Une taverne pour les relier tous
Publié par Auriane Velten le - mis à jour à
Ce café ludique à (très) bas prix aurait pu être un gouffre financier. Que nenni. La taverne du gobelin farci est une réussite, à la fois commerciale et sociale.
En 2014, Loïc Moulin opère une reconversion brutale et plutôt risquée, passant de son métier d'ingénieur à celui de... tavernier. Il reprend en fait un commerce de jeux de société à Saint-Étienne. Une boutique, d'après ses mots, "très traditionnelle, un peu geek, avec une clientèle très masculine, et assez fermée à ceux qui ne connaissent pas les jeux".
Son but est déjà clair : faire découvrir les jeux de société au plus grand nombre. Pour des raisons financières en partie, parce que la marge sur le seul jeu de société n'est pas suffisante pour faire tourner une boutique. Et par générosité, surtout, car Loïc Moulin considère que le jeu de société est un objet culturel au même titre que la littérature ou le cinéma.
"Aujourd'hui, nous sommes dans une société avec une demande croissante de proximité, argumente-t-il. Et le jeu de société est le meilleur ciment social possible, entre amis ou avec des inconnus." Loïc Moulin se fait donc tenancier, et adjoint un café ludique à la boutique. Un euro - prix de la consommation la moins chère - ouvre l'accès aux jeux disponibles, sans limite de temps.
Des tarifs volontairement bas, pour que chacun puisse venir, quelles que soient ses ressources. Et de fait, le bar ne représente que 20 % du CA (80 % pour la boutique), bien qu'il ait pris davantage de place après que les Stéphanois eurent découvert qu'il était désormais possible de venir prendre un verre (sans alcool). Malgré cet effort commercial, ce sont tout de même les classes sociales supérieures qui fréquentent en majorité les lieux. "Le jeu reste un produit cher, et il y a aussi une question de culture, regrette l'expert en ce domaine. Mais beaucoup d'étudiants viennent, sans forcément acheter, pour profiter de la salle à moindre coût."
Faire entrer les gens plutôt que l'argent
La clientèle féminine, elle, est passée de 30 % aux débuts, à 50 % dès la deuxième année. "Beaucoup de femmes nous ont remerciées d'ouvrir un lieu comme ça, lumineux, où elles ne sont pas fixées lorsqu'elles rentrent. Et nous avons une femme en boutique, ça peut jouer également, explique Loïc Moulin. C'est aussi parce que nous nous sommes vraiment ouverts sur une gamme casual, avec des jeux plus accessibles. Avant, il y avait surtout des hommes dans la trentaine. Maintenant des familles viennent, avec enfants et grands-parents ! Les hommes qui viennent jouer entre amis reviennent en famille le dimanche."
Ce pari de la démocratisation est payant, littéralement. Alors que la boutique rachetée faisait 150 k€ de CA, la taverne du gobelin farci atteint 250 k€ dès la première année. Et le CA augmente depuis, "grâce à de nouveaux clients qui arrivent en continu, car on n'a pas encore touché toute la population qui pourrait être intéressée par ce que l'on fait", d'après Loïc Moulin.
Un succès suffisant pour avoir lancé la procédure d'achat du local, pour 220 k€. L'investissement suivant visera à rendre le lieu accessible aux personnes en fauteuil roulant autonome - seules personnes en situation de handicap qui ne peuvent encore y entrer. Même si le devis réalisé monte à 75 k€, ce projet est prioritaire sur l'idée de transformer un stock en cuisine, afin de proposer de quoi grignoter. " Ça passera après, parce que ça, ça ne lèse personne ", conclut Loïc, le bon tavernier.
Repères
Raison sociale : La taverne du gobelin farci
Activité : Boutique/café ludique/agence évènementielle
Siège social : Saint-Étienne (Loire)
Date de création : Février 2014
Gérant : Loïc Moulin, 32 ans
Effectif : 5 personnes
CA 2020 : 500 k€