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De l'éthique sur l'étiquette... Cela fait-il vendre?

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De plus en plus de consommateurs se soucient des conséquences environnementales et sociales de leurs achats. Mais pour autant, l'ère du «consom'acteur» a-t-elle sonné? Du commerce équitable aux produits bio, revue des possibilités à votre disposition et des bénéfices que vous pouvez en retirer.

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Dix-huit euros par an et par habitant, telle est la dépense en produits estampillés commerce équitable, en 2005... en Suisse! Si le bilan n'est pas mirobolant chez les Helvètes, la France fait figure de mauvais élève avec, seulement, 1,20 euro par an et par habitant! Pourtant, le marché est en constante progression. Il y a six ans, chaque Français consacrait à peine 10 centimes d'euro par an à ces produits. Malgré le ridicule des sommes enjeu, il faut quand même reconnaître que l'augmentation est de taille. Dans le même temps, le taux de notoriété du commerce équitable connaît un véritable boom, passant de 9 à 75 % dans l'esprit des Français entre 2000 et 2006 (cf. notre encadré p. 44 «Un Français sur cinq est équitable»). Les produits éthiques n'intéressent plus seulement les militants altermondialistes et les «bobos» en mal de combats. La consom'action, mode de consommation éthique et responsable, fait de plus en plus d'adeptes. «De nos jours, les consommateurs veulent s'engager, à travers leurs achats, à agir pour la solidarité et la protection de l'environnement», témoigne Hélène Long, assistante commerciale chez Alter Eco, importateur et distributeur de produits équitables (souvent bio).

La loi du 2 août 2005, en faveur des petites et moyennes entreprises, assimile le commerce équitable à des échanges de biens et de services entre des pays développés et des producteurs désavantagés, situés dans des pays en voie de développement. Le commerce équitable a donc pour but d'améliorer les conditions de vie des producteurs de ces pays, via une juste rémunération. Une définition que certains aimeraient élargir aux producteurs du monde entier, et non plus aux seuls échanges Nord/Sud. C'est le cas d'Emmanuel Antoine, directeur de Quatre Mâts Développement, organisme de formation destiné aux porteurs de projets en commerce équitable. Pour lui, «faire du commerce équitable, c'est agir pour que le bonheur du commerçant ne passe pas par le malheur des producteurs, qu'ils soient locaux ou situes a l'autre bout du monde».

De même, certains militants considèrent que ce genre de produits n'a rien à faire dans les rayons des grandes surfaces, dont ils jugent inéquitable la politique fournisseurs. Pourtant, la grande distribution a bel et bien permis la vulgarisation de la notion de commerce équitable et l'accroissement des ventes. Mais, dans ce contexte, le commerçant de proximité a indubitablement un rôle à jouer. Il apparaît comme un maillon logique, en bout de circuit, comme le confirme Cyril Brites, directeur commercial de la plateforme de vente Sohdar'Monde: «C'est le lieu idéal pour promouvoir et vendre le commerce équitable. Le petit commerce incarne parfaitement les valeurs fondamentales associées a cette forme de négoce humanité et solidarité.»

L'essentiel des débouchés se situe dans l'alimentaire, avec une gamme des plus conséquentes café, thé, chocolat, sucre, céréales, riz, bananes, épices, alcools, confitures, etc. Pourtant, les ventes se concentrent sur une vingtaine de produits, essentiellement distribués en supermarchés et magasins bio. Le café est le produit-phare du commerce équitable car il bénéficie d'une bonne notoriété auprès du grand public. A lui seul, il constituerait un peu plus des deux tiers des ventes, selon une étude réalisée, d'octobre 2005 à mars 2006, par le cabinet Altervia Consulting pour le compte du ministère des Affaires Etrangères.

Mais l'offre ne cesse de se diversifier Chez Alter Eco, on propose, par exemple, soixante-dix références d'alimentation, quatorze de cosmétique et quatre de coton «Nos produits peuvent être l'occasion, pour les petits commerçants, de se différencier des grandes surfaces en développant une offre alternative» , estime Hélène Long, assistante commerciale chez Alter Eco. Ainsi, pourquoi ne pas distribuer de la confiture d'umbu (fruit brésilien) ou encore du quinoa (aussi appelé riz des Incas)? Si l'alimentaire n'est pas de votre ressort, qu'à cela ne tienne! Vous pouvez également proposer des produits artisanaux (arts de la table, objets de décoration, tapis, etc ), des vêtements («un marche en pleine expansion», selon Cyril Brites, directeur commercial de Solidar'Monde), des produits de beauté, des jouets, des fleurs et même des séjours touristiques.

Sur le web

Où s'approvisionner?
Du café aux vêtements, voici quelques sites qui vous permettront de passer commande de produits bio et/ou équitables:
- Agence Bio (http://annuaire.agencebio.org, rubrique «importateurs»): moteur de recherche complet.
- Andines (www.andines.com): centrale d'achat proposant tous types de produits, catalogue accessible sur son site Internet par catégorie, prix ou pays d'origine.
- Artisanat SEL (www.artisanatsel.com): centrale d'achat tous produits.
Azimuts (www.azimuts-art-nepal.com): marque de vêtements en fibres naturelles réalisés par des artisans népalais et indiens.
- Ekitrade (www.ekitrade.com): centrale d'achat alimentaire, avec notamment une spécificité sur les alcools.
- Idéo (www.ideo-wear.com): ligne de prêt-à-porter bio et équitable pour homme, femme et bébé.
Patatrac (www.patatrac.fr): marque de tee-shirts bio et équitable pour tous.
- Solidar'Monde (www.solidarmonde.fr): centrale d'achat: 1 000 références en artisanat et une centaine en alimentaire.
- Tadé, pays du levant (www.tade.fr): lignes de cosmétiques 100 % naturels et de produits artisanaux.
- Veja (www.veja.fr): marque de baskets écologiques et équitables pour tous. Vous pouvez aussi vous référer à la liste fournie par la plateforme française pour le commerce équitable (www. commercequitable.org) . ou l'association Minga (www.minga.net).

Témoignage

Elodie Chosson, gérante de Nana Benz Bazar
«Les produits éthiques apportent une réelle plus-value au client»
Sensibilisée aux problèmes environnementaux, Elodie Chosson, gérante d'une boutique de décoration à Cahors, propose une petite gamme de produits recyclés ou issus du commerce équitable. «Si je vends ce type d'articles, c'est par conviction, mais aussi pour leur originalité et leur design.» Et de citer l'exemple de ce tablier fabriqué à partir de pneus recyclés, signé Tadé. «Si je peux allier l'esthétique à l'écologie, je ne m'en prive pas.» De même, la commerçante a toujours banni les sacs en plastique. Elle utilise du papier kraft pour les objets encombrants et des sacs Ecopoche, confectionnés artisanalement en papier journal recyclé et importés d'Asie du Sud-Est, en guise de papier cadeau. «J'ai craque sur leur look et je n'ai pas cherché du tout à comparer les prix NDLR de 0,38 à 0,55 Euros le sac pour 500 unités achetées sur www ecopoche.com , avoue-t-elle. Mais c'est un vrai avantage en termes d'image et de démarcation. Beaucoup de clients les réutilisent; l'un d'entre eux en a même fait une lampe!»


Repères
- RAISON SOCIALE Nana Benz Bazar
- VILLE Cahors (Lot)
- DIRIGEANT Elodie Chosson, 44 ans
- EFFECTIF 1 personne
- DATE DE CREATION octobre 2005
- C A 2005 1,5 million d'euros en 2005

Un Français sur deux se déclare prêt à payer plus cher des «produit éthiques»
Source: Crédoc, Enquête sur les conditions de vie et les aspirations des Français.

Le coût amer de l'équitable?

 

Vous ne demandez qu'à être convaincu mais craignez que le prix de ces produits ne constitue un frein pour les clients finaux? Sachez, tout d'abord, que le surcoût du commerce équitable est principalement dû aux faibles volumes échangés. Ensuite, si la rémunération réputée plus élevée des producteurs vise à leur accorder un niveau de vie décent et à financer des projets économiques (équipement, etc.), environnementaux (reboisement, etc.) ou sociaux (construction d'une école, d'une route, etc.), elle est quelque peu absorbée dans la formation du prix final. En effet, à un produit équivalent, la répartition des coûts et des bénéfices entre les différents acteurs n'est pas la même (cf. visuel Alter Eco p. 42). Et le delta entre ces deux prix est de l'ordre de quelques centimes d'euro, du moins sur un paquet de café. Cela s'explique, par exemple, par des circuits d'approvisionnement réduits et la diminution des intermédiaires. Pour bien comprendre la décomposition d'un prix dans ce schéma, prenons l'exemple d'un tee-shirt de la marque bio et équitable Ideo. Il est acheté directement au producteur indien au prix de 4,50 euros l'unité. La matière première (du coton bio) représente 20 % de ce montant, la main-d'oeuvre 30 %, la marge du producteur 5 % et le reste est constitué par l'ensemble des coûts fixes. Le transport, de l'ordre de 20 % supplémentaires, s'ajoute à ce prix: le tee-shirt arrive donc en France à 5,40 euros. Ideo vous le revend 11 euros et préconise un prix de vente final de 25 euros. Côté marge, là encore, le commerçant s'y retrouve, comme le confirme Saddok Abed, propriétaire de La Boutique, un magasin spécialisé dans les produits équitables et bio du Ier arrondissement de Lyon. Les deux tiers de son chiffre d'affaires proviennent du prêt-à-porter. Il complète son offre par de la petite épicerie et des cosmétiques. «Si la vente de vêtements fait vivre mon magasin, je me sers de l'épicerie comme produit d'appel et des cosmétiques pour favoriser les achats d'impulsion», explique-t-il. Et, ses marges sont comparables à celles pratiquées dans les commerces ordinaires: de 70 à 90 % sur les vêtements, par exemple. Dans l'alimentaire, chez Alter Eco, les prix de vente recommandés tiennent compte d'un taux de marge équivalent à celui des filières classiques pour l'alimentaire: de 25 à 30 %. Il est donc possible de concilier éthique et profit, ce ne sont pas deux notions antinomiques.

D'ailleurs, si le secteur du bio en général et de l'équitable en particulier n'était pas rentable, le réseau de magasins indépendants Biocoop n'affi cherait pas un tel dynamisme, avec une croissance annuelle d'activité de 20 % en 2005. Vingt-cinq points de vente ont été créés en 2006 et 2007 devrait enregistrer une quarantaine d'ouvertures. Le chiffre d'affaires d'un magasin Biocoop oscille rait entre 250 000 et 20 millions d'euros, suivant sa surface de vente. Pour Claude Gruffat, p-dg de Biocoop et heureux propriétaire du magasin Biocoop de Blois, «la difficulté de cette activité ne réside pas dans sa rentabilité, puisque le taux de marge est similaire à celui pratiqué dans le commerce alimentaire traditionnel, mais dans la gestion quotidienne du magasin, et notamment des stocks. De fait, la durée de conservation des produits bio est inférieure à celle des produits normaux» Le problème de gestion est également évoqué par le propriétaire de La Boutique, à Lyon. Dans le secteur du vêtement bio et équitable, les fournisseurs sont des entreprises de petite taille, qui ne produisent pas de gros volumes. La marque de prêt-à-porter bio Ideo, par exemple, propose plus d'une centaine de références mais ne peut produire qu'un millier de pièces par coloris. «Le commerçant doit prévoir au plus juste car une fois la production écoulée, les réassorts ne sont plus possibles», reconnaît Rachel Liu, cofondatrice de la marque de vêtements. Cependant, ces faibles quantités disponibles sur le marché confèrent aux revendeurs un avantage concurrentiel, face à la production de masse.

Ile-de-France

500 m2 pour des achats solidaires
Envie de produits équitables dans vos rayons? Vous pouvez aller approvisionner chez Fairplace, première centrale française d'importateurs solidaires, située à La-Plaine-Saint-Denis (Seine-Saint-Denis). Réservée aux professionnels, cette galerie commerciale de 500 m2 présente une large gamme de mobilier, objets de déco, vêtements et accessoires de mode, tous issus du commerce équitable et éthique. La plupart des produits sont stockés sur place. Pratique pour repartir directement avec la marchandise! Rens.: www.fairplace.fr

@ DR

Témoignage

Nicolas Messio, gérant d'Alter Mundi
«Nous voulons sortir le commerce équitable de son carcan militant»
Parce que le commerce équitable est difficile à appréhender pour un commerçant isolé (méconnaissance des labels et des filières, fournisseurs éparpillés, etc.), Nicolas Messio, gérant de deux boutiques parisiennes Alter Mundi, a I décidé d'accompagner les détaillants qui veulent se lancer. Comment? En développant en franchise le concept de ses boutiques, à savoir un lieu de vie culturelle (expos, conférences, défilés de mode, etc.) avec un espace dégustation - salon de thé et une surface de vente dédiée à la décoration, à la mode et à l'alimentaire. Résultat: en novembre 2006, deux franchises ont été inaugurées à Aix-en-Provence et à Lille. Fort de ce succès, Nicolas Messio espère ouvrir, en France, quatre à six boutiques supplémentaires, à l'horizon 2008. Un développement uniquement au cas par cas, en fonction des demandes. D'une surface minimale de 50 m2, installés dans des zones de plus de 50000 habitants, les franchisés peuvent espérer un chiffre d'affaires de 150000 euros, dès la première année. «Le commerce équitable, ce n'est pas de la vente de charité! Dans «commerce équitable», il ne faut pas occulter le mot commerce, souligne Nicolas Messio. Tenir une boutique Alter Mundi, c'est vivre dignement de son activité, mais en se souciant de l'impact social et environnemental de ses achats.»


Repères
- RAISON SOCIALE Alter Mundi
- VILLE Paris
- DIRIGEANT Nicolas Messio, 25 ans
- EFFECTIF 6 personnes
- C A 2006 350 000 euros
- SITE www.altermundi.com

Le triplé gagnant: qualité, conseil et service

 

Reste le principal atout de ces produits pas comme les autres: leur supplément d'âme, associé, bien sûr, à une qualité irréprochable. «La qualité est le premier argument de vente des distributeurs spécialisés, devant le caractère équitable ou bio, confirme Emmanuel Antoine de Quatre Mâts Développement. Pour moi, le marché du commerce équitable n'existe pas en tant que tel C'est juste une façon différente d'envisager le commerce et les relations commerciales»

Face à ce type de produits, la plus-value apportée par le commerçant est encore et toujours le conseil. Outre l'aspect éthique du produit, le consommateur recherche de l'information qu'il trouvera chez les commerçants de proximité. A vous de questionner vos fournisseurs sur leurs modes de production, la provenance exacte de leurs produits, la décomposition de leurs prix... Tous les acteurs du secteur sont unanimes: le commerçant doit se réapproprier ses achats et se porter garant du produit et de sa traçabilité. «Le détaillant doit être capable de répondre aux clients, faute de quoi il perd toute crédibilité, commente Emmanuel Antoine. Car proposer une gamme d'articles équitables n'est pas sans risque, si le commerçant l'appréhende juste comme un produit d'appel quelconque» Par exemple, imaginez un client qui se trouve dans votre magasin face à deux vêtements, l'un équitable et l'autre pas. Est- ce à dire que le deuxième est inéquitable? Issu, par exemple, du travail des enfants? Que répondre au chaland qui, alerté par la médiatisation du concept, s'interroge? «La seule issue pour le détaillant est de bien connaître son produit, souligne Emmanuel Antoine. L'idéal est de ne travailler qu'avec des fournisseurs que vous avez sciemment choisis et dont vous connaissez les méthodes» Une démarche de longue haleine, mais payante. Car, en connaissant à fond vos fournisseurs, vous serez capable de justifier d'une promesse et de répondre aux interrogations des consommateurs. D'être irréprochable, en un mot. Saddok Abed, notre commerçant lyonnais, essaye de relever le défi. «Il me semble que je suis plus à l'écoute et plus disponible que si je tenais un commerce ordinaire. Mes clients, principalement des jeunes femmes, sont très demandeurs d'informations et de conseils». Dans une logique d'exemplarité, il va jusqu'à leur proposer l'échange de vêtements qu'il commercialise, même s'ils ont été achetés ailleurs. Mais certains concepts ont poussé plus loin ce souci de transparence et de communication. Les boutiques Alter Mundi, dédiées à la vente et à la promotion du commerce équitable (cf. notre témoignage p. 43), abritent un espace permanent de dégustation qui permet à l'enseigne de communiquer sur la qualité de ses produits.

Des animations ponctuelles sont également proposées, comme des cours de cuisine, qui mettent parfois en valeur des aliments méconnus. Une recette également appliquée dans le réseau Biocoop qui organise, lui aussi, des cours de cuisine dans ses magasins. De même, Biocoop met gracieusement à la disposition de sa clientèle un magazine trimestriel de 32 pages, Consom' action Une belle façon de créer du lien avec les producteurs et de promouvoir la filière bio tout en donnant moult conseils pratiques.

Salons

Les «rendez-vous équitables»
- En ouverture de la Quinzaine du commerce équitable, grand rendez-vous national du printemps à destination du grand public, se tient le Forum national du commerce équitable (www.forumequitable.org), à la Cité des Sciences, à Paris. Producteurs, distributeurs et autres acteurs du secteur s'y retrouveront autour de stands et de conférences, les 27 et 28 avril 2007.
L'Ethical Fashion Show (www.ethicalfashionshow.com) est un salon professionnel et grand public, dédié à la mode éthique. La prochaine édition se déroulera à Paris en octobre 2007.

Baromètre

Un Français sur cinq est un «client équitable»
Un Français sur cinq déclare acheter regulierement des produits du commerce équiitable. C'est ce que révèle l'édition 2006 du Baromètre établi parTNS-Sofres pour le compte des cafés Malongo. Il dresse le portrait type du «client équitable» français: une femme, retraitée ou cadre, qui a suivi des études supérieures et vit dans une grande agglomération. Le revenu mensuel de son foyer est supérieur à 3000 Euros. Reste qu'un quart des consommateurs français n'ont jamais entendu parler de ce commerce, selon une étude menée par Ipsos pour Max Havelaar (août 2006).

 
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Carine Guicheteau

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