet écueil.

 
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Céline KELLER

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