Alcool et pot d'entreprise, un mariage à haut risque
Si vous prévoyez d'organiser un pot, pour quelque motif que ce soit, n'oubliez pas que votre responsabilité de dirigeant est engagée. Faut-il interdire la consommation d'alcool ou simplement respecter quelques règles de prévention? A vous de choisir...
Je m'abonneVous souhaitez organiser un pot pour remonter le moral de vos troupes? Ce moment de convivialité avec vos employés peut pourtant virer au cauchemar. En effet, si vous prévoyez de servir de l'alcool, votre responsabilité de dirigeant est engagée, en vertu de l'article du code du travail rappelant votre devoir «d'assurer la sécurité et de protéger la santé physique et mentale des salariés».
Et le risque peut s'avérer très élevé: en juin 2007, un employeur et ses salariés se sont vus accusés d'homicide involontaire et de non-assistance à personne en danger à l'issue d'un dîner d'entreprise arrosé, après lequel un salarié ivre s'est tué au volant de son véhicule en rentrant chez lui. Le repas avait eu lieu au siège de l'entreprise, en dehors des heures de travail. Pourtant, ces éléments ne diminuent pas la responsabilité du dirigeant: que la fête ait lieu dans l'entreprise ou à l'extérieur, s'il en est l'organisateur, il devra répondre de la sécurité de ses employés comme des tiers. Néanmoins, selon le code du travail, certains alcools sont autorisés sur le lieu de travail comme le vin, la bière, le cidre et le poiré. Mais cela ne change en rien la problématique. D'autant qu'un autre article stipule que l'employeur doit «interdire l'accès et le séjour dans l'entreprise des personnes en état d'ivresse».
Jean-Paul Jeannin Alcoologue
Les boissons alcoolisées ne sont pas compatibles avec la sécurité, car il n'y a pas de moyen sûr d'en surveiller la consommation.
Mais comment contrôler ce que boivent vos salariés, tout en préservant le côté festif et bon enfant de l'événement? Pour Jean-Paul Jeannin, alcoologue et auteur de Gérer le risque alcool au travail, paru en 2003 aux éditions Chronique Sociale, la réponse est radicale: il faut interdire totalement l'alcool lors des rendez-vous d'entreprise. «Les boissons alcoolisées ne sont pas compatibles avec la sécurité, car il n'y a pas de moyen sûr d'en surveiller la consommation. D'autant plus qu'il est délicat pour un chef d'entreprise d'offrir des breuvages d'un côté et de restreindre leur consommation à plus de deux verres de l'autre. C'est en contradiction avec la notion de don, que l'employeur veut faire passer.»
Prudence est mère de sûreté
Néanmoins, vous pouvez rappeler, quelques jours avant la date prévue, certaines règles de prévention en précisant les dangers de l'alcool au volant et en encourageant le principe du chauffeur désigné. Vous pouvez aussi limiter le nombre de bouteilles en fonction du nombre de participants, même si cette précaution reste insuffisante. Alors, pourquoi ne pas offrir un large choix de boissons non alcoolisées, comme des cocktails de fruits frais, au lieu de vous contenter de quelques sodas? Il est aussi possible de fournir un accompagnement en taxi en cas de doute sur l'état d'ébriété d'un salarié.
Si vous souhaitez interdire complètement l'alcool, vous pouvez le mentionner dans votre règlement intérieur. Obligatoire pour les entreprises de plus de 20 salariés, il peut également être mis en place dans les structures employant au minimum dix personnes. «Le chef d'entreprise se met ainsi à l'abri d'éventuels accidents», estime maître Jean-Marie Léger, avocat associé du cabinet Avens. Le projet de texte doit être rédigé par le dirigeant, en consultant les représentants du personnel. Une fois approuvé par tous, il doit être déposé au greffe du conseil des prud'hommes, adressé à l'inspection du travail, puis affiché dans l'entreprise pour le porter à la connaissance des salariés. Le processus nécessite entre un et deux mois. Ainsi, les salariés consommant de l'alcool dans l'entreprise commettraient une faute pouvant être qualifiée de faute grave. Par le biais du règlement intérieur, vous pouvez également introduire l'utilisation d'alcootest, à la condition que les circonstances le justifient. Mais vous ne pouvez en aucun cas obliger quiconque à se soumettre à ce test. D'ailleurs, ce type de mesures peut être mal accueilli par vos salariés, qui «aiment disposer d'une certaine liberté, selon maître Léger. C'est au chef d'entreprise de décider où placer le curseur, pour éviter à la fois des problèmes de sécurité et la grogne des employés.»