Delivroo, Foodora, Take eat easy : un bon plan pour les petits commerçants ?
Publié par Camille Lhost le - mis à jour à
Des milliers de coursiers à bicyclette, embauchés par Deliveroo, Take eat easy et Foodora, livrent à domicile les repas des restaurants en moins d'une demi-heure. Quels arguments ces sociétés avancent-elles pour séduire les commerçants ? Et surtout pour quels résultats ? Enquête.
Drrrrring ! Six jours par semaine, Julien Malirieux branche ses trois tablettes sur le bar de son restaurant et attend qu'elles sonnent. Depuis six mois, le gérant du Gotham à Boulogne-Billancourt dans les Hauts-de-Seine, a passé des contrats de partenariats avec Deliveroo, Foodora et Take eat easy, des sociétés de livraison de repas par des coursiers à vélo. Chaque midi, il reçoit plusieurs dizaines de commandes via ces applications. Une manière pour lui d'augmenter sensiblement le volume de burgers vendus grâce à une large communication web et une grande visibilité marketing. "Je suis mieux référencé sur les moteurs de recherche et je constate que des clients viennent manger en salle après avoir commandé en ligne", confirme-t-il en tendant un sac chaud au coursier qui se pointe sur le seuil de la porte et qui enfourche son vélo sans perdre une seconde.
À seulement quelques pas de là, dans la même rue, au 108 de Billancourt, on s'affaire aussi en cuisine. Ici, Stéphanie Lelièvre emballe des croques-messieurs. Pour elle qui a ouvert sa boutique de ''take away'' il y a tout juste un an avec son compagnon, sous-traiter la livraison s'est imposée comme la meilleure des alternatives : "On voulait embaucher un coursier privé, mais les coûts semblaient trop élevés. Aujourd'hui, on ne regrette pas du tout notre choix. Par ce biais, on touche des gens du quartier mais surtout on fidélise des clients habitant à l'autre bout de Boulogne et à Paris."
Minimiser le risque de manger froid
Hamburgers, croques-messieurs, sushis ou pizzas, sur les plateformes le choix est tel que tous les estomacs peuvent être rassasiés en moins de 30 minutes. "On sélectionne de façon très minutieuse les établissements avec lesquels on travaille, note Arthur Sabatier, Content manager chez Take eat easy. Ils doivent avant tout proposer un concept culinaire propre."
Les coursiers, eux aussi triés sur le volet, qui " sont tous des passionnés de vélo " doivent livrer en quelques minutes au risque que les mets arrivent froids. "Cela arrive que les clients râlent mais on trouve toujours des compromis car l'objectif reste de créer une relation à long terme entre nous et les clients, mais aussi entre nous et les restaurateurs, et surtout favoriser la fidélisation entre clients et restaurateurs", poursuit le manager de la société verte turquoise.
Trente petites minutes donc entre le moment où le client paye sa commande sur la plateforme et celui où le livreur sonne à la porte. Pour tenir cette promesse, un algorithme combine l'adresse de livraison, celle du restaurant (toujours à moins de 3 kilomètres de la première), et trouve un coursier dans le secteur. Un rythme effréné et effrayant pour plusieurs restaurateurs.
Chez Take eat easy et chez les autres, on veut les rassurer. Si en salle la charge de travail demeure trop intense, une simple déconnexion aux services des sociétés de livraison suffit. Au Gotham, on ne désactive jamais les notifications. "Je le redis, pour moi, ces sociétés ont créé un système donnant-donnant qui fonctionne très bien", assure le dirigeant.
Un chiffre d'affaires en augmentation de 15% à 25%
Selon Take eat easy, les restaurateurs qui recourent à ce type de services voient leur chiffre d'affaires évoluer de 15 à 25 % supplémentaire par an. Un argument fort pour Julien Malirieux et Stéphanie Lelièvre, qui doivent pourtant reverser chaque mois un pourcentage de leurs bénéfices aux sociétés de livraison. "C'est beaucoup quand on y pense. 30 %, ça fait une somme rondelette au bout du compte", précise le jeune gérant du Gotham.
Même sentiment au Croque-Monsieur Nomade : "C'est un sacré coût car tous nos produits sont proposés au même prix en boutique et sur les sites." Elle ajoute : "Pour moi, il existe une autre contrainte : je travaille uniquement avec des produits bio et de saison. J'ai dû inclure à la carte, des salades à cuisiner toute l'année pour répondre à cette demande. Pas réellement un problème, plutôt un souci supplémentaire à gérer au moment de l'ouverture de mon restaurant."
Mais pas le temps de souffler. Voilà que l'application de la tablette sonne une nouvelle fois. Une salade césar et un cheesecake aux fruits rouges pour un client confortablement installé rue de Castéja. Probablement un urbain, CSP +, friand du high-tech et sensibilisé aux questions environnementales. "Certains coursiers débarquent en scooter ou en voiture ! Pas très écolo...", ricane Julien Milirieux.
Pourtant, à peine quelques instants plus tard, c'est bien une caquette affichant le kangourou bleu de Deliveroo, juchée sur un vélo qui se montre. Elle a l'air déjà bien épuisée mais accepte volontiers le sac qui contient ce repas. Au moins cette fois, le client ne viendra pas se plaindre qu'il est arrivé froid.