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Mourad Benamer, féru de cuisine et boulimique de travail

Publié par Olga Stancevic le - mis à jour à

Entrepreneur dès l'âge de 22 ans, Mourad Benamer a toujours été son propre patron. Il commence par faire recette avec Nouvelle Fraîcheur, société de distribution de sandwichs, puis lance la désormais fameuse enseigne Eat Sushi. Rencontre avec un perfectionniste à l'esprit de famille.

Lorsque vous avez rendez-vous avec M. Benamer, mieux vaut préciser lequel : s'agit-il de Mourad ? De Yahya ? Ou encore d'Ali ? La franchise Eat Sushi est, en effet, une affaire de famille, avec à sa tête Mourad Benamer, 37 ans, celui par qui tout a commencé.

Mais, avant les sushis, l'homme se fait la main avec les sandwichs. " J'ai créé ma première entreprise à 22 ans ", précise le dirigeant qui reconnaît n'avoir jamais eu de patron. Une entrée dans la vie professionnelle par la grande porte de l'entrepreneuriat, alors que Mourad Benamer vient d'échouer au bac professionnel d'électrotechnique et peine à trouver un poste de vendeur en prêt-à-porter. " Je me suis juste dit qu'il fallait essayer de créer ma propre activité, plutôt que de rester les bras croisés ", lance-t-il.

Dans sa ville de Bondy, en Seine-Saint-Denis, Mourad Benamer fréquente des étudiants qui se plaignent régulièrement de la qualité de leur déjeuner. L'idée de proposer des sandwichs goûteux à prix abordable fait alors son chemin dans l'esprit de ce fils d'immigrés marocains, élevé à la bonne cuisine et nourri aux effluves d'épices. Ainsi, avec son frère aîné, Yahya, il monte le réseau de distribution de sandwichs Nouvelle Fraîcheur, qui devient rapidement fournisseur des cafétérias de ­plusieurs universités parisiennes, avec un produit phare : le sandwich à 10 francs. Jussieu, Nanterre, Villetaneuse, la Sorbonne et bien d'autres s'arrachent les produits de Nouvelle Fraîcheur, qui livre jusqu'à 2 500 sandwichs par jour.

Mourad Benamer devient rapidement multitâche : acheteur, cuisinier, commercial, livreur... " J'ai passé sept ans à me lever à 2 h 45 du matin, pour aller chercher les salariés et les conduire à notre laboratoire parisien, situé dans le XIVe arrondissement. À 4 h, je récupérais le pain frais, ensuite nous fabriquions les sandwichs puis faisions la livraison ", se souvient ce boulimique de travail.

Autodidacte survitaminé

Commercial dans l'âme, Mourad Benamer démarche les sandwicheries indépendantes et les cafétérias des administrations pour leur faire tester et adopter ses produits dont il sélectionne les matières premières avec soin. " Un échantillon vaut tous les discours ", estime l'entrepreneur qui se forme "sur le tas" avec, pour seul bagage, un stage de création d'entreprise de trois semaines à l'ANPE. " Pour la première fois, à la tête de ma propre affaire, j'avais l'impression de faire quelque chose de concret, ça m'a donné des ailes ! "

La réussite n'empêche cependant pas le jeune entrepreneur de connaître le doute : " Dans l'euphorie des débuts, je me suis aussi demandé combien de temps tout cela allait durer, si la demande n'allait pas retomber. Chaque nouveau projet était mûrement réfléchi. "

L'entrepreneur peut compter sur sa famille : la maman des frères Benamer n'hésite pas à laver les ­tenues des cuisiniers, avant que Nouvelle Fraîcheur ne s'offre les services d'un prestataire. " Travailler en famille offre une sécurité, les rapports sont fondés sur une confiance réciproque ", estime le dirigeant.

La cuisine japonaise, une révélation

Au milieu des années deux mille, alors que le marché du sushi se développe en France, Mourad Benamer pressent une opportunité. Toujours avec son frère Yahya, il réalise une étude de marché, questionne les grossistes de Rungis... Et ouvre son premier restaurant Eat Sushi, à Paris, après avoir revendu Nouvelle Fraîcheur. " J'ai eu un coup de coeur pour la cuisine japonaise ", avoue l'entrepreneur qui inaugure, en 18 mois, quatre restaurants en région parisienne.

Le coup de coeur se transforme en boulimie de connaissances : Mourad Benamer dévore les livres de cuisine, se rend au Japon... " Avec les autres pionniers du marché, nous avons proposé une cuisine adaptée aux Français ", souligne-t-il. En 2008, une cliente le sollicite pour ouvrir un point de vente en franchise à Lyon. " J'ai dû travailler pour apprendre le métier de franchiseur et accepter de confier l'enseigne à autrui ! " Mais face au succès de sa première franchisée, qui réalise 1 M€ de chiffre d'affaires dès le premier exercice, il s'incline.

Passionné de nouvelles technologies, l'entrepreneur ouvre une société d'informatique pour créer les outils destinés à son réseau de franchises. Il crée une filiale dédiée à la fabrication de brochettes yakitori pour Eat Sushi et d'autres restaurateurs, pilotée par son frère Ali, et lève 3 M€ auprès du fonds Citizen Capital en 2012, afin d'accélérer le développement de l'enseigne.

Aujourd'hui, Eat Sushi compte 35 restaurants dont 31 en franchise. Le réseau, qui emploie plus de 500 salariés, réalise 28 M€ de chiffre d'affaires.

Pour le jeune entrepreneur, hors de question de se laisser coller des étiquettes et de s'enfermer dans le rôle du fils d'immigrés peu diplômé à la réussite improbable. Son succès repose sur sa volonté, son travail, la curiosité et une implacable exigence. " Je suis maniaque ! ", reconnaît-il volontiers, tout en avouant qu'outre le travail, son principal loisir est la course à pied. Une façon d'avancer vite, là aussi.

Bio - Mourad Benamer

16 mai 1976 : Naissance à Oujda, au Maroc
1996 : Quitte le système scolaire, avec le niveau bac pro électrotechnique
1998 : Crée Nouvelle Fraîcheur
2006 : Vend la société Nouvelle Fraîcheur
2006 : Crée l'enseigne Eat Sushi
2008 : Eat Sushi s'ouvre à la franchise