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L'attractivité des centres-villes, un enjeu autant commercial que politique

Publié par Pierre Lelièvre le - mis à jour à

Pour la dernière journée du Salon Franchise Expo Paris, organisé du 25 au 28 mars 2018, le sujet du centre-ville de demain a fait l'objet de multiples discussions. Au-delà du besoin de redynamiser le commerce, l'attractivité du centre-ville s'avère comme un enjeu commercial et politique.

Au lendemain de la publication par le Gouvernement de la liste des 222 villes moyennes bénéficiaires du plan Action coeur de ville, l'événement Franchise Expo Paris a clos ses quatre jours de salon, mercredi 28 mars 2018, par une journée dédiée au centre-ville de demain et à l'importance de réfléchir à l'organisation future du coeur des villes. Un défi d'envergure en raison de la baisse d'attractivité économique et sociale des centres urbains pour lequel plusieurs idées ont été avancées par les intervenants.

Si le révélateur de la baisse de dynamisme des coeurs de villes s'illustre en premier lieu par la décrépitude de son paysage commercial - rideaux fermés et locaux vacants -, le message général des échanges a été la nécessité de réfléchir aux causes et aux solutions à apporter à travers un prisme plus étendu que le seul besoin d'attractivité des magasins. Pourtant, difficile de trouver un remède unique au problème en raison de la diversité des difficultés qui touche les centres-villes. "Toutes les villes moyennes n'ont pas les mêmes problématiques puisque les territoires ne sont pas à égalité sur le plan démographique, économique ou sur le plan des infrastructures", explique Emmanuel Le Roch, délégué général de Procos, la fédération pour l'urbanisme et le développement du commerce spécialisé.

Gouvernance globale

La revitalisation des centres-villes s'avère en effet tout autant liée aux besoins d'adapter le commerce aux évolutions de la consommation que de repenser l'action politique locale. Un message martelé par Pierre Creuzet, directeur et fondateur de l'association Centre-Ville en mouvement pour qui "le rôle des élus locaux est primordial dans la prise en compte des défis qui se présentent face aux territoires."

L'implication des pouvoirs publics dans la prise en compte des enjeux paraît donc indispensable que ce soit sur les questions d'urbanisme, de logement, de transport et d'accessibilité. "La volonté politique doit toucher à toutes les facettes de l'organisation du centre-ville, fait savoir Nicole Langel, adjointe au commerce à la mairie de Sens. Depuis 2014, nous avons lancé de nombreux chantiers. Nous avons par exemple recruté un manager de centre-ville, créé une taxe sur les locaux vacants, lancé un plan de rénovation des façades ou instauré une charte sur les terrasses".

Une dynamique en faveur de l'attractivité commerciale qui a, entre autres, permis à Sens de voir son taux de vacance commerciale diminuer de cinq points en trois ans. Il s'établit aujourd'hui à 10 %.

Mais pour réussir, les actions entreprises à l'échelon local doivent être fédératrices et partagées par la majorité des acteurs. "Avant de lancer des projets, nous devons nous assurer de définir une vision, trouver une direction commune. La gouvernance doit être le reflet des volontés de tous les acteurs", juge Guillaume Cassé, manager du centre-ville de la communauté d'agglomération de Niort, qui explique son rôle comme celui d'"une interface, d'une charnière" entre les différentes parties prenantes.

Commerces indépendants vs enseignes ?

Souvent opposés pour la concurrence des uns sur les autres, les enseignes et les commerces indépendants sont-ils malgré tout complémentaires ? Pour Pierre Creuzet, "il est nécessaire de trouver le bon équilibre entre les commerces indépendants et les enseignes". L'organisation du commerce demeure un élément clé à la portée des élus de chaque territoire pour se saisir des problématiques qui touchent leur commune et favoriser une diversité de l'offre commerciale. "Les centres-villes ont besoin de locomotives commerciales qui apportent du flux", ajoute-t-il.

Un facteur indispensable, à en croire Étienne Boivin, directeur du développement de la franchise Cavavin, pour qui la dynamique de l'ensemble du territoire central crée de la valeur ajoutée dans un projet d'implantation. "Historiquement, le centre-ville est dans notre ADN parce qu'on a besoin du fleuriste, du boucher ou du boulanger. La qualité et le dynamisme d'un centre sont les premiers éléments caractéristiques dans notre choix d'implantation", fait-il savoir. "Le drame pour un commerçant c'est l'isolement", abonde Benoît Ganem, dirigeant de la franchise Le Jardin des Fleurs.

Une complémentarité entre tous les acteurs du commerce qui doit favoriser la mise en place d'outil en commun à l'échelle du centre, d'après les experts. "La mutualisation de certains services comme une marketplace locale ou un service de livraison doivent permettre de fédérer tout le monde", précise Benoît Ganem, qui explique que 80 % des actions en provenance du site national de la franchise se retrouvent en boutique.

Si les enseignes et les franchisés bénéficient de davantage de puissance en matière de numérique, bien aidés par la force de frappe apportée par les têtes de réseaux, les commerçants indépendants "ont encore une réelle difficulté d'approche avec le web", estime Guillaume Cassé. Mais cela n'empêche pas le délégué général de Procos de rester optimiste sur la capacité des indépendants à se saisir des atouts du numérique à l'avenir. "Je suis confiant dans la future génération de commerçants indépendants. Ils sont au fait du numérique, en comprennent les enjeux". Un élément essentiel pour faire perdurer le commerce dans les centres-villes.

Comment les maires perçoivent-ils leurs centres-villes ?

L'association Centre-Ville en mouvement a sondé les élus locaux pour connaître leurs perceptions à travers une vingtaine de questions. Parmi les principaux enseignements, un tiers des maires sondés* considèrent leur centre-ville comme très peu animé, quand plus de 25 % des élus de villes de plus de 10 000 habitants disent subir une vacance commerciale très importante, supérieure à 14 %.

Pour lutter contre les méfaits de la désertification des centres, certains élus souhaitent agir, notamment en augmentant la piétonnisation de certaines rues, même s'ils restent partagés sur la question. Ils sont à la fois 43,2 % à l'envisager et à ne pas la souhaiter, marquant une franche hésitation sur l'intérêt de disposer de zones sans voitures.

Signe que les zones périphériques commerciales participent au déclin de l'activité des centres urbains, plus de sept élus sur dix se disent prêts à mettre en place un moratoire d'un an sur les projets de création et d'extension de surfaces commerciales.

À l'inverse, l'importance de garder des services publics en centre-ville fait consensus. À 98,9 %, les maires sont favorables à leur maintien dans les coeurs des villes. Pourtant, la tendance observée est inverse. Les hôpitaux, les chambres consulaires ou encore Pôle Emploi se délocalisent de plus en plus en périphérie des villes.

*Méthodologie : Étude réalisée sur les retours de 221 maires de villes de plus de 10 000 habitants et 1 152 réponses d'élus de communes de moins de 10 000 administrés. À consulter ici.