4 conseils d'expert pour mieux acheter
L'achat de produits et de fournitures est le principal poste de dépenses pour un commerce. En période difficile, il peut être intéressant de négocier les contrats qui vous lient. En suivant néanmoins les règles du jeu...
Je m'abonnePlus d'un dirigeant de PME française sur cinq considère la réduction des coûts comme le levier le plus efficace pour augmenter la rentabilité. C'est le résultat d'une étude publiée en avril par Grant Thornton, cabinet international d'expertise-comptable, d'audit et de conseil aux entreprises. Parmi les solutions pour réduire ses dépenses, l'achat au moindre coût figure en bonne place. Voici quatre conseils pour y parvenir.
1- Evaluez vos besoins
Première étape indispensable: la définition de vos besoins, qui va vous permettre de cibler au mieux les produits à acheter mais aussi de préparer en amont la négociation avec votre fournisseur. Une phase souvent négligée par manque de temps, qui s'avère pourtant stratégique. «La démarche commerciale du fournisseur consiste souvent à devancer le besoin du client, explique Patrick Caverivière, conseiller en entreprise et auteur de La Négo ciation achat-vente, paru aux éditions Demos. Il est donc indispensable pour le chef d'entreprise de se recentrer sur son besoin, en l'évaluant précisément, afin de ne pas le perdre de vue.» En effet, il s'agit de se poser les bonnes questions: de quelle qualité avez-vous réellement besoin pour tel ou tel équipement ou produit ?Quels bénéfices en attendez-vous? Vous tourner vers une offre moins chère est bien évidemment source d'économies. Mais il s'agit d'être vigilant pour obtenir le meilleur rapport qualité/prix. Pour ce faire, vous devez considérer le «coût complet» du produit. Le coût de l'acquisition est alors envisagé sur une période donnée, en y incluant la durée de vie, la consommation en énergie, le stockage, mais aussi les services comme le SAV (s'il comprend un remplacement gratuit du matériel, l'intervention d'un réparateur, etc.).
2- Faites jouer la concurrence
Même si vous entretenez de très bonnes relations avec vos fournisseurs historiques, consultez l'offre de la concurrence. Par téléphone, sur Internet et en vous déplaçant sur des salons professionnels. Inutile de les rencontrer tous, mais il peut être intéressant de faire une petite sélection de fournisseurs et d'analyser leur offre. Vous pouvez mettre en place une grille d'évaluation en fonction de plusieurs critères (service, délai de livraison, etc.). «Renseignez-vous notamment sur l'innovation proposée par les concurrents», conseille Patrick Caverivière, ce qui peut vous permettre de trouver des produits présentant un meilleur «coût complet». Autant d'arguments concrets qui vous aideront à négocier avec votre fournisseur. Néanmoins, faites attention: en multipliant les fournisseurs, vous diminuez le montant de vos commandes et pesez donc moins lourd dans la négociation. Il sera évidemment plus difficile d'obtenir un tarif intéressant si vous commandez en faible quantité chez chaque fournisseur.
3- Menez la négociation
Une fois que vous avez évalué précisément vos besoins et sélectionné votre fournisseur, dressez une liste des concessions que vous êtes prêt à faire en échange d'une baisse tarifaire, tout en gardant à l'esprit vos objectifs incontournables. Peut-être s'agit-il d'un paiement accéléré de votre part, d'un volume de commandes plus important ou encore l'acceptation d'une livraison différée? Si augmenter le volume de vos commandes favorise les remises, il faut néanmoins considérer d'autres facteurs, comme l'espace dont vous disposez pour le stocker et son coût. Vous pouvez néanmoins jouer sur les variations saisonnières de votre activité, en prévoyant par exemple davantage de produits avant les soldes. L'arbitrage dépend de votre cas particulier. En outre, l'extension du champ de la négociation est un point-clé qui évite aux deux parties de rester bloquées sur un désaccord. «Celui qui achète mène le débat, estime Patrick Caverivière. Le vendeur a une tendance naturelle à rapporter la discussion sur la qualité du produit, mais le commerçant doit garder la main.» La liste préparée en amont doit être abordée point par point, conseille également l'auteur. Si la tâche s'avère difficile, il est toujours possible de recentrer le débat par une formule simple et polie, comme: «J'aimerais maintenant que nous parlions de...». En ce qui concerne l'ordre des sujets abordés, il vaut mieux commencer par un point où le risque de conflit est minime, pour débuter sur de bonnes bases. Néanmoins, évitez de faire la première concession, car elle est décisive, selon Patrick Caverivière: celui qui l'emporte a de grandes chances de garder un avantage pendant toute la durée de la négociation.
Autre impératif: ne jamais dévoiler son objectif, afin de pouvoir continuer à parlementer si le vendeur n'a pas atteint sa limite. Mais à l'inverse, il faut aussi savoir repérer si votre interlocuteur n'a plus de marge de manoeuvre, et jouer en conséquence sur un autre point.
Si vous n'obtenez pas satisfaction, vous avez la possibilité de botter en touche, en concluant la négociation par la demande d'un temps de réflexion. Mais attention: si cette pause peut être un facteur déclenchant pour votre fournisseur, vous pourrez difficilement revenir vers lui en acceptant, finalement, ses clauses. Sachez par ailleurs que le conflit d'intérêts est inhérent à la négociation, attendez-vous donc à quelques passages animés pendant la conversation. Néanmoins, l'échange ne doit en aucun cas devenir personnel.
Une fois les termes du contrat acceptés par les deux parties, l'acte d'achat n'est pas terminé. Vous devez encore veiller à ce que le fournisseur tienne ses engagements. Un suivi au quotidien nécessaire, au risque de perdre le bénéfice de votre négociation. Dernier conseil: n'oubliez pas que le vendeur est votre allié dans l'après-vente, notamment lors de la livraison et au moment de faire jouer la garantie, en cas de produit défectueux.
4- Adhérez à un groupement d'achats
Si toutes ces démarches vous rebutent ou si vous souhaitez vous en décharger, vous pouvez vous regrouper avec d'autres commerçants. Ils peuvent faire partie du même secteur d'activité en cas d'achats stratégiques (matières premières, etc.) ou de tout corps de métier pour des achats non stratégiques (fournitures de bureau...). Et les avantages sont nombreux. Notamment parce qu'un fournisseur est davantage prêt à lâcher du lest dans la négociation si votre volume d'achats est plus important. Une situation vérifiée par l'association Les Bouchers doubles, constituée de 44 professionnels d'Ille-et- Vilaine. En groupant leurs commandes, ils obtiennent des ristournes comprises entre 1 et 5% de la part de leurs fournisseurs. Les sommes épargnées sont consacrées à l'achat d'articles de PLV et à des opérations de comunication. Une piste qui peut donc s'avérer particulièrement efficace.
Juridique
Rupture commerciale
Si vous entretenez une «relation commerciale établie avec un fournisseur» et que vous souhaitez la rompre, sachez tout d'abord que vous avez certaines obligations juridiques. Le code du Commerce précise que vous devez faire preuve de loyauté. Vous êtes notamment dans l'obligation d'envoyer un préavis écrit dont la durée, non fixée dans le texte, doit tenir compte de la pérennité de la relation et de la proportion de chiffre d'affaires remise en cause par l'entreprise «victime» de la rupture brutale.
Patrick Caverivière Conseiller en entreprise
«Le vendeur a une tendance naturelle à rapporter la discussion sur la qualité du produit, mais le commerçant doit garder l'initiative.»