Au secours, mon fonds de commerce peut être préempté
Certaines collectivités territoriales peuvent décider de préempter les fonds et baux commerciaux pour préserver la diversité de leur offre commerciale. Qu'est-ce que cela implique pour les cédants ? Voici quelques éléments de réponse.
Je m'abonneL'arme des maires pour préserver la richesse de leur offre commerciale ? Le droit de préemption, instauré par la loi Dutreil (2005). Est ainsi prévu que les collectivités territoriales qui le souhaitent puissent préempter (c'est-à-dire être prioritaires sur l'achat) les fonds artisanaux ou de commerce, les baux commerciaux ainsi que les terrains destinés à accueillir des commerces d'une surface de vente comprise entre 300 et 1 000 m². Sous certaines conditions.
Conséquences pour le cédant
Le maire doit tout d'abord délimiter un périmètre de sauvegarde du commerce et de l'artisanat de proximité (par exemple, le centre-ville). En juillet 2009, 489 périmètres étaient déterminés. Ainsi, en Ile-de-France, cela concerne une quarantaine de villes, soit près d'un tiers des communes. Pour le commerçant, la question est donc de savoir si sa boutique fait partie de cette zone. Renseignez-vous auprès de la mairie qui est, par ailleurs, censée en avoir fait la publicité dans deux journaux locaux et l'avoir affiché dans ses locaux. Si vous voulez vendre alors que vous êtes au sein de ce fameux périmètre, vous devez déposer une déclaration préalable, en quatre exemplaires, auprès de votre commune, précisant le prix et les conditions de la cession. Attention, en cas de défaut de déclaration, la vente est nulle. La commune dispose alors d'un délai de deux mois pour notifier sa position. Plusieurs cas de figure sont possibles :
- la municipalité abandonne son droit de préemption (ou ne répond pas dans le délai) ;
- elle se porte acquéreur au prix et conditions fixés ;
- elle souhaite se positionner, mais pas aux conditions demandées. Elle peut faire appel au juge d'expropriation du tribunal de grande instance pour déterminer le prix notamment. Seule la commune peut user de cette prérogative, pas le cédant.
Dans le cas où la mairie veut faire jouer son droit à la préemption, plusieurs problèmes peuvent émerger. Premièrement, les municipalités, notamment les petites et moyennes, ont rarement les moyens de payer le prix du marché. Et vont donc recourir au juge d'expropriation. Par ailleurs, dans le formulaire de déclaration, aucune référence n'est faite à l'activité du repreneur, qui est pourtant une donnée importante pour la commune. Elle aura alors tendance à faire appel au juge d'expropriation qui dispose de moyens d'investigations plus poussés. Enfin, comme toute procédure, elle prend du temps et retarde d'autant le moment où le commerçant va pouvoir se désengager de son commerce. Une situation forcément problématique. Puis, une fois la préemption finalisée, la commune dispose de trois mois pour la passation de l'acte de cession.
Est-il possible de contourner le droit de préemption ? Oui. Vous pouvez transformer votre entreprise en société et vendre les parts sociales, qui ne sont pas «préemptables». Ou encore résilier le bail et non le vendre.
Liquidation judiciaire et adjudication
Les procédures précédemment développées ne valent pas en cas de liquidation judiciaire ou d'adjudication (vente aux enchères). Dans ce dernier cas, c'est le commissaire-priseur judiciaire, le greffier de juridiction ou le notaire qui procède à la déclaration préalable, 30 jours avant la vente. La mairie peut alors se substituer à l'adjudicataire, mais uniquement au prix et conditions de la dernière enchère. Même type de procédure pour la liquidation judiciaire avec, cette fois, l'intervention du liquidateur.
Cet article a été réalisé suite à une table ronde organisée par l'association des journalistes PME. Etaient présents Dominique Harl, expert-comptable et délégué de l'Ordre des experts-comptables pour la Seine-Saint-Denis, Christian Hervy, maire de Chevilly-Larue et Dominique Moreno, sous-directrice à la CCI de Paris.