Ces commerces ruraux qui vendent du service
Le concept «Point Multi-Services», lancé par les chambres consulaires, permet aux commerçants situés en zone rurale d'offrir un bouquet de services supplémentaires à leurs clients. C'est à la fois un moyen de générer du trafic et des ventes tout en fidélisant sa clientèle.
Je m'abonneComment développer sa petite entreprise quand on est situé en zone rurale, en proie à l'évasion de sa clientèle vers les grands pôles? La réponse tient en trois lettres: PMS, pour «Point Multi-Services». Lancés il y a 14 ans en Auvergne, à l'initiative de la chambre de commerce et d'industrie (CCI) et de la chambre des métiers, les points multiservices reposent sur un principe simple. Il s'agit, pour les commerçants ruraux, de mettre en place un corner comportant un ordinateur avec un accès internet et une imprimante multifonctions faisant office de fax, copieur et scanner. Le concept est pour l'heure disponible dans cinq régions: Auvergne, Poitou-Charentes, Aquitaine, Limousin et Centre. «Lintérêt est de dynamiser le commerce et le village, mais aussi de donner accès aux outils de communication aux populations rurales», précise André Marcon, président de la chambre régionale de commerce et d'industrie d'Auvergne. Mieux: le concept PMS vous fait bénéficier d'une communication bien rodée. Logo, signalétique à l'entrée du village et en façade du magasin, journal interne diffusé auprès de tout le réseau, brochures à distribuer aux clients, réunions intercommerçants à la CCI, etc. «En intégrant un réseau national, fort de 250 points de vente, le commerçant n'est plus seul Il peut rencontrer des confrères et recueil lir de nouvelles idées de services ou des retours d'expérience», indique Caroline Léger, chargée de mission PMS à la chambre régionale de commerce et d'industrie (CRCI) de Poitou-Charente, qui fête cette année les dix ans d'existence des PMS dans sa région.
Renforcer les liens avec ses clients
Pour bénéficier de l'agrément PMS, la démarche est simple. Il faut en faire la demande auprès de sa CCI, à condition de remplir certains critères. «Le concept s'adresse aux com- merçants implantés dans les communes de moins de 2 000 habitants. Nous privilégions les derniers commerces en place dans les villages, afin de les dyna- miser», explique Caroline Léger. Pour être éligible, il faut, de préférence, tenir un commerce alimentaire comme une épicerie, un bar- tabac-restaurant ou encore une boulangerie. Car ces activités ont traditionnellement une large amplitude horaire. Enfin, le dynamisme du commerçant est essentiel. «Nous accordons beaucoup d'importance à l'es- prit de service qui émane du commerçant, précise André Marcon. Ce doit être un chef d'entreprise dynamique, ouvert sur son entourage et désireux de trouver des pistes pour renforcer son activité.» La commission d'agrément, composée de représentants de la région, de la CRCI et de l'Etat, se penche également sur les comptes de l'entreprise: elle privilégie les commerces en bonne santé, avec une ancienneté de plusieurs années. Car obtenir un agrément PMS représente un investissement. Le meuble et le matériel coûtent environ 5 000 euros HT, pris en charge à 80% par les pouvoirs publics (département, région, Etat). Le solde, soit environ 1 000 euros, reste à la charge du commerçant. «Cet investissement est vite rentabilisé, estime André Marcon. Dans un village de 300 habitants, une épicerie peut ainsi réaliser une vingtaine de photocopies par jour. Et les clients venus faire ces photocopies font souvent un achat complémentaire.» Les CCI préconisent aux PMS de facturer de 15 à 20 centimes d'euros la photocopie et autour de 5 euros l'heure de connexion internet. Mieux: par convention, les mairies où sont implantées les PMS s'engagent à réaliser leurs photocopies exclusivement chez le commerçant, quitte à ne plus utiliser leur propre appareil Enfin, les commerçants agréés PMS bénéficient, au démarrage, d'une formation à Internet de quatre demi-journées.
Témoignage
Régis Petit, cogérant de La Cassotte, un bar-tabac- restaurant-presse situé à Nieuil en Charente
C'est en 2000 que Régis et Andrée Petit ont décidé d'ajouter une nouvelle corde à leur arc en devenant un point multiservices. «Les habitués se connectent au Web pour faire des recherches ou lire des annonces, tandis que la clientèle de passage relève ses e-mails ou fait des opérations bancaires. Plus personne ne peut se passer d'Internet!»
Et c'est une chance pour La Cassotte, puisqu'il n'est pas rare que les clients du PMS profitent de leur passage pour boire un verre ou faire un achat. «J'ai au moins trois clients par jour pour le PMS, tout au long de l'année. Ce n'est pas rien, dans un bourg de moins de 200 habitants», confie le gérant. Forts de cette nouvelle affluence et toujours dans un esprit de service, Régis et Andrée Petit ont, depuis, inauguré un boulodrome. Ils proposent également, depuis cet été, la location de vélos, avec un parc d'une vingtaine de VTC.
Un avantage pérenne
L'agrément une fois délivré n'a pas de limite de validité. Il fait partie du fonds de commerce. «Je suis arrivée au village en 2001, pour reprendre une épicerie qui possédait déjà l'activité PMS, témoigne Sylvie Bonnard, commerçante à Paulhac, un bourg de 500 âmes dans le Cantal. Cela m'a rassurée et convaincue de franchir le pas.» Cette ex-Parisienne ne s'est pas arrêtée là. Elle fait désormais office de Relais Poste et vend des produits et services postaux (timbres, recommandés, etc.) moyennant une rémunération mensuelle d'environ 300 euros. «C'est un petit complément à mon activité de base, qui permet de rendre service à ma clientèle», résume-t-elle. Les CCI encouragent en effet les commerçants à aller au- delà des services de base du PMS, pour en proposer quantité d'autres: livraisons à domicile, point relais pour les enseignes de vente par correspondance, retrait d'argent, etc. Certains organisent également des «packages résidence secondaire», c'est- à-dire un panier-repas pour les estivants, afin qu'ils aient de quoi se restaurer lorsqu'ils arrivent dans leur maison de campagne. Le but est bien de faire du commerçant un acteur indispensable de son environnement, de maintenir l'esprit du commerce de proximité qui rend service... sans toujours poursuivre un but lucratif. «Il m'arrive bien souvent de ne pas facturer une connexion internet lorsqu'un demandeur d'emploi consulte des annonces ou si des collégiens ont besoin d'informations pour terminer un devoir», explique Sabrina Delignières, épicière-froma- gère à Miremont dans le Puy-de- Dôme. C'est aussi une façon d'entretenir un lien privilégié avec sa clientèle, qui se tourne alors plus volontiers vers le PMS pour ses achats courants. «Lors de l'ouverture d'un PMS, nous confions des tracts au commerçant qui détaillent l'ensemble des services qu'il propose», précise Caroline Léger (CRCI de Poitou- Charente). De quoi faire de la publicité, y compris auprès des touristes, qui constituent également une cible pour les PMS. «Les clients apprécient les animations que procure le réseau PMS, note enfin Sabrina Delignières. Quatre fois par an environ, au moment des fêtes, je reçois gratuitement des décorations, du matériel et des lots pour mettre en place des jeux-concours, ce qui donne un plus à mon point de vente.»
En devenant «Point Multi-Services», le commerçant bénéficie, entre autres, de publicité sur son lieu de vente et d'une signalitique dans le village.
Après 14 années d'existence, le réseau des PMS réfléchit encore à l'amélioration de son concept. «Nous souhaitons enrichir les services de base, avec des nouveautés, comme la prise de commandes par Internet pour le compte des clients», explique Caroline Léger. De quoi renforcer encore l'aspect indispensable du commerce en milieu rural.